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Rubrique Les choses de la vie

Je suis Tunisien !

Chaque vendredi, Chiheb est ses amis prennent la route de Tabarka. Ils se permettent même le luxe de faire la grasse matinée avant de quitter l’ex-Coquette car, en dehors des vacances, la route et les postes frontaliers ne sont pas encombrés. Pourquoi se presser alors que la ville tunisienne n’est qu’à une heure trente de route ? Chiheb et ses copains passeront une agréable journée dans la belle Tabarka bercée par la brise marine. Oui, je sais, Annaba aussi est au bord de la mer. Mais allez trouver un restaurant convenable et pas cher à midi. Les restaurants sont d’ailleurs fermés à l’heure de la prière. Comparez le prix des plats de poisson, la tenue des serveurs, l’hygiène… Et je ne parle pas de l’ambiance générale, de la musique, des couples qui s’enlacent sans que cela ameute les gendarmes, de la joie dans l’air. J’ai connu tout cela à Annaba dans ces années bonheur où la vie ne s’habillait pas encore de tristesse…
Chaque jeudi, Tahar et ses amis quittent Souk-Ahras pour une partie de plaisir et de franche rigolade à Sakiet-Sidi-Youcef. Il n’y a rien de particulier dans cette ville et un gars venu d’Europe s’y ennuierait à mourir. Mais, pour Tahar et ses copains, cette petite escapade est synonyme de vie. C’est la parenthèse joyeuse qui égaye une semaine de tristesse à Souk-Ahras, la ville qui n’a plus rien à offrir à ses enfants que l’abattement et l’oisiveté. Il n’y a rien. Il n’y a que la mort qui fait se retrouver les vivants autour d’un café et quelques dattes. Il y a quelques mariages, grosse bouffe et feu d’artifice bruyants et multicolores qui éclairent le grand vide… Du temps où Souk-Ahras pétillait de vie et d’espoir, les gars de Sakiet-Sidi-Youcef y venaient pour changer d’air parce que la ville avait encore des airs citadins… Mais, maintenant, ce sont les Soukahrassiens qui vont dans cette bourgade du bout du monde pour s’amuser. Ou jusqu’à El-Kef, ville normale…
Les week-ends sont d’une tristesse à vous donner envie de vous jeter du pont qui enjambe la voie ferrée qui ne sert plus à rien, sauf à transporter le minerai. Nous voyons des images sur des trains bleus espagnols qui viennent d’être déclassés par les nouvelles rames blanches d’Alstom. Le progrès va vite au Centre et à l’Ouest. Tiens, il y a même une ligne TGV entre Maghnia et Tlelat. J’ai vu des ouvrages d’art impressionnants et j’en étais fier parce que Tlemcen et Sidi-Bel-Abbès sont aussi mon pays. Mais pourquoi qu’ils ne diraient pas la même chose de Souk-Ahras, Tébessa et toute cette zone déshéritée où les mines de la ligne Morris tuent encore ? Pourquoi sommes-nous condamnés à n’avoir que ce vieux train des années soixante, mal chauffé, crasseux et qui ne sait plus arriver à l’heure depuis longtemps ? Sommes-nous des citoyens de seconde zone ? Je suggère à M. Zaâlane, ministre des Transports, et qui est justement de Souk-Ahras, de prendre son courage à deux mains et de monter dans ce fameux train ! Chiche ! Il est vrai qu’un autre ministre des Transports, nommé Tou, est venu à Annaba pour lancer un train moderne sur la ligne menant à Tébessa. C’était à partir de la gare d’Annaba, après avoir fait un tour au théâtre régional pour assister à un hommage à l’artiste Djamal Hamouda qui était mal au point mais qui a retrouvé toute sa santé depuis. Coucou l’ami Djamel…
Les gens étaient contents que le ministre ait pensé à honorer un artiste local. Mais ils étaient surtout heureux de voir qu’un nouveau train flambant neuf allait remplacer la rame brinquebalante qui traînait poussivement sur les pentes d’Aïn-Nefra. Mais ils découvrirent vite la supercherie ! C’était presque de la caméra cachée. Le sieur Tou allait de ville en ville «moderniser» le transport ferroviaire avec un seul train. Le lendemain, c’était le tour de Skikda et il n’y avait plus de train bleu sur la ligne Annaba-Tébessa ! Retour de la ferraille ambulante ! Ah ! J’ai oublié de préciser qu’on était à la veille du quatrième mandat !
Nourredine et ses amis s’ennuient à mourir à Bou-Hadjar. Chaque samedi, ils prennent la route de Ghardimaou, petite gare tunisienne nichée au cœur d’une montagne. Que vont-ils faire dans ce hameau du bout du monde ? Aussitôt arrivés, ils prennent place dans le bistrot local qui se remplit en fin d’après-midi, juste après l’arrivée d’un orchestre qui va enflammer la salle. L’endroit est propre et les serveurs portent des vestes blanches immaculées et personne ne les a sermonnés quand le rythme endiablé de la zorna tunisienne les a poussés vers la piste de danse… Ces trois Algériens viennent chercher la joie car elle a déserté toute cette bande frontalière qui a tant donné au pays. Ils veulent échapper à la mort lente qui tenaille nos villages et villes. Il n’y a plus de musique, plus de théâtre, plus de cinéma, plus de manège, plus de rassemblements festifs… Rien… La sortie familiale hebdomadaire, pour les heureux propriétaires de voitures, se limite à la visite des restaurants de grillade «chwa» !
Saïd est solitaire. Il ne prend pas ses amis avec lui quand il quitte l’angoissante Tébessa pour aller vers la Tunisie voisine. Saïd est un Algérien qui aime prendre quelques verres de vin. Il a peur d’être puni pour cela car l’autorité voit d’un mauvais œil les buveurs de vin ! Sinon comment expliquer que l’autorité de Tébessa, Souk-Ahras, Oum-el-Bouaghi, et pratiquement une grande partie de l’Est, décide de supprimer toute trace des commerces liés à cette activité. Saïd pense qu’il est totalement ridicule d’autoriser plusieurs usines à produire de la bière puis de créer un puissant système répressif pour empêcher les gens de boire cette production. Vous allez me répondre que cette production est bel et bien bue. Mais à quel prix ? Grâce au marché informel. Et d’ailleurs, les cargaisons tombent souvent aux mains des gendarmes qui traitent cette marchandise, réalisée légalement en Algérie, comme un produit illicite, comme le kif ! Et d’ailleurs, les barrages des services de sécurité peuvent même vous embêter pour quelques bières transportées – et, bien sûr, pas bues. L’alcool au volant est un crime !
Saïd, à peine sorti des deux postes frontaliers, tombe sur un hôtel-bar-restaurant accueillant, comme il en existait tant dans la belle Algérie d’avant. Il s’arrête, découvre que ce pays musulman fonctionne normalement. Comme le Maroc voisin… Qu’est-il arrivé à l’Algérie ? Où le fondamentalisme la mènera-t-elle ?
Je n’ai plus le temps de philosopher… J’ai attendu le théâtre, les manèges, les flonflons des fêtes populaires, les restos, le cinéma et la joie de vivre. Ils ne sont pas venus et ne viendront probablement plus. Ils se sont trompés de route et vont débarquer en Arabie Saoudite qui va lancer le tourisme, le vrai tourisme et pas le bricolage d’ici.
Je viens de refaire mon passeport que je n’ai plus renouvelé depuis belle lurette. Je n’ai plus beaucoup de temps. Je vais faire comme ces gars. Vive la Tunisie !
M. F.

N. B. : tous ces personnages et situations sont véridiques. Seuls les noms ont été changés.
P. S. : tant que nous le disions, en long et en large, presque chaque semaine depuis des années, c’étaient des paroles en l’air, de l’intox, des idées reçues et même une pensée dictée par je ne sais quelle officine. La vérité finit toujours par éclater. Il suffit seulement d’attendre ! Le prince héritier saoudien vient de déclarer officiellement que son pays a propagé le wahhabisme chez nous sur ordre des Occidentaux. Et il récidive en précisant qu’avant cette «opération», le royaume avait accompagné les Frères musulmans dans le but de s’opposer au communisme.
Voilà les intégristes en kamis et les islamistes en costume-cravate sur la même ligne : ils servent, malgré eux, des agendas étrangers ! Et ce n’est pas nous qui le disons !

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