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Loi de finances 2021, règle 49%-51% contrainte ou opportunité…

Par M. BEY Lotfi*
L’Algérie connaît, depuis 2014, une situation de stress économique liée aux graves déséquilibres du marché mondial des hydrocarbures. Cette situation s’est très vite aggravée pour atteindre un seuil critique avec la crise sanitaire globale causée par le Covid-19, qui a été le facteur déclenchant d'une crise systémique et a laissé place à une situation de «lockdown» inédite. 

Les faits se sont succédé à une grande vitesse d'où la difficulté à «mettre en ordre» la réalité qui se présente de manière chaotique. Par ailleurs, le caractère disruptif de cette crise laisse présager des scénarios particulièrement inconnus et changeants.
L’unique certitude pour le moment est qu'un risque a émergé comme un iceberg contre lequel se heurtent les conditions de l’économie nationale en raison de l'alliance entre la vulnérabilité liée à son manque de diversification et à la menace réelle de la récession mondiale et ses répercussions sur les prix et les exportations nationales en hydrocarbures.
Dans ce climat d’incertitudes, les économistes du monde entier cherchent à limiter les dégâts et à éviter des dommages structurels sur l’économie et se penchent sur des schémas de sortie de cette crise qui se présente telle une équation à plusieurs inconnues.
D’un point de vue macroéconomique, cette crise sanitaire, aux dommages collatéraux multiformes et incalculables, s’installe dans la durée et a substantiellement impacté les pays les plus stables économiquement et les a obligés à sortir des schémas classiques de rigueur budgétaire vers des solutions néokeynésiennes amplifiées.
Au plan micro-économique, le milieu des entreprises est complètement bouleversé : certains secteurs ont été pratiquement mis à genoux, en particulier les services, le tourisme, le transport et les PME, d’autres, par contre, connaissent un nouvel essor commercial. Dans ce cadre, l’industrie pharmaceutique s’installe confortablement au premier rang, suivie par l’agroalimentaire et certaines petites industries.
La loi de finances 2021 vient d’être promulguée, dans ce climat socioéconomique chaotique, avec un mot d’ordre «améliorer le rendement fiscal». De nouvelles dispositions ont été adoptées en appui aux réformes déjà engagées depuis la mise en œuvre de la loi de finances complémentaire 2020.
Dans cet esprit, le législateur algérien s’est attaché à travers les dispositions de l’article 139 de cette nouvelle loi de finances à mettre fin à la mainmise des sociétés étrangères sur le marché de la revente en état en Algérie, un marché très peu rémunérateur pour l’économie nationale.
Vraisemblablement, ces dispositions sont en droite ligne avec les nouvelles orientations économiques du pays qui exigent de mettre un frein à la consommation excessive dopée par l’importation tous azimuts faite souvent au moyen de financements bancaires locaux, au mépris des normes OCDE et des lois algériennes en matière de prix de transfert.
A travers les nouvelles dispositions suscitées, les entreprises étrangères opérant sur le marché de l’importation pour de la revente en état en Algérie ont un délai de 6 mois (au 30 juin 2021) pour se conformer à la règle des 51/49% par l’introduction d’un ou plusieurs associés locaux dans leur capital social.
Toutefois, cet idéalisme de l’Etat va, sans doute, buter sur plusieurs obstacles techniques et juridiques qui risquent d’engendrer des effets contre-productifs à plus d’un titre sur l’économie nationale : 
•Pertes d’importantes recettes fiscales, en raison des risques de délocalisation massive des entreprises étrangères, et ses corolaires en termes de pertes d’emplois directs et indirects.
•Provocation de situations «de rareté et de pénuries» de matières essentielles et de première nécessité sur le marché national : en effet, il sera très peu probable que des acteurs locaux puissent se substituer aux entreprises étrangères qui activent habituellement dans les circuits d’approvisionnement nationaux de façon à éviter toute onde de perturbation substantielle sur le marché national. 
•Perturbations du circuit d’approvisionnement sur les marchés internationaux : la maîtrise des circuits d’approvisionnement internationaux exige une expertise fondée sur une parfaite connaissance des mouvements commerciaux globaux des produits en question et des capacités de négociations générées par l’importance des commandes. Dans ce contexte, les entreprises étrangères installées en Algérie dans ce secteur détiennent des avantages concurrentiels saillants car elles ont capitalisé, au fils des ans, un savoir-faire basé sur leurs propres réseaux commerciaux de fournisseurs et de points de vente aux ramifications complexes qui leur donnent une main- mise en matière de contrôle de prix. 
•Expositions à des arbitrages internationaux très onéreux.
•Risque d’induire de nouvelles situations de monopoles sur les circuits d’approvisionnement de matières de première nécessité.
La vraie problématique à ce sujet serait comment mettre en pratique les dispositions suscitées sans provoquer des dommages supplémentaires sur l’économie nationale. Une telle question aurait dû être déjà abordée en concertation avec des experts nationaux, mais, encore une fois, nous traitons des déséquilibres microéconomiques par des ajustements macro-économiques.
Le volet transactionnel risque de buter sur des interrogations substantielles, réelles, pratiques et complexes à la fois : quelles valeurs peuvent avoir de telles sociétés ? Comment valoriser une société existante sur le marché depuis longtemps, souvent plus de 20 ans ? 
Ce qui est sûr d’emblée, c’est que la majorité de ces sociétés cumulent des fonds propres importants souvent structurels, en raison de l’interdiction dont elles font objet en matière de transfert de dividendes depuis l’année 2009, date à laquelle l’instruction de la Banque d’Algérie n° 01/2009 du 15 février 2009 est entrée en vigueur.
Qui va acheter, en période Covid-19 et même post-Ccovid-19, lorsqu’on sait que seule une infime minorité de sociétés affiche une bonne santé financière et continue à cultiver cet esprit d’investissement requis pour ce genre de cas ?
A cette situation, il faudra associer la crainte justifiée des cédants de perdre le contrôle de leurs sociétés par l’introduction d’un actionnariat groupé.
Sur un autre plan, une vente de parts sociales ou actions implique le transfert du produit de la vente, ce qui va permettre au cédant de transférer les 51% de la valeur intrinsèque de la société qui est implicitement majoré des bénéfices non transférés.
Telle est l’équation à plusieurs inconnues, et la marge de manœuvre des autorités publiques se trouve réduite par des circonstances spéciales.
Une des solutions potentielles pour cette situation pourrait être envisagée à travers l’adoption de mesures dérogatoires ayant pour objectif de permettre aux sociétés concernées par ces nouvelles dispositions de s’introduire en Bourse ou par le rachat d’une partie de leur capital social par des sociétés de capital-risque comme solution transitoire.
En effet, l’introduction en Bourse permettra, sans aucun doute, l’injection de milliers de sociétés viables dans le marché financier, ce qui va créer la dynamique boursière tant recherchée depuis des décennies.
Une opération d’introduction massive de sociétés de revente en l’état, peut s’avérer plus qu’avantageuse pour toutes les parties prenantes de la transition vers un marché du négoce dominé par les capitaux nationaux. Cette mesure assimilée à de l’opportunisme économique, pour conduire à l’émergence d’un véritable patriotisme économique contrôlé par les mécanismes de régulation du marché boursier national.
Il est clair, au demeurant, que les entités concernées devront faire l’objet d’une adaptation juridique, voire une restructuration profonde, qui peut se conjuguer par des mesures transitoires de facilitation de l’introduction en Bourse.
La seconde option paraît moins intéressante économiquement mais constitue une issue pratique et une alternative transitoire sérieuse qui pourrait déboucher sur la mise en œuvre de la première option.
Il convient de noter que la souscription d’actions au profit des sociétés de capital-risque ne pourra qu’assurer une bonne transition, tout en impactant positivement les recettes fiscales incombant des opérations des sociétés de capital-risque.
Cette seconde option permettrait d’assurer auxdites sociétés un sursis graduel pour trouver un acquéreur local dans le respect des textes réglementaires en vigueur ou à défaut, remplir les conditions d’entrée en Bourse conformément aux règles en vigueur. 
En tout état de cause, il faudra impérativement admettre que des sociétés en plein essor financier ne peuvent être amenées à se conformer à des réformes structurelles aussi importantes dans un délai aussi court, et a fortiori, dans un contexte et environnement économique national très peu enclins au recours au marché financier et à l’actionnariat.
Notre opportunisme changera les choses, ou peut-être pas !! 
B. L.
*Expert-comptable / commissaire aux comptes 

1 Sur ce dernier point, l’Algérie, bien qu’adoptant une réglementation de pointe, peine encore à contrôler les prix de transfert. Il y a lieu de souligner, toutefois, que cette problématique est très peu maîtrisée mondialement, car les groupes internationaux se livrent à l’optimisation fiscale à des fins lucratives, au mépris des lois et règlements des pays qui se retrouvent lésés dans le partage de la masse fiscale incombant des transactions fortement mondialisées.

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