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Rubrique Kiosque arabe

Mouna, pour ne pas citer «l'autre»

Suivre à la lettre les injonctions divines n'est pas chose aisée, et les anciens l'ont compris bien avant nous en optant le plus souvent pour une soumission sélective, ce qui équivaut à choisir quand obéir et surtout comment. Nous savons tous qu'après les cinq piliers que l'on peut pratiquer sincèrement ou de façon à être visible, Dieu a édicté un code de bonne conduite en société. Ce code, réparti entre plusieurs sourates et versets, énumère toute une panoplie d'actes autorisés, voire rétribués et d'actions ou de comportements réprouvés et répréhensibles. Ainsi, lorsque vous demandez à un brave musulman, d'hier ou d'aujourd'hui, et donc sujet aux attractions du sexe opposé, pourquoi il est polygame, il vous répondra : c'est Dieu qui l'autorise. Et dans tout bon esprit de croyant, fatalement non cartésien et soumis à la loi de l'attraction, ce que Dieu autorise, Dieu le veut, et il y a nécessité et même urgence à obéir à «sa» volonté. C'est ainsi que se justifie pour le musulman, normalement porté sur la chair et généralement sobre pour ce qui est de la bonne chère, la soumission sélective à la providence divine. Mais si vous faites valoir que la même sourate autorisant le croyant à prendre femmes (S4-V3), attention au pluriel, porte aussi ce que Descartes aurait interprété comme une interdiction (S4-V129) implicite.(1)
Mais comme Descartes n'était pas musulman et qu'il lui aurait été très difficile de se convertir à son époque, sachant ce qu'avaient subi Averroès et consorts, la logique est facilement réfutable. Il y a, toutefois, dans la besace du polygame un argument réputé imparable, mais à l'avenir incertain, à savoir qu'il suivait la Sunna du Prophète, lui-même polygame, comme rapporté dans les hadiths. Et c'est ainsi qu'à trop vouloir se réclamer de l'exemple du Prophète de l'Islam, les musulmans voient des prophètes tomber du ciel au lieu des pluies bénéfiques. On en reçoit à pleines giboulées, via les chaînes satellitaires arabes ou les chaînes privées locales qui s'accordent, par commodité ou par goût du gain facile, à faire vibrer la corde religieuse. Il y a quelques années, j'avais exprimé ici même mon désappointement devant l'attitude d'une de nos plus célèbres actrices, invitée par une chaîne locale à célébrer le bonheur polygame. Depuis, on en a vu d'autres, beaucoup plus engagées dans l'obéissance à la Sunna et le souci de faire le bonheur du mari, en lui faisant épouser sa secrétaire ou sa copine du moment. Certaines en ont même fait un sacerdoce, voire une mission divine, sous prétexte de sauver les sociétés musulmanes de la débauche et de la luxure, qui ne seraient plus l'apanage du seul Occident.
C'est ce rôle de gardienne vigilante de la vertu et de promotrice de la polygamie comme parade au célibat des femmes que s'est assigné l'activiste égyptienne Mouna Boucheneb. Elle se dit journaliste, ce qui reste à prouver dans nos pays où il suffit d'apparaître à l'écran et de lire un texte à l'aide d'un prompteur pour accéder à cette profession, dont on dit pis que pendre. Elle s'est signalée une première fois le 5 avril 2017 par la publication dans le journal Al-Bachaïr d'un brûlot où elle expliquait qu'une seule femme ne suffisait pas au bonheur de l'homme. Mais dans le même temps, elle disait que, conséquence du célibat des femmes, les Égyptiennes n'avaient aucun scrupule à jeter leur dévolu, et plus encore, sur tous les mâles alentour.  La seule solution pour elle était donc de régler l'appétit de la belle-sœur pour le beau-frère et vice-versa, non pas en multipliant les rapports adultères, qui seraient la règle en Égypte, mais en les légalisant. Il suffit simplement de réunir toutes les femmes, folles de leurs corps et suborneuses, sous un même toit et sous la mâle protection d'un seul et unique époux, heureux polygame. Inutile de vous dire que ces propos, répétés avec insistance sur les plateaux de télévision, ont créé un certain émoi.
Mariée à un seul homme et sans rivale dans le gynécée, cette dame a fait une découverte surprenante concernant la femme en général et sur la femme égyptienne en particulier. Visiblement inspirée et sans réfléchir comme en pareil cas, elle affirme avoir eu un jour cette révélation extraordinaire : «La femme ne se suffit pas d'un seul homme, en plus du mari légal autorisé par Dieu. Il lui en faut deux : l'un pour l'entretenir et lui servir de vitrine sociale et l'autre pour l'amour et pour les relations sexuelles.» Elle est revenue à la charge en enfonçant le clou dans le dos de ses sœurs égyptiennes et en déclarant : «96% des cas d'adultère enregistrés en Égypte sont imputables aux femmes.» Comme dans tous ces cas du genre, les commettants doivent être deux, on devine avec quelle facilité on pourrait gonfler ce pourcentage. Non contente de s'attaquer aux femmes de son pays, Mouna Boucheneb qui, soit dit en passant, est monogame, s'en est également pris à Al-Azhar, qui ne joue pas son rôle de gardien de la morale. Offusqué par ces propos et pris pour cible principale par Mouna Boucheneb, le «Conseil national de la femme», l'équivalent, en plus sérieux, de notre UNFA, a déposé plainte. Mouna a été interdite de paraître sur les plateaux de télévision  par le Haut Conseil de régulation de l'information(2). Loin de se décourager, Mouna s'est réfugiée sur Facebook, dont elle disait pourtant qu'il était un repaire de fornicateurs, où elle continue de défendre la polygamie, tout en se présentant comme une victime. C'était là juste un exemple de ce qu'on peut trouver de pire, en dehors de nos hémicycles, mais toute ressemblance avec des personnages douteux, ici ou là, ne pourrait être que le fruit du hasard, même s'il fait parfois bien les choses.  
A. H.

1) Tout comme les pieux pratiquants, certains sites islamiques ou islamistes citent volontiers le Verset 3 qui justifie en quelque sorte la polygamie par la nécessité de protéger la veuve et l'orphelin. Mais ils ne citent jamais le Verset 129, sans doute trop éloigné, qui dit : «Vous ne réussirez pas à être équitables entre les femmes, même si vous faites des efforts en ce sens.»
(2) Ne voir là ni clin d'œil à qui que ce soit ni suggestion d'aucune sorte, information à prendre juste comme elle est

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