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Rubrique Ce monde qui bouge

L’Algérie, la Libye, la Turquie, les émirats et les autres

Premier Conseil des ministres dans un contexte marqué par la crise libyenne et la poursuite du Hirak. Dossier libyen : il n’y pas que la Turquie en Libye, les Emiratis y disposent de bases militaires et ne sont pas là que pour chasser des outardes dans les déserts tripolitains et de la Cyrénaïque. Avec la France et l’Égypte, les Emiratis sont présents militairement et financièrement aux côtés du maréchal autoproclamé Haftar. Avec l’aval bien sûr de Donald Trump sans qui les Emiratis, qui interviennent déjà au Yémen, ne sont rien. 
La France de Macron, elle, joue sur deux tableaux. Elle assiste militairement les forces de Haftar et entretient des rapports officiels et cordiaux avec le Gouvernement d’union nationale de Fayez Serraj. Sans plus. Mais comme le pétrole n’a pas d’odeur, avoir deux fers au feu présente l’avantage d’être présent au moment du partage de la galette pétrolière, et ce, quelle que soit l’issue du conflit ou le vainqueur. Il y a aussi l’Italie et la Russie qui soutiennent Haftar. Et derrière le rideau, il y a les Etats-Unis dont les compagnies pétrolières activent, dans les territoires des deux camps libyens antagonistes. 
En face, la Turquie d’Erdogan et son allié qatari soutiennent depuis le début le pouvoir installé à Tripoli contre son rival de Benghazi, et ne veulent pas être les perdants de cette guerre. Déjà dans la Libye de Kadhafi, Ankara avait investi plusieurs milliards de dollars. Pas question donc pour le «grand Turc» qui a misé gros en Libye en soutenant le Gouvernement d’union nationale de Fayaz Serraj, de s’effacer au profit des Emiratis, de l’Égypte et de leurs soutiens occidentaux, voire de la Russie.  
En résumé, tout ce beau monde — et pas seulement la Turquie — convoite les ressources naturelles libyennes. Excepté la Russie, tous, France en tête, ont pris part en 2011 à la guerre d’intervention de l’OTAN contre le régime de Kadhafi. Et tous sont responsables du chaos qui règne en Libye. Tous ont fait en sorte de tenir l’Algérie pour quantité négligeable en raison d’une diplomatie algérienne en hibernation, du fait d’un pouvoir politique paralysé par la maladie incurable de Abdelaziz Bouteflika. Mais aussi parce que l’Algérie, même après la chute de Bouteflika, ne voulait sans doute pas froisser nos «faux frères» émiratis et saoudiens très impliqués comme on l’a vu, aux côtés de Haftar. 
L’Algérie revient donc dans le jeu, veut faire entendre sa voix, parle avec le Libyen Fayez Serraj et le Turc Mevlut Cavasuglu, qualifie l’attaque contre une école militaire libyenne par les forces de Haftar, de «crime de guerre» et considère Tripoli comme «une ligne rouge, en espérant que personne ne la franchira». Qu’est-ce à dire ? On verra dans les jours à venir. En attendant, le temps presse et rien n’exclut, en cas d’intervention turque, que le conflit libyen, où à la présence de nombreux acteurs étrangers, s’ajoutent les milices islamistes, déborde en Algérie. D’autant que comme on le voit en Irak, l’Occident peut très bien en premier lieu se satisfaire du chaos libyen après avoir assuré la protection de la «Libye utile», là où se trouvent les richesses du pays. 
L’autre dossier, c’est le Hirak qui, à l’évidence, va se poursuivre. Que compte faire Abdelmadjid Tebboune? Si pour l’heure, il n’apporte pas de réponse, nous savons en revanche qu’il est face à une situation qui rappelle octobre 1988 où le régime de Chadli Bendjedid a dû trancher en mettant fin au système basé sur le parti unique. Situation qui n’est toutefois pas tout à fait comparable parce que l’Algérie de 2019 n’est pas celle de 1988. On n’est plus dans la même configuration socio-politique. La demande n’est pas la même. Et la réponse est sans doute plus complexe. 
En octobre 1988, c’est le marasme et le dénuement social, les pénuries de denrées de base, l’incurie, qui ont été les principaux marqueurs d’une crise réprimée dans le sang. En 2019, c’est le changement de système, l’État de droit, la démocratie, les libertés et le respect des droits de l’Homme, en résumé «une Algérie libre et démocratique» qui sont les principaux marqueurs du Hirak. Et si la question sociale n’est pas mise en avant, c’est parce que dans l’esprit des Algériens elle est indissociable du politique.  
H. Z.

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