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Rubrique Le Soirmagazine

Entretien «Face à l’utilisation abusive des écrans bleus, la sonnette d’alarme est tirée»

M. Lounes LALLEM, Docteur en psychologie clinique, Enseignant, chercheur à l’Université Mouloud-Mammeri de Tizi-ouzou, au soirmagazine : «Face à l’utilisation abusive des écrans bleus, la sonnette d’alarme est tirée»

L’utilisation abusive des écrans de toutes sortes demeure, sans conteste, un danger pour les enfants.
Une lapalissade ! Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, Lallem Lounès, psychologue clinicien à Bouira, chercheur à l’université Mouloud-Mammeri de Tizi-ouzou, décortique les maux 
qu’ils engendrent. Il détermine surtout le rôle des parents, premiers responsables.

Soirmagazine : Qu'est-ce que les écrans bleus et quels sont les dangers sur la santé des personnes ?
Lallem Lounes
: Un écran est avant tout une lumière LED émise et non diffusée, puis réfléchie comme le bleu du ciel. Lorsqu'on regarde une ampoule LED, donc un écran (car la majorité sont des écrans LED, OLED et autres technologies y sont équipés), finalement on regarde une source de lumière ; en somme, une émission directe et non plus une réflexion, du moment que le photon bleu est en «pleine puissance» d'autant plus qu'il est proche des yeux et que le rapport luminosité écran/environnement est grand (c’est-à-dire écran lumineux et environnement sombre). Les LED émettent un spectre discontinu de lumière contrairement au soleil qui émet un spectre continu. Un écran fait l'objet d'une forte composante de lumière bleue avec animations imago-sonores. D'ailleurs, la qualité d'une bonne LED est déterminée, entre autres, par ce pic plus ou moins élevé de lumière bleue ; plus il est important, plus il est nocif et plus la lumière est dite froide, donc très blanche.  Actuellement, on sait combien sont importantes les premières années du petit de l'homme, on sait également qu'un enfant sans anomalies mais surexposé plus de 4 heures par jour risque de développer tout un lot de troubles du développement et du comportement dus à plusieurs privations. De plus, par le «simple» fait que les écrans en grande majorité soient des LED, nomades, sans contrôle de la lumière bleue, cela va potentiellement générer encore plus de troubles en tous genres, puisque les systèmes sensoriels, surtout visuels et auditifs, sont différents chez l'homme et la femme. Pour simplifier, on active les «instincts» de prédation, de sidération, de fuite ou de reproduction avec des «trucs» qui bougent vite, font beaucoup de bruit et émettent beaucoup de lumière bleue (émettent et non réfléchissent comme la lumière du ciel bleu qui elle-même réfléchit celle du soleil !). Ce qui signifie qu'à l'état naturel la lumière bleue nous provient principalement d'une réflexion et non d'une émission de lumière et donc, dans le cas des écrans, est beaucoup plus stimulante.
On assiste ces dernières années à l’utilisation de plus en plus précoce  des écrans bleus par les enfants. Pensez-vous qu’il y ait un âge pour avoir droit à manipuler micro, tablette ou téléphone ?
De nos jours, du moins vu mon experience, plus de deux heures d'écran par jour est fort nuisible aux capacités intellectuelles des enfants.
je dirais plutôt que les messages subtiles difficilement détectables contribuent à  la formation du psychisme de l’enfant et mène à sa perversion à l’âge adulte. Aussi, dans la façon même dont sont montés l'ensemble des dessins animés avec leurs images rapides, éclatantes et désordonnées, accompagnées de sons stridents et violents, réside une source d’influence négative sur la psychologie de l’enfant qui, en plus d’en être automatiquement et fortement captivé, cultive une addiction à ces programmes au profit de leurs concepteurs. Outre les enfants, les adultes ne sont pas moins atteints par les méfaits de la surconsommation des écrans qui interpellent l’attention sur plusieurs informations anarchiques et disparates, déstabilisant ainsi leur organisme sous l'emprise des images stroboscopiques flashantes, aberrantes sur le système visuel des bébés par exemple, et des enfants sur le court, moyen et long termes, dans les programmes jeunesse comme ceux des chaînes arabophones de Toyor El Janah ou Karameesh.

Comment les parents doivent-ils gérer le temps  consacré aux écrans ?
Dans un premier temps, il est urgent de mettre en place une stratégie dite «4 pas» :
- pas d'écrans le matin au réveil
- pas d’écrans pendant/lors  des repas.
- pas d'écrans dans la chambre des enfants.
- pas d'écrans avant de dormir. 
 
Souvent, les parents utilisent ces outils comme un moyen de distraire l’enfant et par là même, cela leur permet de «souffler» et «d’avoir la paix». Dans ces cas-là, quel est le message que vous transmettez aux parents ?
En effet, par méconnaissance et sous l'emprise des écrans, les parents sont sûrs que leur enfant ne bougera pas une fois mis en face d'un écran et/ou après avoir mis à sa disposition un écran. Pour appuyer mon propos, je citerai :  «La télévision est dangereuse pour les hommes. L'alcoolisme, le bavardage et la politique en font déjà des abrutis. Était-il nécessaire d'ajouter encore quelque chose ? Le mal est fait... Personne ne pourra empêcher maintenant la marche en avant de cette infernale machine. Adieu travail ! Demain, on pensera sans effort, puis on ne pensera plus et on crèvera enfin de la plus triste vie.» (Louis-Ferdinand Céline, Cahiers 1957-1961). Certains esprits chagrins jugeront peut-être que les illustrations précédentes restent trop vaporeuses pour être convaincantes. Qu'ils se rassurent. Il en va de la télévision comme des icebergs : le fragment émergé est rarement le plus funeste et le plus décisif. En ce domaine aussi, «l'essentiel est invisible pour les yeux».  Le problème malheureusement, c'est que cet invisible se révèle, dans les faits, bien difficile à explorer, et ce, en raison d'une double limitation développementale et chronosensorielle. 
 
Doit-on recommander carrément  le «no» écrans comme pour une cure de désintoxication, puisque quelque part nous sommes en face de véritables addicts aux écrans ?
Non, du tout, sinon on ira instaurer comme ça une technophobie face à l'imposture neurotoxique des écrans. Ceci dit, je pense que les «4 pas» seraient d'une grande utilité pour tout le monde.

En tant que spécialiste, avez-vous connu des parents qui consultent parce qu’ils ont constaté des anomalies dans le comportement de leurs enfants par rapport à leur dépendance aux lumières bleues ?
Effectivement, je fus interpellé par le comportement bruyant des enfants consulté à mon niveau, une fluctuation de l'humeur est au premier plan, marquée par l'incapacité à surmonter les frustrations face aux personnes et à tout ce qui est non familier. Des enfants dans leurs bulles qui ne réagissent pas à mon appel par leurs prénoms. Tout contact physique les rendait indisponibles lors de mes rencontres avec eux,    leur  regard à la base est  évasif et morcelé, installation d'un important retard de langage, le jeu symbolique et le pointage protodéclaratif font défaut, inutilisation du pronom je, une alimentation sélective reste au service nutritif de ces enfants, une  instabilité motrice qui induit par la suite des complications lors du passage du sensorimoteur au niveau symbolique structuré par un langage incongru comme secteurs de développement permettant ainsi l’accès à l'intersubjectivité. Le mouvement/toucher, exploration du milieu extérieur ne font pas l'objet d’intérêts et de priorités des enfants rencontrés. J’ai constaté aussi des  troubles du sommeil la nuit, des stéréotypies comportementales (papillonnement des mains) et écholalies,  rigidité affective accompagnée par l'impossibilité d'échange affectif  hétéro/auto agressivité chez l'enfant. Ceci dit, après ce repérage clinique,   chez l'ensemble de ces enfants, à l’arrêt/élimination des écrans, tous ces symptômes deviennent réversibles. Un changement spectaculaire est rapidement observé, ce qui m'a permis d'accompagner les parents afin d'assurer une modification de l’environnement, permettant l’accès à une synchronie psychosensorielle à nouveau, même si, à ce titre,  ces enfants font l'objet de diagnostic TSA lors de  la consultation en pédopsychiatrie à Bouira ;  ce qui m’amène à repenser la place des enfants surexposés aux écrans dans ma pratique clinique, du moins ceux qui font l'objet de surexposition aux écrans.

On parle souvent des enfants mais qu’en est-il des parents ?
A ce titre, j'affirme que les écrans, outre l’isolement qu’ils créent progressivement autour des parents, présentent un danger pour la santé de par la luminosité émise et une fragilité des liens interpersonnels au sein de la famille. Cette luminosité sur-interpelle le cortex visuel de façon que les glandes hormonales cérébrales secrètent de la mélatonine tout au long de l’exposition, et ce, de jour comme de nuit, alors que cette hormone n’est secrétée normalement que durant l’exposition à la lumière du jour, ce qui implique une irritabilité, des céphalées et un désintérêt..

Les parents ne savent plus comment stopper  cette accoutumance de leurs enfants. Ils se sentent impuissants. Comment expliquez-vous ces sentiments ?
Ce qui fait lien social aujourd'hui fait défaut chez les parents à cause de la surnumérisation et de la virtualisation de l'environnement, car tout se fait sans effort et dans la facilité, tout en ayant un fort sentiment, voire une conviction que les écrans de nos jours font la communication et sont utilisés comme instrument pédagogique dans les apprentissages du petit de l’homme.

Les parents ne se parlent plus. Les écrans ont remplacé le dialogue, les discussions au sein de la famille. Comment on en est arrivé à cette situation et comment changer la donne ?
De la parole au langage, rien se fait aujourd’hui, hélas, pour faire face à un quotidien de plus en plus froid et impersonnel, ce qui a engendré l'effraction des liens. D’ailleurs, changer la donne commencerait par la mise en place des «4 pas» comme action prioritaire, afin d’instaurer l'écoute et l'interaction verbale avec attention focale.

On a comme l’impression que les enfants n’ont aucun autre moyen de s’occuper. Ils paniquent, ils sont perdus sans leurs écrans. C’est le constat que tout le monde fait. Mais leur  a-t-on proposé des alternatives ?
 Il est vrai qu'aujourd'hui les écrans canalisent l’attention des enfants, prennent de plus en plus d’importance dans leur cerveau  et finissent par les détourner de la vie réelle, y compris de l’affection parentale : ce qui peut avoir des conséquences désastreuses sur le développement psychologique et sur le comportement et son accomplissement à l’âge adulte. il est évident que le besoin relationnel prime sur le besoin biologique au point qu’il est tout à fait possible à un enfant, en proie à la malnutrition, mais recevant suffisamment d’affection, de devenir un «adulte responsable, équilibré et fort de proposition», une évidence confirmée par René Spitz (1969) : «l'amour et l'affection d'une maman sont aussi vitaux pour le développement général de l’enfant que les vitamines et les protéines pour son développement physique.» Des alternatives sont nécessaires afin de substituer les écrans, à commencer par le retour à la  reconstruction des liens à l'autre, en particulier accompagner le déroulement du mouvement action exploration de l'enfant au lieu de le mettre sous l'emprise d'un écran, à savoir les sorties en famille et les pratiques sportives en groupe.

 

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