Scélérats

En catimini, à pas feutrés, à bas bruit, ça continue. Pendant que la vie déroule ses aléas et parfois ses bons moments, donne des peines et des joies, pendant que l’économie se strangule, la politique se résume à deux mains, l’une tendue et l’autre serrant le bâton, pendant que l’espoir s’amenuise comme un morceau de bois passé par la dégauchisseuse, pendant qu’on condamne des journalistes pour des articles, pendant que le cirque se poursuit avec des numéros de clowns de plus en plus fades, pendant que le pays est devenu comme un immense être sur lequel est posé une immense muselière, pendant qu’augmente le prix des légumes, des fruits, des médocs, de l’électricité, des billets d’avion et de bus, du poulet, de la viande, de l’eau, de l’électricité, du mariage, des labours et semailles si tant est que ça existe encore, de location immobilière, de vélos, voitures, chapeaux mous, clés USB, radars anti-vitesse, drones à usage civil, matières premières, transports, denrées alimentaires, gages, pendant que la parole politique se fourvoie dans la démago de première, que l’univers se rétrécit aux dimensions d’un mensonge fondateur, pendant que la journée compte encore, paraît-il, vingt-quatre heures dépensées dans le vide, pendant qu’on chante, on danse, on commémore, on regarde la montagne bleuir de dignité retenue, pendant qu’on s’indigne que des mecs et des nanas soient en taule par ce qu’ils ont une opinion sur ce destin qui nous unit si mal, pendant que le foot attise les passions, les hôpitaux se sentent dans la camisole du laisser-aller, pendant que tout le binz se poursuit tout seul comme un grand, avec beaucoup d’amertume dans le palais, eh bien, pendant tout ce temps, il y a de plus en plus de nos enfants qui sont mangés par la mer car leur terre est scellée par les scélérats.
A. T.