C’était un écrivain particulièrement prolifique mais dont on ne peut pas vraiment dire qu’il avait marqué les esprits par la qualité de son œuvre, encore moins par la constance et le courage de ses implications dans les palpitations de son pays. Voici ce qu’avait dit de lui le regretté Kateb Yacine dans une soirée arrosée entre amis : «Il écrit tellement que ça lui arrive de dire des choses intéressantes» ! Bien sûr, l’analogie peut prendre des allures d’extrapolation tirée par les cheveux mais osons-la quand même. Depuis le début du soulèvement populaire, cela fait maintenant près de sept mois, il y a des gens qui ont tellement parlé qu’ils ont dû, à un moment ou un autre, être… pertinents. Le problème est que tout le monde n’a pas le sens de l’observation du Keblouti et sa finesse dans la dérision pour nous dire à quel moment ils se sont surpassés pour nous étonner ! Mais en cherchant bien, on finit par trouver : c’est quand ils sont dans les lapalissades les plus plates qu’ils sortent ce qu’ils ont de meilleur. Prenons un sujet qui s’est naturellement imposé dans ce qu’on pourrait appeler par commodité de langage, le «débat public» : le dialogue. Ils ne croient pas si bien dire quand ils louent ses vertus comme moyen «civilisé» de régler les problèmes de société, de mettre fin à des belligérances tenaces ou de trouver les compromis utiles dans la recherche de solutions salutaires. Certainement exemplaire en la matière, Karim Younès vient opportunément de nous «apprendre » que «le dialogue a commencé au début de l’Humanité et se terminera avec la fin de l’Humanité» ! Certainement. Et c’est déjà mieux que quand il disait que le panel qu’il préside ne représente ni le pouvoir ni le mouvement populaire ! D’autres sont remontés très loin dans les états jurisprudentiels pour nous ramener des cas où le dialogue a porté ses fruits en mettant fin à des situations inextricables. C’est vrai aussi, mais les analogies se font jusqu’au bout ou ne se font pas. Sinon on serait plutôt dans le célèbre dicton arabe «des mots justes pour un dessein injuste». Arrive ensuite «l’intérêt suprême de l’Algérie». Il y en qui sont carrément émouvants, quand ils en parlent. Le problème est qu’ils oublient de dire que tous les Algériens peuvent… en parler et que l’idée qu’ils se font, eux, du bonheur, n’est peut-être pas la même chez d’autres. Enfin, les élections : «On ne peut pas rester éternellement sans Président élu», qu’ils nous disent et c’est aussi vrai que la Terre est ronde. Jusqu’à ce qu’on entende quelqu’un le clamer, aucun Algérien n’a encore dit qu’on se passerait bien d’un président de la République ! Même pour ressembler à l’écrivain dont parlait Yacine, «ils» devraient finir leurs phrases. C’est là que nous parvenons à l’extrapolation, dans la forme et tout le reste.
S. L.