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Rubrique Kiosque arabe

Le jeu trouble des invocateurs

Une fois que la vague meurtrière sera passée, le coronavirus pourrait-il déboucher sur des changements salutaires, aussi bien en Algérie que dans les autres pays, frappés par la pandémie ? Nombre de confrères, ici et ailleurs, ont répondu par l'affirmative, prédisant, outre une révision déchirante des grands choix capitalistes, un net recul des certitudes religieuses face à la science. Certains chroniqueurs, dont le plus célèbre, et le plus décrié du moment, ont même vu des islamistes dépités, et les prémisses de laïcisation de nos sociétés avec la fermeture des mosquées. Cette mesure nécessaire  et ses répercussions sur la vie sociale ont pourtant occulté la seule défaite des islamistes, et sur le terrain, si j'ose dire, puisqu'il s'agit de l'enterrement des victimes. Jusqu'à l'irruption du coronavirus, dans leurs rituels d'inhumation, les islamistes avaient imposé la dislocation des cercueils pour en sortir les dépouilles mortelles et les inhumer en pleine terre. Ce n'était pas très orthodoxe du point de vue des règles sanitaires mondiales qui interdisent de briser les scellés des cercueils, mais c'est l'orthodoxie religieuse qui prévaut dans des cas pareils. Pour couper court à toute polémique, et conformément à une tradition bien établie, les autorités ont sollicité une fetwa pour imposer des règles de sécurité strictes autour des inhumations. Quitte à revenir aux exercices importés, une fois le danger écarté.
Une défaite à relativiser, à moins qu'en s'appuyant sur les mesures justifiées par le coronavirus, le gouvernement n'impose à l'avenir un respect  et un contrôle plus stricts des règles sanitaires. Un survol des programmes des chaînes publiques et privées  a cependant suffi à nuancer le tableau, puisque les islamistes ont bien repris la main, et en particulier sur les causes du malheur. Comme pour polluer l'optimisme ambiant et répondre aux commentaires défavorables, on a ressorti les habituels ingrédients, tels que la divine colère contre les épicuriens et autres pécheurs. Selon certains exégètes, et experts savantissimes qui hantent les plateaux de télévision et les studios des radios, les prières et les supplications pourraient venir à bout du fléau de Dieu. Seulement, la supplication n'est pas l'apanage du premier venu, et toute surenchère pour susciter l'écoute et la clémence de la divine providence peut provoquer la colère du gouvernement. 
C'est ce qui est arrivé en Égypte, rapporte le quotidien Al-Quds de Londres, dont il faut rappeler sans doute qu'il n'a pas beaucoup d'estime envers ce pays, depuis la crise avec le Qatar. Selon le journal, le président Sissi a donc lu un discours télévisé avec un long préambule sous forme d'imploration adressée à Dieu, comme l'aurait fait l'imam d'une mosquée dans son prêche. Seulement, il n'a pas autorisé les Égyptiens à supplier Dieu, eux aussi.
C'est ainsi que la police égyptienne a procédé à de nombreuses arrestations parmi les citoyens égyptiens qui s'étaient rassemblés pour implorer Dieu, comme Sissi l'avait fait avant eux. Auparavant, le président Abdelfattah Sissi avait fait expulser la correspondante locale du Guardian, le quotidien britannique, parce qu'elle avait osé contester les chiffres officiels sur le coronavirus. Tout cela, note le quotidien de Londres, parce que le Raïs égyptien ne voulait pas faire peur aux touristes étrangers, dont la santé lui est indifférente, en disant la vérité sur le coronavirus. Al-Quds n'épargne pas non plus la Syrie et s'indigne que le ministre de la Santé syrien ait trouvé matière à plaisanter en parlant du danger éventuel du coronavirus, en plus d'Erdogan. En réponse à la question de la journaliste attitrée d'une chaîne locale, et arborant un grand sourire, ledit ministre a affirmé que «l'armée arabe syrienne a assaini tout le pays de ses microbes». Outre l'Égypte et la Syrie, auxquels le Qatar ne voue pas une amitié profonde, il y a l'Arabie Saoudite, alliée avec Le Caire et les Emirats dans la coalition contre le Qatar. La justice saoudienne aurait ainsi menacé de poursuites les auteurs de vidéos montrant des infractions à l'interdiction de circuler imposée dans certaines villes du royaume. C'est l'application de la fameuse injonction : circulez, il n'y a rien à voir !
Bien évidemment, le journal qatari de Londres ne cite pas l'Iran, l'allié de l'émirat, et qui s'est distingué par la contribution décisive des autorités religieuses  à la propagation du virus. Mais notre ami Fakher Soltane, qui unit dans la même ligne de mire les intégristes sunnites et chiites, se charge de nous éclairer sur le pays des mollahs, avec un certain humour. L'écrivain koweïtien cite le cas de ce religieux chiite au double discours : lors de l'apparition du virus en Chine, il a fait circuler une vidéo dans laquelle il disait que c'était un châtiment divin. Lorsqu'il a été atteint par le coronavirus, il a lancé une autre vidéo dans laquelle il implorait Dieu de le guérir, mais sans évoquer les péchés des êtres humains ni le châtiment divin. Fakher Soltane nous parle également de la fermeture du sanctuaire de «Fatima l'infaillible». Il s'agit de Fatima, la fille du Prophète, et l'épouse de l'Imam Ali, vénérée chez les chiites, et dont le sanctuaire recevait des millions de pèlerins. Une vidéo montre un ouvrier en train de souder à l'arc l'entrée du sanctuaire, afin d'en empêcher l'accès, pendant que, de l'autre côté, un fanatique lui lance des malédictions. Incontestable victoire de la science sur la ferveur religieuse qui peut seulement favoriser la propagation du virus.
A. H.

 

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