Avec cet opus de 170 pages, Abdelkader Hammouche signe son huitième romain. Son terrain de prédilection : les faits de société (L’affaire Makoula, Les voleurs de liberté, La décision, Amel…).
Ça n’a rien d’un roman à l’eau de rose. L’auteur dit s’intéresser à la réalité sociale vécue pour y observer les maux qui la rongent afin de mieux les dénoncer, dans un souci de justice, sans prétendre pour autant jouer le rôle de rédempteur.
Dans ce roman qui se lit d’une traite, l’auteur met le doigt là où ça fait mal car la victime est prise dans toute sa nudité représentée par son impuissance face à la toute-puissance de forces occultes, d’appareils de l’Etat ou qui se revendiquent comme tel.
Nesrine, belle étudiante de 23 ans, mannequin par nécessité puisqu’elle a opté pour son indépendance, vivra la terrible épreuve d’être tombée entre les griffes des services de sécurité sans que rien la prédispose, son seul péché étant d’entretenir une relation avec un Français — ce qui est mal vu — avec qui elle doit se marier. Bien sûr le contexte de l’époque est des plus spécifiques : parti unique, pensée unique, justice inique ? Dans un scénario de la plus pure tradition hollywoodienne, la belle Nesrine est enlevée par les services qui l’emmènent dans un endroit inconnu.
L’auteur nous fait la description de l’événement avec force détails. Il le fait aisément d’autant que lui-même a eu affaire à ces «services» il y a de cela quelques décades en tant que journaliste pour avoir fait un reportage sur le gaz, touchant ainsi aux «intérêts supérieurs». Ça lui en coûtera des traumatismes qui le marqueront bien plus tard.
Mais la jeune étudiante était loin de se douter du cauchemar qui l’attendait. Sûrs de leurs bons droits, «les intérêts supérieurs», les services lui proposent de travailler pour eux en devenant une sorte de Mata Hari dans un chantage en rapport avec son fiancé. Nesrine n’aura de cesse de clamer son innocence mais en pure perte. Il lui est signifié qu’elle a une semaine pour se décider. Pour s’en sortir elle va alerter le peu de personnes qu’elle connaît et en qui elle a confiance. Il y a son amie Nawal et son autre ami, un journaliste, qui vont tout tenter pour la sortir de ce traquenard. Mais ni la Ligue des droits de l’homme ni les amis du journaliste, un procureur de la République, soucieux des «intérêts supérieurs», ni l’autre ami avocat tétanisé par cette affaire ne seront d’un quelconque secours pour la pauvre Nesrine… Le temps passe, plus que quelques jours pour la réponse attendue par les «services». Unis autour de la pauvre victime, les deux seuls amis ne baisseront pas les bras et suggéreront à Nesrine une sortie du pétrin…
Le livre n’a pas de prétention littéraire et se lit comme une chronique d’un fait divers aux contours politiques. Il ne faut pas oublier que cette histoire se déroule dans une période où droits de l’homme et liberté étaient une chimère.
B. T.
Les intérêts supérieurs, roman de Abdelkader Hammouche, 170 pages, éditionsn Barkat, Alger 2018.
