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Rubrique Tendances

On achève bien les années

Dans quelques jours, on laissera s’en aller l’année en cours ; à moins que ce soit elle qui nous lâche la bride. Tout dépend de la personne. De son humeur. De l’état de ses finances. De ses espérances. Et de ses déboires. N’empêche que, dans quelques heures, cette année ira se reposer au cimetière des années mortes. Comme les autres années. Et comme les années à venir. Elle ira, là-bas, en dodelinant du popotin, comme une belle catin. Douze mois ont fait leur œuvre ; ils ont semé. Et récolté. En fonction de chacun de nous, le solde est comme-ci ou comme-çà. Positif. Ou négatif. Il y a bien ceux, les plus cyniques, qui n’ont pas conscience du temps qui passe. Ou qui font semblant. Droits dans leurs bottes, ceux-là balaient d’un revers dédaigneux de la main les années qui s’emboîtent les unes aux autres, comme un appel tentaculaire à la mort. Personnellement, je les envie. Ne rien laisser paraître. Ne rien voir. Faire semblant de ne rien voir. Puis ceux qui vont fêter le Nouvel An. A savoir s’ils fêtent la morte année. Ou l’année à naître. Attention, c’est haram, répète à l’envi le cheikh de la mosquée du coin. Puis, le Nouvel An n’a rien à voir avec nous, insiste le cheikh. C’est le Nouvel An des mécréants. Entendez par là le Nouvel An des chrétiens. Entendez par là que la bûche est interdite. Haram, ya kho ! Pas de chocolat. Pas de fruits secs. Pas de veillées. Surtout, pas de mélange. Entendez par là pas de mixité ! Bref, personnellement, je ne fête jamais le Nouvel An. Car je ne sais pas ce que l’année à venir me réserve. Mais je n’ai rien contre ceux qui veulent se défouler. Avec la bûche. Et tout le toutim ! Je suis désolé pour le cheikh de la mosquée du coin : on peut être musulman et fêter le Nouvel An ! Dieu reconnaîtra les siens !
Bon, l’année en cours prépare son viatique. Qu’elle aille où elle veut. Je suis pressé qu’elle s’en aille. Qu’on passe à autre chose ! Autre chose de nouveau ! Que cette nouvelle année ramène dans son escarcelle du neuf. Basta des vieilleries que nous traînons comme des casseroles usées, qui ne servent à rien. Même pas à réchauffer un kahoua. Comme par exemple cette élection présidentielle qui montre le bout du nez, sans plus. Comme pour nous donner envie. Comme pour nous faire saliver. Alors que, personnellement, j’ai envie de rendre mon déjeuner. Rien qu’à entendre le mot «élection». C’est vous dire que la nouvelle année est attendue comme le Messie. Rien qu’à entendre le mot «élection», je me mords les doigts pour ne pas blasphémer. C’est quoi ce sursis à la noix ? Qu’on en finisse ! Vivement ce mois d’avril ! Qu’on en finisse, diantre ! J’ai ouï dire que ce mercredi, lors de la signature de la loi de finances, des choses énormes vont être annoncées. Je dis «énormes» pour dire que, souvent, la montagne accouche d’une petite souris. Comme la «souris verte qui courait dans l’herbe» de la comptine pour enfants. Que diable, on est entre adultes ! Mon petit doigt me dit que ce mercredi sera comme les autres jours de la semaine. Un jour de plus. Un jour de moins. Depuis 1962 que j’attends la grosse nouvelle, ya kho ! Je suis désolé pour Louisa Hanoune ; elle nous roule dans la farine. Puis qu’elle ne nous parle plus de son histoire italienne ! Je comprends qu’elle fasse de la politique ; mais de grâce, qu’elle nous fasse l’aumône, de temps à autre, de nous parler vrai. Elle est drôle cette année qui traîne les pattes, à nous donner la nausée. Je m’attendais à tout, sauf à entendre Hanoune vouloir participer à la conférence de Ghoul. Que va-t-elle y faire dans ce cirque programmé ? La «somalisation», chère Madame, n’est pas une vue de l’esprit. Qu’on se le dise !
Au fait, fêter le réveillon revient à fêter, en définitive, quoi ? C’est fêter l’année qui s’en va en claudiquant. Quoi fêter si l’année a été catastrophique ? Fêter la misère ? Fêter le dinar planché ? Fêter une présidence à vie ? Fêter une députée qui insulte à tout bout de champ ? Fêter des amours défuntes ? A moins de fêter l’année à venir. Quoi fêter alors qu’on ne sait rien des jours à venir ? Puis, on prend de bonnes résolutions. Stop, a-t-on respecté les bonnes résolutions de l’année passée ? J’en doute fort. A-t-on dégelé les projets gelés, principalement les hôpitaux ? A-t-on terminé, enfin, l’autoroute Est-Ouest ? Trop de questions occupent mon esprit. Je n’arrive pas à m’en défaire. Je voudrais la jouer cynique. Et ne pas m’en faire. Mais quand je vois la saleté de nos villes, je me fous que l’année s’en aille. Ou qu’elle reste. Jusqu’à quand ? Je voudrais bien déconnecter mes neurones le temps d’un réveillon, wallah. Oublier, par exemple, que je suis ici. Que je suis ailleurs. Ailleurs, ah, le rêve du poète ! Et l’autre qui se la pète avec son billet d’avion ! Je vais en Turquie, ya kho ! Pour quinze jours. Je réveillonnerai là-bas. Tu fêteras quoi, gros bêta ? Les loukoums ? La chawarma ? Vas-y, vas-y, tant que tes genoux tiennent encore le coup. Il te faut revenir, non ? Tu trouveras quoi à ton retour ? Un nouveau Président. J’en doute fort. Un civisme algérien. J’en doute fort. Des fleurs sur nos balcons. J’en doute fort. De la politesse partout. J’en doute fort. Un système new-look ? J’en doute fort. Alors, va cuver ton réveillon, tant que tu es capable de le faire. De mon côté, haram ou pas, aucune fête n’agrée mon cœur, tant que l’Algérie est dans la mélasse. Je reste, jusqu’au changement possible, un algéro-désespéré.
Alors, les années nous achèvent bien. Je devrais changer le titre de ma chronique. N’en déplaise au cheikh de la mosquée du coin, et des fêtards de tous acabits, je resterai dans mon coin, un livre à la main. Il y en a de bons, cette année. C’est déjà ça de gagné. De «gigantexte», selon la savoureuse expression de Mustapha Benfodil qui, sûrement, construit ces textes dans une construction-destruction qui force le respect. Il faut du souffle pour écrire Body Writing, édition Barzakh (2018). Au moment où Sadia Barèche, dans Les couplets subversifs, édition Casbah (2018), récite pour nous Tizi-Ouzou, l’ancienne, tout en parlant avec beaucoup de pudeur de sa famille. Puis l’ami, Mohamed Magani, dans L’année miraculeuse, édition Chihab (2018), explore les sentiments amoureux d’un Algérien, de la haute fonction publique, englué dans un exil fertile à Amsterdam. Je ne sais quoi dire de Balak , édition Barzakh (2018), qui tente de définir le hasard, en ayant recours à la religion, à la science et à d’autres subterfuges, à l’image d’un sorcier vaudou. On ne finit pas de découvrir ce billettiste de talent. La colombe de Kant, édition Casbah (2018), prix de l’escale littéraire d’Alger de l’année en cours, nous fait rencontrer une écrivaine talentueuse qui, finement, mêlant l’histoire à une écriture raffinée, propose un texte digne des grands auteurs connus. Je découvre une auteure maîtrisant, à souhait, son sujet, son écriture et sa trame. Je dis bravo Aïcha Kassoul ! Je finis, juste, avec l’essai de Bachir Dahak, Les Algériens, le rire et la politique, de 1962 à nos jours , édition Frantz Fanon (2018). L’auteur nous replonge dans ces blagues dont le génie populaire, à la manière d’un Coluche, a falsifié la morosité de nos hommes politiques. Tous ont eu pour leur grade. Surtout, il ne faut pas croire que c’est un recueil de blagounettes ; il s’agit d’une approche des plus sérieuses. Ces livres furent mon réveillon. Et mon cadeau du Nouvel An. J’en redemande !
Y. M.

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