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Rubrique Lettre de province

Maires en conclave : la saison des vœux pieux


Gênés par leurs écharpes tricolores qu’ils portent comme un habit d’arlequin, les quelque 1 541 édiles en charge de nos villes et villages découvrent pour la première fois les ors de la République. Hôtes du pouvoir central, ils viennent de passer une fin de semaine, studieuse en apparence, tout en faisant de la figuration dans une opération de «com.». Celle qui a donné à voir sur les chaînes de la télé officielle un bel échantillon de mandataires locaux écoutant avec respect les mandarins de la haute administration chargés de les initier à une autre façon de gérer les affaires locales. Une magistrale leçon de marketing afin, disent-ils, de mettre fin à la bureaucratie. Mais peut-on oublier qu’il a fallu attendre un demi-siècle plus un an (1967 -2018) avant que l’Etat ne «découvre» que la commune est la seule cheville ouvrière en mesure d’actionner le train du développement ? En somme, deux générations de perdues et dix mandats électifs passés par pertes et profits. Car jusqu’à hier, il était encore coutumier de traiter avec une condescence mal placée les missions des maires. Ces dernières, réduites à ne servir que d’écran pour dédouaner les errements des fonctionnaires de tous poils, n’ont-elles pas fini par «flouter » en quelque sorte les véritables prérogatives de magistrat local, qu’il aurait dû être ? L’impopularité, devenue le calvaire des élus locaux s’explique en partie par les attitudes de la bureaucratie, mais pas seulement pour peu que l’on s’intéresse au train de vie de certains «élus». Tantôt soupçonnés de servir de «chevaux de Troie» lors des soumissions pour l’octroi de marchés et parfois accusés clairement de posséder une entreprise parallèle et, par conséquent, de profiter des réseaux d’initiés, les élus locaux sont sûrement ceux qui traînent le plus grand nombre de casseroles. Et pour cause, l’on apprend, selon la presse, que certains d’entre eux viennent d’être inculpés à peine installés le 23 novembre dernier.(1) En effet, avant même que la vox populi ne sonde les reins et les intentions de nouveaux édiles, l’administration s’en est déjà chargée en mettant à l’index sur certains d’entre eux. Sous haute surveillance, des walis ne sont-ils pas implicitement désignés à la stigmatisation ? A la vérité, la protection que leur offre ponctuellement la machine du régime est toujours indexée sur la docilité qu’ils manifestent d’où le soupçon qui pèse sur la tenue de cette «convention» des maires que l’on a voulu qu’elle se tienne à l’amorce de 2018. Une étrange similitude avec un lointain agenda (2008) lorsque le président de la République en personne présida une messe identique. La similitude du timing est effectivement troublante dès lors que ce sont toujours les représentants du «pays réel» que l’on invite pour un briefing à quelques mois de la prochaine présidentielle ! Quand bien même l’on peut arguer avec justesse que l’initiative actuelle ne relève que du ministère de l’Intérieur et qu’elle s’inscrit en droite ligne dans une démarche strictement technique entamée après la réunion «gouvernement-walis» (2016), l’on peut tout de même s’interroger sur la fiabilité d’un tel rassemblement alors que le nouveau code communal demeure au stade de la cogitation bureaucratique. C’est dire que ce n’est pas une question de «détail» que cette urgence à programmer une grandiose mise en scène avec pour seul temps fort un message présidentiel lu à la tribune. Or, le fait d’insister à l’excès et en toutes circonstances sur le caractère politique des mandats exercés par les élus locaux, l’on travaille opportunément à un maillage électoral, lequel sera utile dans le futur. Alors qu’un maire n’est choisi que pour ses compétences et sa volonté à construire des écoles dans son douar et bitumer le chemin vicinal pourquoi diable lui demande-t-on de s’impliquer dans la mobilisation politicienne de ses administrés ? Lorsqu’on sait que les étiquettes partisanes sous lesquelles le maire et ses pairs furent élus, finissent naturellement par disparaître dans la mesure où ils accèdent à des responsabilités de gestionnaires, comment donc ne pas appréhender le statut des élus locaux plutôt sous l’angle de militant de la société civile ? Hélas, même cette «identité» spécifique qui, ailleurs, sert pour se démarquer des pratiques politicardes, est chez nous foncièrement altérée à l’usage. Il est vrai que rien n’est simple lorsqu’on souhaite établir des distinctions entre les missions et les vocations car la forte prégnance des critères politiques interdit toute autre perspective d’action si celle-ci ne conforte pas la table des lois du régime. S’agissant donc des maires, cette invitation qui leur a été faite procède bien plus d’un processus politique que d’une réelle volonté de réactiver le développement local grâce à eux. A ce jour, l’on ne voit d’ailleurs guère ce qui a réellement changé dans l’ensemble des relations de la tutelle pour en faire des nouveaux maires des managers dans les territoires ? Alors que dans les circonstances présentes il est de bon ton en politique d’observer une certaine retenue revoilà une fois encore le ministre de l’Intérieur qui carbure sur le même thème. Bedoui, qui est sûrement un ministre aguerri par la glorieuse servitude de l’Etat, est dans son rôle de positiver mais il ne peut cependant ignorer le scepticisme général. Celui qui signifie la rupture de confiance dans le pacte politique passé entre l’électorat et les dirigeants. Voici pourquoi, après s’être affranchie de la paralysante prudence, une bonne partie de la société exprime clairement sa méfiance quant à la conduite actuelle des affaires publiques. Associant dans la critique toutes les institutions électives et même le gouvernement, l’opinion exerce un étonnant magistère de la réfutation pour tout ce qui émane à partir d’elles les qualifiant, violemment, de filières de prédateurs ! Même la nouvelle fournée d’impétrants à laquelle l’on vient de dérouler le tapis rouge n’y échappe guère. Décidément, tout est résumé à travers ce ressentiment qui déprime le pays.
B. H.

1) Le quotidien l’Est Républicain consacrait justement, dans son édition du 18 janvier, une information relative à l’arrestation de plusieurs maires nouvellement élus.

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