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Rubrique Ici mieux que là-bas

La mafia de l’oxygène

Il y a quelque chose qui brave l’arbitraire et qui semble n’avoir peur ni de la répression, ni de l’invective et encore moins de l’exclusion patriotarde de la rente. C’est évidemment le variant Delta, le redoutable Delta. Cela donne un spectacle apocalyptique. Les hôpitaux sont submergés de patients en détresse. Les couloirs et les pièces inadéquates sont jonchés de malades en train d’agoniser, faute d’oxygène. Ceux qui ont le privilège d’en être alimentés décèdent à cause des coupures de courant électrique. Le corps médical et paramédical, poussé jusqu’au paroxysme de la résistance, multiplie les aveux d’impuissance. Une limite est atteinte. Le corps médical n’a plus rien à donner que sa merveilleuse abnégation et sa profonde humanité. Et des martyrs.
Malheureusement, le prix en vies humaines du débusquement de l’impéritie est lourd. Tous les jours, des dizaines d’Algériens, très souvent des classes populaires, alourdissent le bilan macabre. Ce sont autant de sacrifiés sur l’autel de l’incapacité des hommes à être à la hauteur de leurs responsabilités.
Certes, le pouvoir algérien n’est pas le seul, loin s’en faut, à être dépassé par l’évolution vertigineuse de cette pandémie, aggravée par le surgissement de variants de plus grande létalité. Partout dans le monde, et même dans les pays dits développés, la confrontation au Covid-19 et à ses variants  a démontré l’impréparation des autorités sanitaires et politiques au duel avec un tel virus.
De même, cette situation d’impuissance montre en creux dans quelle vulnérabilité l’ultralibéralisme réduit l’humanité par l’asservissement de la santé, du médicament, à la loi du profit. Donc, l’Algérie n’est évidemment pas la seule à être dans la catégorie des éclopés dans le combat contre ce cataclysme. Mais il se trouve que c’est l’Algérie qui nous intéresse ici, et toujours. Après tout, ce sont nos responsables qui, jadis encore, fanfaronnaient  en se vantant d’avoir le meilleur système sanitaire d’Afrique ou même du monde. Comment peut-on affirmer cela et se taire devant la tragédie actuelle due à l’état hautement défectueux de ce système. Dans certains cas, ne vaut-il pas mieux faire montre du courage de proférer la vérité à l’instar d’un Churchill promettant à son peuple, non pas un paradis illusoire, un mensonge d’Eden, mais l’enfer réaliste « du sang, du labeur, des larmes et de la sueur » ?
Depuis le début de la pandémie, nos autorités ont souvent tapé à côté. Quand un ministre recevait avec toute la médiatisation idoine un charlatan, ça en disait déjà long sur la stratégie pour contenir l’épidémie qui avait besoin d’être stoppée par la médecine et la technologie plutôt que par les gris-gris. Puis, avec un discours toujours triomphaliste tirebouchonnant à n’en plus finir, et souvent irrationnel, on a continué à prendre des mesures improbables. Ainsi, de ce confinement obligatoire de 5 jours pour les Algériens venant de l’étranger. Outre le fait que les structures d’accueil ont été chaotiques, on comprend mal comment cette  décision a pu être prise à un moment où l’épidémie semblait refluer. Ce même confinement est aujourd’hui supprimé en pleine explosion des contaminations et des décès.
Imaginons que les réseaux sociaux n’existaient pas. On aurait été informés par la grand-messe de la télé nationale qui aurait claironné, comme jadis, que tout allait bien au pays du paradis sur terre et que seuls les traîtres à la Nation affirment le contraire.
En dépit des excès, des fakes, du capharnaüm informationnel que les réseaux sociaux favorisent, il reste quand même un fond de liberté d’expression qui nous fait parvenir l’ampleur du mal et aussi la flamboyance des solidarités. Comme si, avec la satisfaction du devoir accompli, l’État algérien s’était subrepticement retiré dans ses quartiers d’été, le mouvement citoyen a pris les choses en main. Avec l’aide de la diaspora honnie, bouc émissaire de toutes les vilenies, les hôpitaux, les dispensaires, les centres de soins sont équipés, dans un élan inédit, du nécessaire pour apporter de l’oxygène aux malades. C’est un peu la revanche du Hirak.
Car, outre l’étrange absence des responsables de l’État dans son devoir d’assurer aux Algériens les soins, il maîtrise à peine, à vue d’œil, la distribution du peu(1) d’oxygène dont on dispose, soumis aux criminels rapts d’une mafia. Oui, une nouvelle espèce est née, et elle n’a aucun scrupule : la mafia de l’oxygène. Elle spécule aussi sur les tests, qui atteignent des coûts exorbitants.
C’est encore le libéralisme qui est l’amende dans cette histoire du manque d’oxygène. Il existait une entreprise publique algérienne, l’ENGI, qui produisait l’oxygène médical. Elle couvrait les besoins du marché algérien et se permettait même d’en exporter au Maroc et en Tunisie. En 2007, elle est privatisée. Eh, oui ! C’est un groupe allemand, Linde Gas, qui la reprend. En 2011, une grève mobilise les travailleurs de l’usine de Reghaïa. Selon Liberté, les protestataires demandaient « la récupération, au profit de l’État algérien, de l’ENGI, qui a été privatisée sans tenir compte de l’intérêt du pays ». Un travailleur confiait au quotidien : « Nous n’allons pas nous taire sur ce hold-up qui prive le pays du monopole d’un produit aussi stratégique .»
Moins de vingt ans plus tard, on ressent combien les travailleurs de cette entreprise avaient raison de se battre pour garder cet outil.
Évidemment, le comportement des Algériens, nourris d’insouciance et de fatalisme religieux saupoudré de complotisme, est un facteur qui favorise la propagation du virus.
Vaccinez-vous, confinez-vous, portez le masque, observez les gestes barrières et soyez solidaires !
A. M.

1) Au moment où on boucle cette chronique, on apprend que le ministère de la Défense nationale a fourni des avions pour réceptionner, en provenance de Chine, des quantités importantes de vaccins et d'oxygène. On comprend le fait de le faire savoir.

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