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Rubrique Les choses de la vie

Quatre cavaliers venus de loin(38)

Saint Augustin répond avec enthousiasme à une question sur les routes de communication menant à Madaure : «La route de Taoura reliait la ville de Thagaste, où je suis né, à Madaure, où j'étudiais, et constituait un lien vital entre ces deux cités florissantes de Numidie. Quant à la seconde route, elle passait par Tipaza de Numidie, connue actuellement sous le nom de Tiffech. Ces voies étaient souvent pavées et entretenues pour assurer un passage sûr et efficace des marchandises, des voyageurs et des informations.»
La discussion animée se poursuit, abordant un large éventail de sujets historiques et culturels. Les grandes écoles philosophiques de l'époque, telles que le stoïcisme, le néoplatonisme, l'épicurisme, le cynisme et le pythagorisme, sont également abordées, chacune offrant des perspectives uniques sur la vie et la réalité. La discussion s'achemine alors vers la vie quotidienne de l'époque, dévoilant les coutumes, les traditions, l'alimentation et les loisirs qui animaient cette époque lointaine.
Portés par l'enthousiasme suscité par la discussion sur Madaure et son histoire, Apulée, Saint Augustin, Maxime le grammairien, Martianus Capella et les intellectuels locaux décident de s'aventurer ensemble à la découverte des ruines de Madaure. Je décide de les accompagner.
Nous nous dirigeons alors vers les ruines, et dès notre arrivée, une scène majestueuse se déploie devant nos yeux émerveillés. Les colonnes imposantes s'élèvent fièrement, témoins silencieux du passé glorieux de Madaure. Les arcs finement sculptés se dressent comme des œuvres d'art éternelles, évoquant une époque révolue empreinte de raffinement. Les fragments d'huileries, éparpillés çà et là, racontent l'histoire d'une activité économique florissante, rappelant la vitalité qui régnait autrefois dans ces murs ancestraux.
Nous nous laissons guider par la magie des lieux, déambulant dans les rues jadis animées, imaginant avec une fascination palpable la vie quotidienne des habitants d'autrefois. Dans cet instant suspendu dans le temps, les esprits s'embrasent d'une passion commune pour la connaissance et l'exploration, créant ainsi un lien indéfectible entre ces érudits venus d'époques différentes. Natif de ces lieux, Apulée se fait l'écho des souvenirs et des anecdotes qui colorent sa relation personnelle avec cette ville bien-aimée, tissant ainsi un lien précieux entre le passé et le présent. Les bibliothèques, temples du savoir et de la connaissance, occupent une place privilégiée dans ses souvenirs. C'est là qu'il passait des heures précieuses, plongé dans les pages des œuvres classiques, s'abreuvant de sagesse et de savoir.
À travers ces récits personnels, Apulée nous offre une fenêtre sur son monde intime, où les souvenirs s'entremêlent avec les réalités présentes. Ses mots transportent les auditeurs dans une époque révolue, leur permettant de saisir l'essence même de Madaure et de s'immerger dans son atmosphère unique. Au fil de ses récits, les ruelles de la cité antique prennent vie sous nos yeux, vibrant de l'énergie des jours passés. Il se souvient avec une vivacité saisissante des soirées théâtrales et musicales, des acteurs et des musiciens qui donnaient vie à des personnages mythiques et des histoires envoûtantes. Les applaudissements enthousiastes, les rires contagieux et les frissons d'émotion se mêlaient dans l'air, créant une atmosphère électrisante où l'art transcendait les limites de la réalité. La voix envoûtante d'Apulée se fait l'écho des souvenirs enchanteurs de Madaure, nous rappelant que les histoires personnelles sont des fragments précieux de la trame collective de l'humanité.
Saint Augustin, qui connaît bien Madaure, partage à son tour ses souvenirs en tant qu'étudiant dans cette ville. Il replonge avec émotion dans les souvenirs de sa jeunesse, évoquant les moments de partage intellectuel qui ont façonné cette période charnière de sa vie. Il se remémore les discussions enflammées et passionnées qu'il avait avec ses camarades. Les débats intellectuels animés étaient monnaie courante, et chaque rencontre était une occasion de nourrir son esprit avide de connaissances. Saint Augustin se rappelle aussi la quête inlassable de vérité qui animait ses journées d'étudiant. Madaure, avec ses bibliothèques riches en savoir, était une véritable mine d'or pour un esprit avide de découvertes. Il se perdait dans les écrits des penseurs anciens, s'imprégnant de leurs idées, les confrontant à sa propre réflexion.
Alors que les deux philosophes évoquaient leurs souvenirs, une multitude de questions lancinantes me taraudait l'esprit, me confrontant brutalement à une réalité accablante : quel sort funeste s'est abattu sur la nouvelle ville de Madaure, notre cité, et sur toutes les autres, disséminées dans la région et au-delà ? Ces cités marchandes où la culture et les arts avaient depuis longtemps abdiqué leurs droits, ne laissant place qu'à une sécheresse culturelle alarmante et une austérité intellectuelle dévastatrice ! Des librairies, chaque mois, ferment leurs portes pour se muer en fast-foods ou supérettes ; le cinéma a rendu son dernier souffle ; le théâtre est banni ; la danse assassinée ; la musique est déclarée «haram» par les gardiens d'un temple qui gagneraient à observer de plus près le bouillonnement culturel et intellectuel qui jadis animait nos cités antiques. Antiques, bon sang ! où l'esprit trouvait tant de nourriture pour aiguiser son intelligence et sa curiosité, pour imaginer des solutions aux maux de l'époque et sonder les profondeurs abyssales de la connaissance scientifique. Si le bitume de nos routes modernes se montre parfois vulnérable aux assauts conjugués des intempéries et des variations thermiques, les voies pavées de Madaure, elles, demeurent intactes jusqu'à aujourd'hui. Les eaux vives jaillissant des sources montagnardes continuent de couler, mais une menace pèse sur cet héritage précieux : des entrepreneurs sans scrupules et des propriétaires de citernes s'approprient l'eau d'un puits creusé en amont, asséchant ainsi la fontaine publique de Madaure qui coule depuis des lustres.
L'évocation de ce passé prestigieux m'interroge en provoquant déception et malaise à la vue de notre réalité quotidienne : qu'est-il advenu de la nouvelle ville de Madaure, notre lieu de résidence, et que s'est-il passé dans les autres cités de la région et au-delà ? Ces villes commerçantes et délabrées, sans génie architectural, où la culture et les arts ont depuis longtemps été relégués au second plan. Des lieux où règnent désormais la sécheresse culturelle et l'austérité intellectuelle ! Les librairies ferment les unes après les autres pour laisser place à des fast-foods ou des supérettes, le cinéma s'éteint doucement et le théâtre est relégué aux oubliettes, la musique étant déclarée «Haram» par les gardiens d'une tradition qui gagneraient à observer de plus près l'effervescence culturelle et intellectuelle qui animait nos cités artistiques. Antiques, bon sang ! Où les esprits se nourrissaient d'une abondance de connaissances pour cultiver leur intelligence et leur curiosité, pour trouver des remèdes aux maux de l'époque et pour sonder les abysses de la connaissance scientifique. Si Madaure était demeurée fidèle à elle-même, avec tout ce savoir foisonnant, elle aurait aujourd'hui des fusées dans l'espace, des entreprises mondiales dans le domaine des technologies nouvelles et dans celui de l'intelligence artificielle ; des éminences mondiales en médecine, en architecture, en agriculture, etc. Malheureusement, nous en sommes encore au stade du tube digestif...
M. F.

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