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Rubrique Tendances

Danse avec les mots

A, comme Algérie. C’est mon pays. Il est le plus vaste pays d’Afrique. Il est riche : du pétrole, du gaz, du soleil à revendre, une jeunesse hardie, une révolution révolutionnaire, des femmes belles et rebelles, un ciel bleu azur, un désert vivant, une capitale blanche comme le lait, des montagnes altières. Ouais, l’Algérie est riche ! Le peuple se dit pauvre, il est pauvre. Il boucle difficilement les fins de mois. L’Algérie est aussi le pays de la débrouille. C’est « Ouedkniss » à l’échelle d’une nation. On fait comme on peut. Tabla doukhane. Taxi clandestin. Cours de rattrapage. Travail au noir. Achat et vente de devises, à ciel ouvert. Trafic de drogues. Kachyate. Zetla, en somme ! Où est donc la richesse algérienne ? Les Algériens vont la chercher ailleurs. Si je dis que l’Algérie a perdu son âme, aurais-je commis un blasphème ? Ou un simple impair d’un chroniqueur en mal d’inspiration ? « Ce pays est le mien », comme disait Yahia El Wahrani. Avec tous ses travers. Sa beauté. Ses paradoxes. Ses outrances. Sa fuite en avant. Et ses mensonges historiques. « Celui qui m’aime, doit m’aimer avec ma morve », dit l’adage de ce pays incroyable.
B, comme banane. Ah, ce fruit qui vient de loin ! Un fruit exotique ! Ce fruit mène la vie dure à l’Algérien, tellement il est choyé et aimé. Au point où on aurait pu le faire rembourser par la Sécurité sociale. La banane est devenue un problème d’Etat. Qu’on se rappelle ! Aussitôt mis sur une liste noire par nos gouvernants ; aussitôt, il est remis sur le marché. On ne peut pas se passer de la banane. Ce fruit est cher ! Peu importe ! L’Algérien l’achètera. Ki d’wa ! On dit qu’il y a une mafia de la banane ; c’est peut-être vrai ! Pour le moment, personne n’a été arrêté pour importation, vente et revente de banane. Il y a pire que cela, non ? Désormais, la banane trône comme le fruit roi en Algérie « bananée », à souhait. Miracle de Google, je viens de me rendre compte que le verbe « bananer » existe. Ouf ! Laissez-moi souffler ! Bananer est un verbe transitif, qui appelle donc un complément, qui veut dire – selon Google — tromper, escroquer. Oh combien de « m’qali » (pluriel de meqla) ont banané ce pays ! De désormais à dorénavant, je verrai la banane d’un autre œil, au point de me faire bananer.
C, comme cuite. Attention, chacun se cuite à sa manière. La cuite n’est pas seulement le produit de boissons « kouhilisées ». Chacun y va de sa substance. Chacun se bourre à son gré. Chacun s’imbibe comme il peut. Chacun se soûle dans son coin. Certains se nettoient la glotte, en se mirant grassement le matin, au réveil, pour voir s’il n’y a pas quelque chose qui a changé dans leur tronche. D’autres, à force de tracer des plans sur la comète, n’arrêtent pas de tituber, de tomber et de se relever, dans une gestuelle d’ivrogne. Par ailleurs, il y a ceux qui ont l’impression d’aimer (souvent l’ombre d’eux-mêmes), jusqu’à rendre les merveilles de la cuisine, à force de soupirer d’émotion. Puis, ceux qui se cuitent vraiment, à grandes doses d’alcool, juste parce qu’ils éprouvent le besoin inextinguible de brûler la mer. Moi ? Je voudrais juste éprouver une certaine ivresse, juste pour oublier. Oublier le temps qui passe. Oublier les occasions perdues. Oublier les amis qui oublient de s’annoncer. Oublier ceux que la mort a ravis trop tôt à notre affection. O oublier !
D, comme dinar. Le dinar est la monnaie nationale. C’est juste un rappel pour ceux qui pourraient l’oublier. Pour le smicard, c’est une monnaie de singe. Pour le richard, le dinar lui permet d’acheter des châteaux en Espagne (ce n’est pas une vue de l’esprit). On a coutume de dire que l’argent ne fait pas le bonheur ! Quel est donc le con qui a inventé cette ineptie ? On a coutume de dire également « l’baraka f’leqlil ». Comme on a coutume de dire que « drahem idourou trig f’lebhar ». Mieux encore, l’argent (le dinar ou une autre monnaie) a « fait » une route sous la mer. Je reviens juste pour dire que le dinar est la monnaie nationale. Avec le dinar, tu peux t’acheter tout ce que tu veux, y compris le bonheur. Désolé, je le pense ainsi. En plus des châteaux en Espagne, des jets privés, des yachts, de la « maârifa », des usines clés en main, du pouvoir et le bonheur de plusieurs générations, le dinar (l’argent, quoi) propose une cuite permanente, une euphorie quotidienne et une sensation d’être le roi du monde.
E, comme élection. Les élections sont à une encablure d’une carte de vote. J moins quelques jours. Les élections en Algérie n’ont jamais été une solution ; elles ont toujours été un problème. Au point où quatre mandats ont suffi à un Président de foutre la pagaille dans notre pays. Il faut bien réfléchir. L’élection est-elle une solution ? Personnellement, je pense que non. Car les conditions, toutes les conditions, ne sont pas réunies. Cela fait dix mois que des centaines de milliers disent « non ». Que des citoyens murent des daïras et des communes. Que des candidats sont chahutés, ici et là. Le 12/12, je n’irai pas voter ; c’est aussi simple que ça. Pour le reste, chacun dispose de sa conscience, comme il le souhaite. Voyez-vous, j’aurais dû sauter cette lettre. Et la lettre « E » me fait penser, automatiquement, au vocable « élection ».
F, comme France. Je devrais également sauter cette lettre. La France ! Ah, la France ! Faffa, ya bnadem, Faffa. On court derrière le visa. On achète de l’euro, à un prix dément. Et on n’arrête pas de se plaindre. Difficile d’avoir le rendez-vous. Ah, la devise ! Puis, une fois le visa en poche, hop, on embarque. Faffa, nous voici ! Le retour ? Quel retour ? Je brûle le visa. Je vis au noir. Je travaille au noir. Je rase les murs, s’il le faut. Je cache ma bobine. Mais, je ne repars pas au bled. Ça y est ! Ce n’est plus l’Algérie, c’est le bled. On se met au patois de là-bas. Pour ceux qui restent ici, c’est la « morfondaison ». Le visa se vend, on l’achète. La harga existe, on brûle la mer. Aller là-bas, c’est ce qui compte ! La France est notre miroir, au prisme déformant. On l’aime, on veut y vivre. Personne ne souhaite vivre en Égypte, en Arabie Saoudite, au Liban, En Syrie, au Yémen, en Iran, au Pakistan… Que sais-je encore ? Qui peut nier cette réalité ? Personne, je suppose. Surtout ceux qui se sont offert des châteaux en Espagne. L’Algérien, meskine, s’offre le rêve qu’il peut.
Y. M.
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