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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie L’excès de zèle d’Arezki

«On n’est jamais à l’abri de fausses factures ; Chaâbane m’a demandé un prêt afin qu’il puisse réparer son tas de ferraille qui lui sert de véhicule. J’ai refusé de le lui accorder, il peut donc être tenté de s’acoquiner avec l’un de nos fournisseurs. Ce n’est pas la peine que je t’explique tout dans les détails, il te suffira de vérifier si les marchandises reçues sont conformes aux factures», lui demande Mokrane.   
L’excès de zèle poussa Arezki à tout contrôler, du nombre de pelles à celui des pioches,  sacs de ciment, briques et même des stylos, gommes et autres petits matériels de bureau. Rien n’échappe à la vigilance de celui qui voulait s’attirer la sympathie du boss et, peut-être par la même occasion, bénéficier d’une petite augmentation de salaire. Mais à son grand désappointement, on ne pouvait rien reprocher au magasinier, jusqu’au jour où, enfin, il eut l’immense joie de constater une anomalie. La facture qu’il avait sous les yeux mentionnait bien quarante tenues de travail, mais il a beau compter et recompter, il n’y avait là que trente-neuf. Il en manquait une ! Croyant avoir découvert l’arnaque du siècle, il s’est mis à insulter le vieux Chaâbane, un honnête travailleur, au seuil de la retraite.
- Tu n’as pas honte de voler à ton âge, vieille fripouille !
 Choqué par cette attaque à laquelle il ne s’attendait pas, Chaâbane a failli lui fendre le crâne en deux avec l’arrache-clou qu’il avait dans les mains. Arezki prit peur et détala aussi vite qu’il put, pour revenir dix minutes plus tard accompagné de  son patron. Ce dernier demanda à son employé de s’expliquer.
  - Ces tenues viennent juste d’être livrées par paquets de dix, le chauffeur qui les a apportées était pressé. Je lui ai signé le  bon de réception en toute confiance. Je suis sûr que c’est lui qui a subtilisé la tenue manquante. Je reconnais avoir commis une erreur, mais je n’admets pas que le blanc-bec qui se cache derrière votre dos me manque de respect.
 Le responsable des lieux profita de cette occasion en or pour licencier le pauvre magasinier.
- La tenue de travail volée sera défalquée de ton solde de tout compte.
N’acceptant pas cet abus d’autorité et voulant à tout prix prouver son innocence, Chaâbane se rendit directement chez le fournisseur des tenues de travail, où il fut reçu par le directeur de l’unité de confection à qui il exposa la raison de sa visite.
- Notre chauffeur-livreur n’est pas encore rentré de sa tournée, patientez dans la salle d’attente, ma secrétaire va vous servir un café. Dès qu’il sera là, je vous appellerai pour une confrontation. Sachez d’ores et déjà que je vous crois sur parole.
 Une heure plus tard, l’employé indélicat est introduit dans le bureau du premier responsable, un agent de sécurité est chargé de fouiller le véhicule du chauffeur. Quelques minutes plus tard il revient, avec, sur les bras,  trois tenues de travail qu'il a trouvées cachées sous le siège du conducteur. Devant cette preuve flagrante et n’ayant pas le choix, l’accusé passa aux aveux.
- D’après ce que je constate, tu as fait le coup de l’homme pressé à trois de nos clients, tu seras appelé à rendre compte de ces vols devant la commission de discipline. Maintenant, sort de mon bureau, je t’ai assez vu ! Puis, se tournant vers Chaâbane :
- Ne vous inquiétez pas, j’irai voir Mokrane pour m’excuser auprès de lui et, ainsi, vous disculper une bonne fois pour toutes.
Rassuré, le sexagénaire crut que son problème allait être réglé, mais malgré l’intervention du fournisseur qui a plaidé sa cause et même fait un geste commercial en offrant gratuitement toutes les tenues de travail livrées, en plus de celle qui manquait.
Malgré le témoignage du directeur de l’usine de confection en sa faveur, Mokrane refusa de réintégrer à son poste  l’honnête magasinier. Chaâbane fut obligé de porter plainte auprès de l’inspection du Travail. Zahir, l’inspecteur, est chargé de régler le litige. Pour ne pas avoir à payer des indemnités de licenciement, le chef de la petite entreprise fit venir dans son bureau le servile comptable.
- Lorsque le représentant de l’inspection te posera des questions, tu diras que Chaâbane avait la ferme intention de te défoncer le crâne avec un arrache-clou, tu nieras l’avoir offensé, bien sûr.
Zahir voulut d’abord connaître les raisons qui ont poussé le directeur à prendre une décision aussi radicale. Il a même essayé de raisonner Mokrane.
- Votre employé est à quelques mois du départ à la retraite, ne pouvez-vous pas passer l’éponge ? Nous commettons tous des erreurs à un moment ou un autre. Cela ne servit à rien, l’irascible patron campa sur ses positions et ajouta pour se justifier :
- Chaâbane est colérique, il s’emporte pour un rien, ce qui le rend très dangereux ; je ne veux pas qu’il blesse ou tue un de ses collègues. Mon comptable a failli être une de ses premières victimes.
Quand vint le tour d’Arezki d’être entendu, obéissant à son seigneur et maître, il répéta mot pour mot ce que lui a ordonné de dire Mokrane.
Ne se doutant pas qu’en racontant la stricte vérité pouvait lui nuire, le magasinier admit avoir perdu son self-control un court instant, mais uniquement après avoir été injurié par Arezki ; Zahir ne put cacher à Chaâbane qu’il était très pessimiste quant à une suite favorable à sa réintégration.
- Je suis désolé, je ne peux remettre un rapport en votre faveur, vous n’avez pas à faire justice vous-même, vous auriez dû avertir votre chef hiérarchique au lieu de brandir une barre de fer au-dessus de la tête de celui qui était chargé de vous contrôler. D’après lui, il a eu la vie sauve  uniquement grâce à la rapidité de ses jambes.
Chaâbane, n’ayant pas pu avoir gain de cause, rentra chez lui complètement anéanti. Que va-t-il devenir à son âge, lui qui n’a jamais dérobé ne serait-ce qu’une feuille de papier, le voilà chassé pour un vol qu’il n’a pas commis? Des larmes inondèrent ses yeux. La dernière fois que cela lui était arrivé, c’était après une bonne correction que lui avait infligée son père à cause de ses mauvaises notes à l’école, Il avait à peine onze ans... 
Ce qu’il ne savait pas, c’est que les autres travailleurs qui triment pour le rapiat de Mokrane furent scandalisés par cette injustice. Ils connaissaient tous la probité  de l’homme âgé. Ils décidèrent d’un commun accord de déclencher une grève générale. Ils ne reprendront leur travail  que quand Chaâbane sera de nouveau parmi eux.
En arrivant le lendemain matin à huit heures au bureau, Mokrane fut étonné par le silence qui régnait au sein de son entreprise. Personne ne chargeait ni ne déchargeait les camions  stationnés un peu partout. Il appela son contremaître pour s’enquérir de ce subit arrêt de travail.
- Ils sont en grève.
- Que veulent-ils ? interrogea le patron devenu livide.
- Le retour de Chaâbane.
- Il n’est pas question qu’il remette les pieds ici, c’est hors de question. Il y a combien de grévistes ?
- Tous, sauf Arezki, répondit son subalterne.
 Le bras de fer dura plus de quinze jours. Les clients, ainsi que les fournisseurs, se faisaient de plus en plus rares. Le manque à gagner durant cette période se chiffra à plusieurs millions de centimes. 
Devant cette situation désastreuse, Mokrane finit par capituler. Avant de reprendre le travail, les travailleurs exigèrent le payement des jours de grève pour eux et Chaâbane. Une condition qui fut aussi  acceptée, sans discussion aucune. Le comptable, devenu la cible de moqueries et de dénigrement  au  quotidien, finit par déposer sa lettre de démission. Mokrane s’empressa de la signer sans tenter de le retenir. Lui aussi avait hâte de le voir partir. Il le tenait pour responsable de toutes les tuiles qui lui sont tombées sur la tête.
 «Il porte la poisse», a-t-il fini par avouer à son contremaître. Chaâbane put ainsi garder son poste jusqu’au jour de son départ à la retraite. Ses collègues se cotisèrent pour lui offrir une télé à écran géant et même le patron y participa.

 

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