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Rubrique Ici mieux que là-bas

Tu es un mauvais Algérien, va !

Visiblement, une guerre n’est jamais vraiment finie… Même quand on le croit, elle se poursuit, en fait, par d’autres moyens, tendant d’autres pièges, faisant d’autres victimes. Et les prolongations occasionnent autant de dégâts que la version live.
En guerre, alors ? Non. Mais, voilà… Elle se voulait pourtant équilibrée – et, en tout cas, sereine - cette chronique de la semaine dernière portant sur ce qu’on appelle le rapport Stora. On le croyait, du moins !
Eh bien, c’est raté ! Elle a provoqué un retour de tirs sur plusieurs fronts. En plus de la qualification rédhibitoire de «mauvais Algérien» !
D’abord, est-il opportun de faire cette mise au point ? Le regard critique - critique tranquille et nécessaire ! - sur ce rapport, ne visait en aucune façon son auteur, Benjamin Stora. A posteriori, il paraît utile de le préciser. Il n’est pas difficile de supposer deux choses. La première, c’est que, vu les circonstances politiques et le confinement franco-français de ce document, il ne pouvait que nous désagréer, nous autres Algériens. Ensuite, quelles qu’aient été ses conclusions, il paraît difficile de toutes les façons d’éviter le malaise, compte tenu de la profondeur et de l’acuité du contentieux et de la disparité des intérêts de groupes de mémoires antagoniques.
Fils lui-même de cette déchirure, Benjamin Stora reste sans doute l’un des historiens contemporains ayant le regard le plus apaisé sur l’histoire de la colonisation française en Algérie. Les moins malveillants de ses contempteurs ne remettent nullement en cause sa bonne volonté ni sa maîtrise du sujet,  mais  lui reprochent  d’avoir  accepté   la  commande d’Emmanuel  Macron. Leur  argument ? Il n’appartient pas à un historien d’élaborer un rapport politique sur l’Histoire.
Il faut reconnaître qu’il est courageux d’avoir accepté une mission, disons-le comme cela, aussi casse-gueule. C’est peut-être une forme de militantisme. En tout cas, nous ne sommes ni de ceux qui lui font grief d’avoir fait le boulot, - tant qu’à être fait, on préfère encore que ce soit par lui - , ni de ceux qui, désapprouvant l’esprit du rapport, en fustigent l’auteur.
Venons-en aux différentes catégories de critiques essuyées.
1. De façon générale, nous avons eu droit à la sagacité offensive des gardiens du temple sacré. Comment peut-on tomber dans le piège de parler d’un passé vaseux et évasif, et donc accepter, du même coup, ce qui est une fumisterie de diversion du présent ? C’est l’Algérie elle-même dans son existence en tant que nation qui est menacée et se concentrer sur autre chose que sur les dangers immédiats qui la guettent, c’est forcément jouer le jeu de ses ennemis. Il faut se parer contre la menace israélo-marocaine sur l’Algérie, de l’islamisme qui mine le pays de l’intérieur, du Hirak qui, en dépit du confinement, continue à être la main de l’étranger. Pas du passé colonial. Pas de ces questions qui nous renvoient in fine à une impasse.
2. D’avoir demandé, par exemple, la repentance - non pas dans sa dimension religieuse, mais simplement symbolique, comme l’Angleterre pour les Mau-Mau du Kenya ou l’Australie pour les Aborigènes – nous a ipso facto valu d'être classés dans le courant décolonial qui ne cherche pas la paix des mémoires mais, au contraire, la continuation de leur fracassement !
Au lieu de refuser la symétrie dans la souffrance entre colonisateurs et colonisés, et de rappeler cette vérité primale (la colonisation est la spoliation de la souveraineté d’un peuple par un Etat) nous aurions dû nous contenter de ces petites choses qui, dans le rapport Stora, rapprocheraient, dans un premier pas qui demandera à être consolidé, les mémoires et les groupes qui les portent.
Oui, bien sûr ! Sauf qu’il faut commencer par le commencement et admettre la nature déstructurante et meurtrière du colonialisme.
Tout est question de temps ? Il a fallu attendre 1999 pour que, dans les documents officiels français, le terme «Opérations de maintien de l’ordre en Afrique du Nord» soit remplacé par «Guerre d’Algérie».
Il n’y a rien qui compromette une proximité des mémoires dans la demande lucide de qualifier d’abord la nature de l’occupation française de l’Algérie. Tout au contraire !
3. Des amis - algériens - qui ne sont pas dupes de ce que le pouvoir algérien, autant que le pouvoir français, utilise la question sensible du colonialisme pour sortir de mauvais pas internes, nous mettent en garde, à l’inverse, d’être de ceux qui demandent la repentance, exactement comme «ces caciques du FLN qui, au pouvoir, exigent de l’ancien colonisateur des excuses quand il faut orienter le regard sur des choses internes et, une fois balayés du pouvoir, courent couler une retraite en France».
Cette repentance-là est, en effet, un fonds de commerce. Il y a des formes plus nobles et désintéressées, celles qui consistent à reconnaître les crimes commis par le colonialisme !
4. Il y en a aussi qui ne comprennent pas qu’on se mêle du débat franco-français, négligeant celui que nous devons avoir nous-mêmes entre nous. Ils disent que les mémoires n’ont pas besoin de se faire écho, et ce qui nous intéresse, nous, c’est le récit national que nous devons construire sur notre propre histoire. Ni repentance, ni excuses, ni rien du tout : juste permettre à nos historiens de travailler correctement et abandonner la vision idéologique de l’Histoire qui sert à gouverner en promouvant rétroactivement les gouvernants du moment.
Ces amis-là nous exhortent à nous occuper de ce qui nous regarde.
5. Il y en a, enfin, qui insistent sur leur désintérêt total pour ce qu’ils considèrent  comme  un  troc loufoque : une statue de l’Emir Abdelkader contre la liberté de circuler en Algérie pour les harkis !
Comme pour confirmer l’inconfort provoqué par ce rapport, des enfants de harkis ont publié une tribune dans laquelle ils s’opposent à la panthéisation de l’avocate du FLN Gisèle Halimi, en application d’une des recommandations du rapport Stora, et trouvent que les harkis ont la portion congrue dans cette mémoire.
Un lecteur nous traite carrément de «mauvais Algérien», ne précisant pas ce qu’est un bon Algérien. Ah ces délivreurs  de  certification  patriotique !
A.M.

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