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Rubrique Constances

Noël et Nouvel An : changer de vie

On aurait pu attendre les vieux appels à la «sobriété et la retenue» ou carrément les sermons culpabilisateurs, voire menaçants de représailles ici-bas et dans l’au-delà, comme les Algériens étaient habitués à le vivre dans un passé pas si lointain que ça. Les prêches contre la fête, surtout lorsqu’elle est liée à une religion ou un patrimoine consacrés «étrangers à notre culture et nos traditions», on connaît. Qu’on les ait courageusement ignorés pour assumer librement ses choix de vie, qu’on en ait tenu compte en faisant dans la discrétion apeurée ou qu’on y ait simplement renoncé parce qu’on n’a pas la témérité de la bravade, on sait ce que c’est, depuis que l’intolérance, l’invective et la… terreur régissent la société, dans les lieux publics d’abord, avant de s’étendre à l’espace privé histoire de ne pas s’arrêter en si bon chemin. Mais depuis quelques années que les réseaux sociaux ont donné à la libre parole un moyen de s’exprimer, on a pu, avec bonheur, voir que la société algérienne n’est pas matée et que ce qui n’était à un moment qu’un îlot de résistance guetté par l’abdication a révélé qu’il n’était pas si «marginal» qu’on voulait bien le faire admettre. L’un dans l’autre, cela a dû libérer aussi l’«action» dans une certaine mesure. Puis, il y a eu ce mouvement populaire qui, dès ses premières manifestations, a montré qu’il portait autant un projet de changement qu’une autre idée de la vie. On le voyait clairement, le mouvement de la vie pouvait déjà commencer dans ses rangs, dans l’action et ses prolongements le soir venu, le lendemain et tous les jours d’après. Le mouvement populaire a décontracté les gens, imposé le respect de la femme, démenti quelques certitudes et cassé bien des tabous. Il a remis la liberté au goût du jour et c’est sans surprise que ce qui était inimaginable hier relève désormais de la normalité. Il faut voir le volume et la sincérité des vœux de bonheur à «tous les chrétiens du monde» et à tous les fêtards qui n’en ratent pas une pour se rendre compte que les choses ont changé. Qu’on l’explique par un «repli tactique» ou par une euphorie passagère, le fait est que la vindicte, la culpabilisation et la menace ont considérablement reculé. Et, peut-être bien plus important, il n’y a plus grand monde à se laisser faire. Désormais, on affiche sa fête, on montre sa bouteille et sa volaille, il y en a même qui ont trouvé leur… sapin de Noël. Et de se préparer déjà pour la fête du Nouvel An, célébrée dans de plus larges proportions du fait qu’elle soit plus intégrée dans la tradition populaire. Signe des temps, même les quelques voix, toujours sincères, qui suggèrent que les Algériens ne devraient pas avoir le cœur à la fête n’ont pas été entendues. Et de leur rappeler courtoisement que le changement, c’est aussi, sinon d’abord, la vie. Bonnes fêtes.

S. L.

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