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Rubrique Ce monde qui bouge

Biden, la fin du dogme néolibéral, et le Hirak…

Un mot d’abord sur le Hirak. Malgré la rigueur du jeûne et un net raidissement du pouvoir constaté depuis l’affaire du jeune S.C, le Hirak est parti pour durer avec ce poids des quartiers populaires qui indique par ces temps d’incertitudes — baisse du pouvoir d’achat entre autres — que le social n’est pas loin. Quant aux débats et questionnements qui agitent le Hirak et dont il ne faut pas faire toute une montagne – certains y voient, derrière, la main des services quand d’autres y voient la main de la NED et de la DGSE —, il faut faire avec. L’unité des rangs du Hirak, par exemple, clamée massivement pour conjurer on ne sait quel péril ou complot qui le menacerait de dislocation, ne signifie ni unité arithmétique, ni uniformité des convictions, ni effacement des différences politiques et idéologiques, dont la liberté de conscience. Ces différences-là, il faudra les assumer au lieu de les taire ou de tenter de les cacher au fond d’un tiroir. Fermons la parenthèse.  
Autre actualité. « Les États-Unis ne sont pas devenus la nouvelle patrie du socialisme », relativise le quotidien de gauche français L’Humanité de lundi, à propos de l’annonce du Président Jo Biden de financer son plan massif d’investissements de 2 200 milliards de dollars, en allant chercher l’argent là où il se trouve, chez les plus riches.  
Pour financer son plan avec à la clé des millions d’emplois durables, il envisage une hausse du taux d’imposition de 21% à 28% des grandes entreprises et une hausse de l’impôt des ménages qui gagnent plus de 400 000 dollars par an. Se fondant sur une analyse indépendante, Joe Biden juge anormal le fait que 91 entreprises parmi les plus grandes au monde, dont Amazon, « ne payaient pas un seul centime d'impôt fédéral sur les bénéfices », alors qu’« un pompier ou un enseignant » est « assujetti à un impôt de 22% ». Aussi veut-il mettre fin à cette politique de moins-disant fiscal au seul bénéfice des plus riches. 
« Après quarante années de redistribution des richesses du bas vers le haut (…) et de boom continu des marchés depuis les années 80, tout ce que Biden fera contre cela sera un pas dans la bonne direction », estime l’économiste marxiste américain Richard Wolff. «  Mais notre niveau jamais atteint d’inégalités a besoin d’une action en profondeur » ajoute-t-il. 
Cela étant, derrière la proposition de Biden, c’est bien le retour de l’État au cœur de l’action économique qui est annoncé. D’autant que la pandémie de Covid-19 a montré que le moins d’État et le désengagement de la puissance publique prônée par l’orthodoxie libérale depuis les années 80, avait réduit les services publics à une peau de chagrin, et aggravé les inégalités – les soins de qualité étaient réservés aux plus riches – à tel point qu’elles menaçaient les assises du capitalisme et de la démocratie libérale, comme on a pu en avoir un aperçu sous l’ère de Donald Trump. 
Joe Biden veut aller plus loin. Le 5 avril, sa secrétaire au Trésor, Janet Yellen, préconise un impôt international aux multinationales de 21% sur leurs bénéfices quels que soient leur nationalité et le pays où elles les réalisent. « Nous travaillons avec les pays du G20 pour s'entendre sur un taux minimal d'imposition sur les entreprises. » Pour Le Monde du 10 avril, « ce taux plancher, calculé pays par pays, permettrait aux principales économies de la planète de récupérer des sommes substantielles en s’imposant comme percepteurs fiscaux de dernier ressort ». Même le FMI se dit favorable à l'imposition d'un impôt mondial minimum sur les sociétés. 
Reste que l’économiste français et prix Nobel d’économie Thomas Pickety, qui a qualifié cet impôt international de 21% de « progrès sensible », ajoute : « Mais au moment de répartir cette base fiscale entre pays, on prévoit d’utiliser un mélange de critères (masses salariales et ventes réalisées dans les différents territoires) qui, en pratique, aboutira à attribuer aux pays riches plus de 95% des profits réalloués, et à ne laisser que des miettes aux pays pauvres » (Le Monde du 10 avril).  
Quant à nos gouvernants, qui cherchent à récupérer l’argent de l’informel pour financer la relance, ils devraient s’inspirer, faute de mieux, de Joe Biden au lieu de parier sur la « finance islamique » sur laquelle il y a beaucoup à dire, et qui n’a apporté aucune valeur ajoutée là où elle se pratique. 
H. Z.

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