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Rubrique Culture

LE VŒU DE LA SEPTIÈME LUNE DE MOHAMMED DIB Amour et oppression dans la Chine du VIIIe siècle

Après Mille hourras pour une gueuse, une pièce publiée aux éditions du Seuil en 1980, le théâtre de Mohammed Dib s’enrichit d’un texte inédit : Le vœu de la septième lune. Cette pièce ajoute à la dimension universelle d’un écrivain particulièrement prolifique.

Le vœu de la septième lune a paru chez El Kalima Editions dans la collection PIM (Petits Inédits maghrébins, sous la direction de Guy Dugas), avec une présentation d’Hervé Sanson. Ce huitième texte inédit d’un auteur maghrébin s’ajoute, en fait, aux sept livres précédemment publiés dans le cadre de la collection Djib (Poche), série PIM, de l’éditeur algérois. Au passage, il faut d’ailleurs souligner le côté pratique de cette formule (un format de 11 cm x 17 cm) et la qualité de la conception éditoriale (graphisme et impression).
Un travail de professionnel, ce qui est tout à l’honneur d’El Kalima. Hervé Sanson, président du comité scientifique de l’association Société internationale des amis de Mohammed Dib, a précédé le texte inédit de la pièce d’une importante introduction. Il écrit dans sa présentation critique et explicative : «La présence du genre théâtral dans l’œuvre de Mohammed Dib devra être réévaluée, dans les années à venir, tant quantitativement que qualitativement. En effet, le lecteur aura longtemps eu accès au seul Mille hourras pour une gueuse, publié aux éditions du Seuil en 1980, mais créé auparavant au Festival d’Avignon en 1977, dans une mise en scène de Rafaël Rodriguez. Aujourd’hui, sort peu à peu de l’ombre tout un pan de la création dibienne, consacré à ce seul média. Deux autres pièces achevées viennent s’ajouter à présent : Le vœu de la septième lune (...) et La fiancée du printemps, pièce-nébuleuse, que Dib a constamment reprise sur trente ans environ et dont il a tiré, en collaboration avec Marcel Moussy, un scénario de film jamais tourné.»
A rappeler, également, que la pièce Mille hourras pour une gueuse a été traduite en arabe par M’hamed Benguettaf, mise en scène par Ziani Cherif Ayad et portée par la troupe Masrah el Qalaa à Alger puis présentée au Festival des francophonies de Limoges en 1993. Hervé Sanson précise encore : «La pièce que nous donnons à lire constitue une véritable découverte. Conservée au domicile de  l’écrivain, dans une caisse en bois contenant un grand nombre d’inédits, l’épouse même de l’écrivain en ignorait l’existence. Elle se présente sous la forme d’un tapuscrit de quatre-vingt-sept pages (...) et porte sur la page de faux titre, sous le titre tapuscrit, l’ajout au crayon à papier ‘’d’après la pièce de Hong Sheng Le palais de l’éternelle jeunesse (1688)’’. (...) Le tapuscrit ne comporte aucune mention de date : à quel moment Dib a-t-il composé cette pièce ? A partir de la qualité du papier et de l’apparence du tapuscrit, nous daterions approximativement l’œuvre de la fin des années soixante, début des années soixante-dix. A cette période-là, Dib s’intéressait particulièrement au patrimoine littéraire chinois et notamment au théâtre et aux contes.» 
La pièce Le vœu de la septième lune est donc une «adaptation d’un classique de l’opéra chinois, que Mohammed Dib a singulièrement condensé : de quelque trois cents pages pour l’œuvre originale, l’adaptation qu’il en fait est réduite à moins de cent».
Dans son texte de présentation, Hervé Sanson s’interroge sur ces découvertes : «Pourquoi la Chine ? Pourquoi ce classique ? Il est certain que la découverte de cette pièce atteste l’intérêt profond de Dib pour les cultures autres que celles de son pays natal, l’Algérie, ou de son pays de résidence, la France. Bien avant la composition de la trilogie nordique, l’auteur algérien puisait son inspiration dans le fonds culturel d’autres civilisations.»
Il y avait aussi l’influence de Brecht : «Nul doute que Dib connaissait parfaitement le répertoire du créateur
allemand ; et plus spécifiquement, ses pièces d’inspiration chinoise — tels Le cercle de craie caucasien, ou La bonne âme du Se-Tchouan — qui ont pu jouer un rôle non négligeable dans la décision de Dib de s’intéresser au patrimoine théâtral chionis.» Autre question à laquelle Hervé Sanson tente de trouver réponse : «(...) Comment Dib a-t-il découvert cette pièce, jamais traduite en français ? Il existe une version en anglais : en 1955, Yang Xianyi et Gladys Yang publient en effet une traduction à Beijing en Chine (...). Parfait angliciste (il ne faut pas oublier qu’il fut interprète auprès des armées alliées en 1942-1943 à Alger), Dib  a certainement découvert ce «classique dans sa version anglaise».
L’auteur de la présentation donne évidemment des détails sur la pièce originale et sur l’écrivain chinois Hong Sheng. Le motif narratif de l’œuvre est le suivant : «Ming Huang, empereur de la dynastie Tang (il a régné de 712 à 756), s’est épris d’une de ses concubines, Lady Yang, connue également sous le nom de Yang Yuhuan ou Yang Guifei, dont il a fait sa favorite. Ils échangent un serment d’amour éternel lors du septième jour de la septième lune. Pendant ce temps, les rivalités s’affûtent dans le royaume (...).
Représentée pour la première fois en 1688, sous la dynastie Qing, elle (l’œuvre) s’inspire de l’histoire d’amour véritable ayant existé entre l’empereur Tang et sa favorite Yang Yuhuan. Beaucoup de romanciers, poètes ou dramaturges, en Chine, se sont inspirés par la suite de cette histoire. Les faits historiques — attestés — sont bien présents, et repris par Hong Sheng : la corruption s’est accrue progressivement durant la dernière partie du règne de l’empereur, plongeant la paysannerie dans la misère et accroissant les inégalités entre classes sociales. Le rebelle An Lushan mène bien une guerre contre l’Empire entre 755 et 763. Lui-même meurt en 757, assassiné, mais la guerre dure encore six années, jusqu’à ce que sa dynastie s’éteigne. C’est cette guerre qui fournit l’arrière-plan historique à la pièce (...)»
Dans l’adaptation qu’il a faite de cette pièce, Mohammed Dib «resserre l’action dramatique : il supprime toute référence mythologique ou surnaturelle, et épure le canevas de l’œuvre, réduisant considérablement le nombre de personnages. Des quarante-neuf tableaux que comporte l’œuvre initiale, il ne retient qu’une quinzaine de tableaux significatifs.» 
Dib va  personnaliser à sa façon d’autres aspects de l’œuvre : réduction de la part de la description, dénouement de l’intrigue orienté différemment, implacabilité du destin, ancrage dans un référent réaliste... Tout cela en restant fidèle à une intrigue qui a pour cadre la Chine impériale du VIIIe siècle.
Dans une interview de 1971, Mohammed Dib déclarait avoir écrit des pièces originales, non publiées, «des farces tragiques, avec un côté clownesque et grinçant, un peu dans le genre des premières pièces de Brecht, un mélange de poésie chantée, récitée, mimée, avec participation du public».
C’est dire combien cet autre champ littéraire (le théâtre), chez l’auteur, mérite d’être redécouvert et étudié.
A retenir, enfin, que le Colloque international «Atlals» sera organisé à Tlemcen, du 17 au 19 octobre 2020. Un précédent colloque se tiendra, en France, à l’occasion du Centenaire de l’écrivain. Il aura pour thème «Le théâtre des genres dans l’œuvre de Mohammed Dib» et aura lieu à Château de Cerisy-la-Salle, du 1er au 5 septembre 2020.
Cette double célébration du centenaire, à Tlemcen et en France, sera marquée par de nombreuses participations et activités.
Hocine Tamou

Mohammed Dib, Le vœu de la septième lune, El Kalima Editions 2019, 138 pages, 600 DA.

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