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Rubrique Kiosque arabe

Ibn Albaz, face à Saint-Valentin

La Saint-Valentin est l'une de ces fêtes occidentales honnies et décriées, contre lesquelles des imams intégristes et bilieux nous mettent en garde, avant et après que nous soyons en âge de ne plus les écouter. Mais sur ce sujet qui nous tient particulièrement à cœur, nous avons quand même attendu et espéré le feu vert des théologiens du Levant nous autorisant à célébrer l'amour. Au moment où l'espoir s'amenuisait, tel celui de Job, après une énième tentative d'épouillage avortée, le verbe aimer s'est inscrit, sans laser, dans le ciel d'Arabie Saoudite. Des images surprenantes, ahurissantes, ont envahi les réseaux sociaux, celles des sentinelles de la morale islamique distribuant des roses rouges aux passants, dans les rues de Riyad. Pendant quelques heures, le charme a agi, et des milliers d'internautes, en peine d'amour et en veine de crédulité, ont salué l'allégeance d'un système misanthrope à la Saint-Valentin. Comme le bonheur ne résiste pas aux faits et aux rigueurs du temps, des esprits plus lucides ont tôt fait de dévoiler la supercherie : il y avait eu distributions de roses, mais lors de l'Aïd al-tr. Toutefois, un miracle a quand même eu lieu, en rapport avec ce «fake news», puisque l'institution incriminée, chargée d'ordonner le bien et d'interdire le mal, n'a pas réagi, ni avant ni après le jour dit.
En renonçant à ses habituelles mises en garde contre certaines célébrations, contrevenant au rigorisme wahhabite, l'institution a délivré un message conforté par l'adage selon lequel qui ne dit mot consent. Ceci a été confirmé de visu, puisque la chaîne satellitaire saoudienne Al-Arabiya a publié sur son site des photos de nombreux magasins saoudiens décorés pour la Saint-Valentin. Un marchand de fleurs de Riyad a ainsi affirmé avoir vendu plus de 2 000 roses rouges, pour la seule journée du 14 février, sans encourir de rappels à l'ordre ou de sanctions.
La chaîne saoudienne a estimé que le fait que la Saint-Valentin est de plus en plus célébrée dans les pays arabes est la preuve de l'intégration des sociétés arabes dans la civilisation humaine moderne. Ce qui est la promesse d'un avenir où il y aura plus de paix et de sécurité, car il n'y a pas d'autre moyen de combattre le mal et la haine que l'amour et la tolérance (!!)
Le même jour, l'ancien chef des vigiles religieux, Ben Kacem Al-Ghamidi, a justifié à sa manière la célébration de la journée internationale de l'amour en la qualifiant de tradition sociale. «Il n'y a aucun empêchement à présenter des vœux à ceux qui célèbrent des fêtes qui n'ont pas de caractère religieux comme la fête de l'amour et autres et à accepter des cadeaux comme les roses rouges. Tout comme nous pouvons agréer les vœux d'autres croyants pour nos fêtes religieuses, pour autant que ces vœux ne soient pas en contradiction avec l'Islam.» C'est un peu tiré par les cheveux, mais l'essentiel est que le message soit passé et qu'il ait été reçu comme une invitation à la fête, comme celle qu'avait lancée auparavant un autre cheikh saoudien, en termes moins sibyllins. C'est sans doute en prévision de cette date que le cheikh Abdelaziz Al-Moussi, l'une des éminences de la «Mosquée sacrée» de La Mecque, a posté ce message sur son compte Twitter : «Le fait de choisir un jour de l'année pour exprimer ses sentiments à ceux qu'on aime, ou pour échanger des cadeaux est un acte licite, puisqu'en toutes choses, la règle est d'autoriser et de permettre, et non d'interdire et d'empêcher.» Le message qui a aussi valeur de fatwa, compte tenu de la position de son auteur, contient également, comme on peu le noter, une autorisation de fêter Noël. Tout semble donc aller pour le mieux dans le royaume du Serviteur des deux Lieux-Saints, où quelques promesses de libéralisation semblent être tenues. Toutefois, le journal électronique saoudien Arabi21 tempère quelque peu les effets positifs, voire l'enthousiasme, produits par certaines réformes à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
Le magazine relève, certes, que le prince Mohamed Ben Salmane a levé déjà cinq interdits («mouharamate»), dont le plus important était celui concernant l'autorisation de conduire pour les femmes. Dans la foulée, on leur a permis ensuite d'aller au stade, de faire du sport à l'école, de voter pour les élections locales, puis il y a eu la célébration de la fête nationale, prohibée jusque-là. Il est aussi question de l'ouverture de salles de cinéma, pour laquelle des sociétés saoudiennes, arabes et internationales auraient déjà postulé, alors que le cinéma était «haram» jusqu'ici. Arabi21 énumère, ensuite, les interdits qui sont toujours en vigueur, et qui font partie des revendications d'une partie de la société saoudienne qui aspire à plus de liberté. Et dans cet ordre : fermeture des commerces à l'heure des prières (que nous pratiquons le vendredi), l'imposition d'une tutelle des femmes, l'obligation de porter le vêtement ample et le voile, voire de se couvrir le visage, l'interdiction de l'enseignement et de l'apprentissage de la musique. Sur ce dernier chapitre, le journal note qu'en dépit de la prohibition, les grandes villes du pays, comme Djeddah et Riyad, ont organisé récemment des concerts avec de grands chanteurs. Pour l'instant, tout se passe comme si le royaume pratiquait des ouvertures conséquentes, mais sans toucher aux règles essentielles du wahhabisme, sur lequel est fondée la monarchie. Ibn-Albaz a sans doute cédé une journée à Saint-Valentin, mais il n'est pas dit qu'il va laisser les autres jours de l'année lui passer comme ça sous le nez.
A. H.
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