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Rubrique Lettre de province

Résonances autour d’une année de contestations

Au soir de la première marche, la cohorte prétorienne ne s’affola guère.            A l’image de son généralissime qui prit la parole le lendemain et qualifia avec dédain l’agitation en l’imputant à une manipulation venue de l’opposition au cinquième mandat et qui ne rassura qu’à moitié les gens du palais qui ne crurent pas tout à fait à la thèse de ce vieil officier. D’ailleurs, certains d’entre eux n’en menèrent pas large et qualifièrent déjà de chienlit le chaos qui venait d’embraser le pays. Deux semaines plus tard, de nouvelles révélations obligèrent l’ensemble des caciques du système à rebattre les cartes au sujet de leur propre cohabitation. C’est ainsi que se déclencha un conflit larvé entre eux tout en surveillant l’évolution de cette révolte de la plèbe. Au fond d’eux-mêmes,  ils espéraient, en effet, avoir à l’usure cette « mascarade » populiste que la science de la fameuse « gestion démocratique des foules » dispersera dans un premier temps puis dissipera par la menace des arrestations. Or, ce fut justement le seul pari qu’ils n’auraient pas dû prendre. Et pour cause, une année plus tard, le duel système-peuple en est à ce jour à son 53e round dont chacun d’eux est compté à l’avantage de la rue. Tant pis donc pour tous les experts en prospective politique qui décrétèrent la mort du Hirak dès la clôture du scrutin surréaliste qui accoucha, le 12 décembre, d’une succession à laquelle il manquait clairement la légitimité qui aurait permis de certifier, par la bonne arithmétique, la vanité de cette révolte. Ces analystes à l’objectivité douteuse ne furent pas les seuls à subir quelques semaines plus tard un aussi cinglant démenti. Dans la foulée de leur excès de triomphalisme, ils mobilisèrent, justement, certaines plumes chagrines qui, à leur tour, enterrèrent avec ironie l’existence « dérisoire » d’un « semblant de révolution qui n’a abouti à rien » (sic), si ce n’est à « une lamentable débâcle », soulignèrent-ils en guise de diagnostic. Sauf que cette ridicule impatience à vouloir décrire un échec là où s’observe sans trucage la même résistance a fini par sonner le glas de leur rectitude professionnelle. Alors qu’il eût fallu respecter un minimum de recul vis-à-vis de l’évènement, l’on préféra voler au secours d’un faux succès électoral dont le bénéficiaire en personne refuse à ce jour de discréditer la contribution du Hirak dans ce qui devra nécessairement changer dans le futur. Et c’est toujours à cette personnalité qu’a été attribué l’aveu mettant en exergue le mérite de ce mouvement qui a été le seul à crever le plafond de verre du système grâce à une mobilisation populaire sans précédent historique. 
C’est que le jour d’après le vote, il n’eut pas de reflux des manifestations, bien au contraire, des marées humaines investirent les places centrales de la capitale au moment où les principaux boulevards de Constantine, Oran, Annaba et tant d’autres villes du pays accueillaient de gigantesques défilés résonnant de la même contestation et ignorant superbement la promotion factice de la nouvelle direction du pays. C’était là le véritable signe indiquant le fameux tournant décisif autour duquel se croisait le duel destiné à trancher la question de légitimité. Il est vrai que l’arbitrage des urnes ne signifie, chez nous, que la légalisation du fait accompli, alors que les éléments constitutifs d’une véritable légitimité relèvent d’un étalonnage autre. C’est pourquoi il a suffi de dix vendredis et autant de mardis pour convaincre les observateurs scrupuleux que le mouvement du 22 février était loin d’avoir perdu de ses capacités de mobilisation. Autant rappeler que le Hirak tel qu’en lui-même, lorsqu’il émergea des limbes d’une société broyant le noir et ne sachant comment faire pour surmonter l’insondable malédiction de ce régime, décida alors d’aller vers l’irrémédiable : celui qui consistait à occuper la rue. Ce n’est qu’à ce moment-là que surgirent des mots d’ordre de colère et des paroles jamais chantées auparavant lesquelles demeurent à ce jour sonores, amples et rythmées lors de tous les vendredis de ce calendrier politique. 
Passant d’une notoriété discutable à la gloire incontestable, l’on comprend qu’il puisse dorénavant intéresser les sphères du pouvoir. Sans doute que les récents indices laissent supposer qu’en haut lieu, l’on ne voit aucun inconvénient à entamer un travail d’approche dans cette direction même si, dans l’immédiat, l’on se contenterait de faire de la communication. A court terme l’on, devine que le Président Tebboune ne serait pas hostile à une sorte de concordat avec le mouvement lequel serait susceptible de devenir un allié précieux. Mais auparavant, le palais devra convaincre en donnant des gages en guise de facilitations pour y parvenir. Parmi celles-ci, il doit y avoir, nécessairement, la libération sans condition des détenus d’opinion et la signature d’un arrêté interdisant les harcèlements systématiques des manifestations. Même à ce stade-là, rien ne dit que ce genre de calcul puisse déboucher sur une véritable trêve dans une première phase et ensuite à une coopération notamment dans le lourd chantier de la refondation de l’État. 
L’association du Hirak à cette œuvre se justifie à plus d’un titre tant il est vrai qu’en termes de mobilisation, ce mammouth du 22 février n’a pas d’égal aussi bien vis-à-vis de la classe politique que mêmes des structures discrètes de l’appareil d’État. Précurseur de l’épuration systématique de la classe dirigeante, le Hirak avait signé, sans en avoir mesuré l’exact impact de ce préalable, le décret fondateur de son identité en tant que courant radical. Et si justement il n’y a plus de doute à ce que la révision constitutionnelle devra nécessairement être accompagnée par le renouvellement total de la classe politique, vers qui le nouveau régime doit-il s’adresser si ce n’est à cette société civile en marche ? Celle qui n’eut de cesse de rappeler sa litanie édictant que « l’on flanque dehors ou en prison, selon la gravité des méfaits, tous ceux qui ont tiré profit du désastre du pays dont le coupable principal n’est autre que le Président déchu ». 
Une telle exigence ne rappelle-t-elle pas les chasses aux sorcières puisque le vocable « épuration » est connoté par la frayeur généralisée des règles maffieuses de l’omerta ? C’est pourquoi, il est utile de rappeler que ce mouvement a atteint une telle maturité qu’il est en mesure de devenir une convention républicaine, une force de proposition incontournable et la pépinière d’une nouvelle classe politique. 
B. H.

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