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Rubrique Lettre de province

20 août 1956 : «La primauté du civil», comme testament de Abane

Un congrès qui s’était tenu dans le secret total d’un village kabyle où se réunirent une douzaine de militants de premier plan, c’était déjà toute une histoire. Mieux encore, l’évènement allait devenir l’histoire cardinale de la Révolution. Car, par le fait même qu’il suscita des débats violents au sein de la direction extérieure du FLN, il s’imposera comme le marqueur principal de la longue marche vers l’indépendance. Et ce n’était pas tout dès lors qu’il risquait, dans cette période charnière, de donner lieu à une seconde scission au sein du mouvement national après celle qui accoucha d’un messalisme armé dont l’activisme était rien moins que fratricide. Sauf que, face à ce nouveau différend, il fut décidé de « sacrifier » la tête pensante dans le but, disaient-ils, « de préserver la cohésion de la lutte armée ».
Ce fut, par conséquent, au nom des intérêts « suprêmes », expliquera-t-on plus tard, que Abane Ramdane sera assassiné par ses compagnons d’armes. Or, la disproportion de ce meurtre — injustifiable en soi — par rapport au contenu des résolutions prises à la Soummam, continue, à ce jour, d’impacter la nature des régimes successifs qui ont gouverné l’Algérie. Caractérisés dans leur totalité par le poids de l’armée dans les arbitrages au sommet de l’Etat, ils confirment, chaque fois, la mise en garde de la Soummam lorsqu’elle préconise la primauté du civil sur le militaire. A l’origine, cette exigence doctrinale ne visait guère la direction du FLN, installée à l’extérieur du pays, mais avait l’avantage d’anticiper sur les risques que pourrait encourir la future République si, par malheur, elle était livrée aux seuls diktats des forces armées. C’est ainsi que la primauté tant redoutée du militaire devint non seulement une réalité perceptible dans les moindres modalités de prises de décision ; mais, de surcroît, elle a fini par être admise, avec une incompréhensible résignation de la classe politique, comme le référentiel normatif de la bonne marche de l’Etat. D’ailleurs, la télévision officielle continue, à ce jour, à présenter la contribution de l’ANP comme le seul modèle de l’ordre et de la pertinence. Glissons… !
Certes, les différentes séquences de l’histoire récente ont fini par atténuer sa pesante visibilité, néanmoins, sa prépondérance dans les prises de décision demeure intacte comme l’attestent, actuellement, les directives ponctuelles de son chef d’état-major de l’armée.
C’est dire qu’elle garde une influence certaine, souvent présentée comme des conseils.
Il est vrai qu’en se prévalant d’un retrait de la vie politique par le seul fait qu’elle cautionna la colère populaire, elle redevenait, en bonne logique, actrice de plein exercice du prochain changement et, par conséquent, en droit d’édicter à son tour des solutions. Hélas, pour sa démarche, ses messages sont souvent reçus comme autant d’obstructions à la réalisation des revendications de la rue. Son obstination à aller vers une présidentielle ne pècherait-elle pas, plutôt, par une absence criante d’arguments sérieux, lesquels, une fois de plus, brouillent son image et altèrent la sincérité de son engagement aux côtés du « Hirak ». En somme, même si sa doctrine a formellement évolué, elle demeure, néanmoins, convaincue qu’elle ne peut se résigner à être aux ordres des institutions civiles au moment où les cartes politiques doivent être historiquement rebattues. A ce propos, même Bouteflika avait évoqué la spécificité militaire en Algérie lors d’un entretien avec des officiels américains en 2009 que Wikileaks avait rapporté. « L’armée algérienne a changé, leur avait-il dit, elle n’est plus ce qu’elle était avant 2004 ». Avant 2004, dites-vous ? C’était donc cet ex-Président qui plaça lui-même le curseur sur cette date démontrant, à son insu, qu’il ne devait sa promotion en 1999 qu’à celle-ci. Comme quoi d’un système foncièrement militariste, ayant eu pour maître d’œuvre Boumediène, l’Algérie n’est, à présent, parvenue qu’à une étrange hybridation des procédures de fonctionnement. Alors que le contexte national est marqué par six mois de contestations du système, comment l’appareil d’Etat peut-il, en effet, survivre sans rompre radicalement avec une primauté qui n’est plus que le reliquat d’un lointain passé ? « L’indépendance confisquée » au sujet de laquelle se désolait Ferhat Abbas situe parfaitement les origines de ce hold-up politique : celui qui allait permettre le maillage de la totalité de la gouvernance. Un terrible accouchement d’une souveraineté nationale qui se régla dans le fracas des armes.
Soixante-trois années après la Soummam, que reste-t-il de positif sinon l’amertume d’une société moralement désarmée mais dorénavant prête à renverser le système lui-même ? Elle qui avait été dépossédée de ses rares références patriotiques vient, en effet, de découvrir, horrifiée, l’émergence des lobbies de l’affairisme qui parvinrent à contrôler les institutions de l’Etat et faire main basse sur l’économie du pays. C’est, justement, dans une Algérie crépusculaire, entièrement livrée au pillage orchestré par les dirigeants autoproclamés, qu’il advint que d’inattendues colères essaimèrent un matin du 22 février dans toutes les rues des villes pour ne plus cesser de tarauder la nomenklatura qui gouverne. Vingt-six semaines plus tard, elle maintient la même résistance avec autant de « haine en stock », laquelle ne peut et ne doit déboucher que sur la disqualification des tuteurs, de tous les tuteurs, afin de récupérer le droit élémentaire de piloter son propre destin. Ceci ne sera possible que par l’instauration effective de la primauté des urnes sans le management que l’on sait.
Electeur majeur, l’Algérien est en droit, dorénavant, de traduire, dans la réalité de tous les votes futurs, l’utopie d’une République de la Soummam en hommage à celui qui cogita le fameux préambule tenant en une petite phrase (la primauté du civil sur le militaire). Une exigence de démocrate qu’il payera de sa vie. C’est-à-dire le crime politique par excellence qui, hélas, se répétera tant de fois par la suite.
B. H.
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