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Rubrique Contribution

RÉVISION CONSTITUTIONNELLE À quoi sert un Conseil de la Nation ?

Par Dr Kamel Rahmaoui(*)
«Pour découvrir les meilleures règles de société qui conviennent aux nations, il faudrait une intelligence supérieure.»
(Jean-Jacques Rousseau,
Du Contrat social chapitre VII –
du législateur)
Le Parlement algérien est constitué de deux Chambres, l’une qualifiée de basse- l’Assemblée populaire nationale — et l’autre de haute - le Conseil de la Nation —, c’est ce type de système politique que les juristes appellent bicaméralisme ou bicamérisme; si dans l’Etat fédéral ce couple parlementaire ne soulève aucun problème sérieux, dans les démocraties unitaires à régime parlementaire, par contre, la raison d’être du bicaméralisme a de tout temps suscité de vives contestations.
En effet, le bicaméralisme vise à prémunir le pouvoir exécutif contre tout despotisme éventuel de la Chambre basse ; le désir de contrecarrer la volonté majoritaire et légitime représentée par la Chambre basse heurte de front les valeurs démocratiques. Or, de nos jours, la démocratie ne peut s’exercer sans tenir compte d’une nouvelle valeur indispensable à la stabilité et à la prospérité des nations, l’efficacité.
Le bicaméralisme serait-il en mesure de contribuer à l’instauration d’une vie parlementaire en adéquation avec les réalités sociales et économiques des nations ?
Avant tout, il serait utile d’examiner les techniques spécifiques auxquelles fait recours le bicamérisme pour affaiblir les pouvoirs de la Chambre basse, avant d’analyser ses inconvénients.
• Le bicaméralisme : un système politique dont la principale mission demeure celle d’empêcher l’absolutisme de la Chambre basse.
La volonté générale dégagée par le suffrage populaire direct est considérée comme instable, car sujette à des variations brusques irréfléchies et dangereuses pour la stabilité de la Nation ; lui opposer par conséquent une autre représentation de la Nation, plus sage et plus stable n’obéissant pas aux changements constants de l’opinion majoritaire, devient une impérieuse nécessité. Afin de concrétiser cet objectif, il est fait appel à plusieurs techniques juridiques concernant les représentations politiques dédiées aux deux Chambres, la répartition de la fonction législative entre la Chambre basse et la Chambre haute, la fonction de contrôle exercée par les deux Chambres, la durée du mandat ainsi que la dissolution des Chambres en question.
• Les représentations politiques au sein des deux Chambres n’obéissent pas aux mêmes règles ; le bicaméralisme a pour principale mission celle d’empêcher le despotisme éventuel de la Chambre basse. Ainsi la désignation des députés de la Chambre basse s’effectue au suffrage universel direct, celle de la Chambre haute obéit, par contre, a des critères antidémocratiques de désignation, à l’instar du suffrage indirect tant pour les électeurs que pour les éligibles, la désignation directe par l’exécutif et parfois en faisant appel aux deux critères, comme c’est le cas en Algérie, cette représentativité particulière antidémocratique est renforcée par des conditions d’âge, « les sénateurs » sont en général plus âgés que les députés de la deuxième Chambre.
• En matière d’initiative et de confection des lois une inégalité entre les deux Chambres est instaurée, ce qui protège les intérêts de conservateurs. Cette organisation conduit à une navette parfois interminable entre les deux Chambres, même dans le cas où des mécanismes de déblocage sont prévus, comme ceux élaborés par la Constitution algérienne de 2016. Cet état de fait constitue un frein sérieux à l’élaboration rapide des lois dont la société a énormément besoin; la Constitution algérienne élaborée par de fins horlogers dans le domaine constitutionnel semble avoir opté pour l’égalité et la spécialisation des Chambres. En effet ce n’est pas fortuit si les projets de loi relatifs à l’organisation locale et l’aménagement territorial sont déposés au bureau du Conseil de la Nation. Il est, par ailleurs, intéressant d’examiner de près la technique employée en matière de désaccord entre les deux Chambres, l’exécutif, par un tour de magie juridique, conservera le dernier mot dans pareilles circonstances.
• En matière de contrôle et de mise en cause de la responsabilité gouvernementale, deux techniques existent: l’une instaure une égalité entre le deux Chambres, l’autre rompt cette égalité, comme c’est le cas en Algérie. A noter cependant que le gouvernement peut présenter à la Chambre haute une déclaration de politique générale.
En Algérien nous avons pu constater durant presque deux décennies la coïncidence de la majorité des deux Chambres, ce qui a conduit à l’immobilisme manifeste du Conseil de la Nation et a renforcé par la même occasion la politique du gouvernement en place en dépit de son incohérence et de sa dangerosité même ; c’est d’ailleurs cette triste image que conserve le citoyen algérien d’un Conseil de la Nation fort coûteux au contribuable, et qu’il n’est pas près d’oublier.
• La durée des mandats des deux Chambres diffère aussi. C’est ainsi que celle de la Chambre haute est plus importante que celle de la Chambre basse, ce qui conduit à la stabilité des institutions en cas de crise.
• En matière de dissolution des chambres, en général, seule celle de la Chambre basse est possible en respectant certaines procédures, ce qui permet la continuité des institutions, comme nous l’avons constaté lors de la crise politique traversée par le pays.

Le bicamérisme: un Instrument autocratique, complexe et fort coûteux
C’est d’ailleurs au nom de l’efficacité, des droits de l’Homme et des libertés que les nations ont abandonné ce système politique jugé fort complexe, comme nous l’avons démontré précédemment et dont les inconvénients dépassent de très loin les avantages.
Le bicamérisme est démuni de toute assise démocratique, il s’agit d’un instrument autocratique, réactionnaire au service des seuls intérêts des gouvernements, et qui ne se soucie guère de l’efficacité et de la rationalité, car fondé essentiellement sur la crainte de l’exécutif de se trouver confronté à un éventuel despotisme de la Chambre basse. Pourtant, la Chambre basse incarne bel et bien la volonté populaire et c’est à elle qu’il incombe de se soucier de l’avenir de la Nation; le gouvernement a pour mission de traduire dans la réalité la volonté populaire exprimée par le suffrage universel direct.
En inversant les rôles, le bicamérisme permet à l’exécutif de s’accaparer des pouvoirs assignés non seulement au Parlement mais aussi à la justice et c’est là où réside sa dangerosité. Les peuples sont matures de naissance et n’ont point besoin de tuteur pour tracer leur avenir, ils ont besoin uniquement de conseils sincères qui leur permettent de prendre les bonnes décisions en temps opportun.

Alors faut-il supprimer la Chambre haute ?
Les sérieuses raisons qui militent encore en faveur du maintien du bicaméralisme en dépit de ses avatars sont, sans nul doute, la continuité des institutions, la production législative de qualité, ainsi qu’une représentation diversifiée de toutes les composantes de la Nation.
Cependant, une Chambre unique forte est à même d’assurer toutes les fonctions dévolues à la Chambre haute.
Le Parlement monocaméral : une structure d’accueil efficace des réalités de la Nation.
Contrairement au bicamérisme, le monocaméralisme est en mesure d’assurer une représentation diversifiée efficace et économe.
Ainsi, la création de commissions parlementaires spécialisées peut prendre en charge toutes les fonctions dévolues auparavant à la Chambre haute. Cette spécialisation des commissions concerne aussi bien la production législative, les questions socioéconomiques, ainsi que le pouvoir d’empêchement.
Faut-il souligner l’importance aussi d’attribuer à la Chambre unique des compétences juridictionnelles qui lui permettent de juger le chef de l’Etat et les membres du gouvernement ; n’incarne-t-elle pas la volonté générale dégagée par le suffrage universel direct ?

Pour conclure
Confrontés à des problèmes économiques sérieux, ainsi qu’à la nécessité d’une gouvernance efficace, beaucoup de pays ont abandonné le bicaméralisme pour revenir au système monocaméral.
En Algérie, on ne peut justifier de nos jours la présence du bicamérisme alors que ses attributions peuvent très bien être assurées par la Chambre basse. Ne serait-il pas judicieux de procéder à l’audit du Conseil de la Nation, afin de savoir réellement combien coûte un «sénateur» pour le contribuable par rapport à sa production effective ? Quel a été son apport pour les collectivités locales qu’il est censé représenter et défendre les intérêts ? Ne serait-il pas juste d’utiliser tout cet argent pour la création d’emplois? Que les spécialistes du droit en général et du constitutionnel en particulier ne nous tiennent pas rigueur pour la simplicité du style usité, notre but étant d’éclairer l’opinion publique sur les techniques juridiques utilisées dans un but inavoué, celui d’affaiblir la volonté générale et asservir les peuples.
La simplification du droit constitue de nos jours une question de sécurité juridique.
K. R.

(*) Docteur en sciences juridiques. Maître de conférences.

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