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Rubrique Kiosque arabe

Frère Tarik, digne fils de son père ?

Comment, Tarik Ramadan, l'enfant chéri de la classe politique française, droite et gauche pour une fois réunies, a fini devant un magistrat parisien puis en prison, sous l'inculpation de viol ? Ce descendant de Hassan Al-Bana, fondateur du mouvement des Frères musulmans égyptien, a été ramené de Suisse, par quelques éminences médiatiques, comme on ramenait jadis les intrigants florentins. D'entrée, cette réincarnation de Rastignac a été ceinte de l'auréole d'islamiste modéré, distinction que l'intelligentsia française et le gotha médiatique attribuaient au tout-venant. Dans une période où il fallait chercher et trouver des excuses au terrorisme islamiste en Algérie, la tentation était grande d'élargir le cercle à tous les islamistes non armés. De plus, le prédicateur, hâtivement et abusivement qualifié d'islamologue et intronisé en tant que tel, a immédiatement emporté les faveurs, avec sa maîtrise de la langue et du verbe. Il est notoire, en effet, que les Français ont un péché mignon, pour ne pas dire un défaut: ils sont littéralement subjugués lorsqu'ils rencontrent un Arabe ou autre qui châtie leur langue. Or, «Frère Tarik» incarnait de ce point de vue le succès de l'école de Jules Ferry, oubliant que son fondateur a été un horrible colonialiste et même si l'intéressé avait appris le français en Suisse.
Sur le plan des idées et sur tous les plateaux de télévision, Tarik Ramadan, dont l'érudition ne souffre aucun doute, jouait à merveille le rôle qui lui avait été dévolu, accommodant sur le superflu et rigide sur l'essentiel. Souvent confronté à des contradicteurs, plus «sparring-partner» que compétiteur, le militant islamiste a accumulé les succès, évitant habilement les faux-pas. Ses interlocuteurs du cru ne se sont jamais arrêtés au fait qu'il était la figure de proue des rassemblements des intégristes de France où il s'adressait à des hommes et des femmes séparés. Son seul faux-pas, vite oublié par ses indécrottables thuriféraires, a été celui du «moratoire sur la lapidation (des femmes)», qu'il a défendu lors d'un débat télévisé et relancé plus tard dans plusieurs journaux internationaux. Car, s'il avait pris soin de demander l'arrêt définitif des lapidations dans plusieurs pays musulmans, il aurait été en conflit avec sa famille idéologique. Il aurait été qualifié de laïque, voire d'apostat, s'il avait affirmé avec certitude que la lapidation était une tradition juive, islamisée par quelques hadiths, d'origine non contrôlée, pour ne pas dire douteuse. Il aurait pu simplement se contenter de citer le Coran qui traite de la question de l'adultère et prescrit 100 coups de fouet et non la lapidation pour l'homme et la femme adultères.
Or, il est universellement connu que l'intégrisme musulman en général et la pensée de mouvements comme les Frères musulmans se nourrit essentiellement de hadiths (1), au détriment du Coran. On avait noté aussi que la publication, en 2005, de son appel pour «une pause» dans l'exécution des châtiments corporels, comme la lapidation, avait eu lieu dans deux journaux arabes seulement. Il s'agissait du quotidien saoudien de Londres Al-Hayat et du grand journal cairote Al-Ahram, et donc un seul pays sur deux était concerné par l'appel. Ce qui avait fait dire à la sociologue Caroline Fourest (2), l'une des adversaires les plus médiatisées du sulfureux prédicateur, que Tarik Ramadan était surtout soucieux de redorer son blason. Quant aux journaux concernés, et quoique défendant le point de vue de deux pays hostiles aux Frères musulmans, ils n'en rajoutent et se bornent à reprendre les informations d'agence. Ainsi, le quotidien saoudien Al-Hayat se contente de reprendre l'intégralité d'un article de l'AFP reprenant l'essentiel des accusations contre, sans autres commentaires. Toutefois, son confrère et allié du moment Al-Ahram publie aussi les mêmes informations, mais en précisant, mine de rien, que l'inculpé était le petit-fils du fondateur du «mouvement terroriste des Frères musulmans». De bonne guerre.
On constate également une tendance des chroniqueurs attitrés des autres journaux arabes à s'en tenir à la présomption d'innocence et à attendre plus d'informations avant de s'impliquer. Toutefois, l'écrivaine syrienne Ghada Al-Samman s'est un peu trop avancée dans cette affaire, la semaine dernière, en affirmant dans le quotidien Al-Quds qu'il n'y avait aucune preuve contre Tarik. Elle a même donné l'impression de plaider en sa faveur, en rappelant l'épisode célèbre de la relation Clinton-Monica Lewinsky, qui avait laissé des traces sur la robe de cette dernière. Il ignorait sans doute, à ce moment-là, que si ce type de pièce à conviction n'existe pas dans le dossier Ramadan, il y avait la preuve irréfutable de cette cicatrice, vue sur son corps dénudé. Toujours est-il que beaucoup de femmes ont pris fait et cause pour Tarik Ramadan sur les réseaux sociaux, et vont jusqu'à accuser la CIA, le Mossad, de complot contre l'Islam. Ce qui montre encore une fois que les musulmans répugnent toujours à balayer devant leur porte et à sanctionner leurs brebis galeuses, avant qu'elles ne le soient par d'autres. Les partisans du complot sioniste contre Tarik Ramadan, ennemi redouté d'Israël, doivent savoir que s'il est un militant de l'Islam politique, il pourrait être aussi un fils digne de son père.
Le père de Tarik, Saïd Ramadan, ancien diplomate jordanien nommé en 1958 au siège des Nations-Unies à Genève, a été un informateur de divers services secrets occidentaux, anglais et américains en particulier. C'est ce que rapporte le magazine libanais Shaffaf. Citant le site Suisse-Info, il affirme que les autorités helvétiques ont d'abord pensé à l'expulser du pays, en 1965 (sept ans en poste, le veinard !) quand la Jordanie a mis fin à ses fonctions. Réflexion faite, il a bénéficié de ce que l'administration suisse appelle une «présence tolérée», pour services rendus, à savoir informer sur les Frères musulmans.
Le site libanais précise que ces mêmes informations, tirées des archives officielles suisses, avaient déjà été publiées par l'hebdomadaire Le Point en 2011, sans effets durables. Comme quoi, il est de plus en plus dur de démentir l'adage décrétant que «tel père, tel fils».
A. H.

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