Avec tout le respect dû au métier de dentiste de foire, celui-ci
n’avait-il pas fourni à la langue populaire la métaphore la plus
compromettante ? «Jurer comme un arracheur de dents», signifie justement
qu’il y a du vulgaire mensonge dans les affirmations et bien plus,
parfois. C’est précisément de cela qu’il s’est agi après avoir appris
que des élus de la République viennent d’attester, «en leur âme et
conscience», disent-ils, que la fonction de président de l’APN est
désormais en vacance. Ce parjure est non seulement odieux en soi mais,
de plus, il se fonde sur une manipulation préalable des faits. En effet,
cette élite politique avait, elle-même, «matérialisé » les conditions de
sa mise en scène en agissant violemment en tant que miliciens
quarante-huit heures auparavant. C’était d’ailleurs aux mêmes hommes de
main que fut dévolue la basse besogne de bloquer les accès du Parlement
et d’empêcher brutalement le président de rejoindre son bureau. Voici
comment une véritable voyoucratie est parvenue à interpréter les termes
du droit en leur accolant ridiculement des synonymes approximatifs.
Ainsi, la notion de «vacance» fut aussitôt argumentée par l’absence
qu’ils viennent d’imposer à Bouhadja. C’est par conséquent à cela que
vient d’aboutir provisoirement la crise dont les véritables enjeux
demeurent obscurs. En attendant son imminent limogeage, Bouhadja espère
encore compter sur le Conseil d’Etat qui devrait, en définitive, statuer
sur le constat établi par la commission de l’APN. C’est que, ce déjà
vieil homme (80 ans), blanchi sous le harnais de tous les FLN du passé,
avait, en toute circonstance, refusé de rentrer paisiblement chez lui.
Son addiction à l’ivresse de la politique l’en empêchant, il allait,
effectivement, s’illustrer très souvent dans tous les coups tordus qui
ont ponctué l’existence de cet appareil. C’est dire que des complots
semblables à celui qui risque de l’abattre, il en avait connu plusieurs
mais en étant du bon côté de la barricade. Est-ce pour autant une raison
valable de vouloir l’exécuter politiquement à son tour en agitant de
sombres prétextes vite transformés en réquisitoires ? A ce sujet, il
faut nécessairement revenir aux origines du FLN et à la culture foncière
qui fut la sienne dès le lendemain de l’indépendance. Même si l’on sait
qu’il fut de toute époque un appareil aux ordres obtempérant sans
hésitation au régime en place, il n’existe, cependant, guère de souvenir
qui permettent d’établir un parallèle avec le cas d’un Bouhadja
également membre du comité central et au sujet duquel le secrétaire
général du FLN refuse de consulter cette instance suprême avant
d’actionner arbitrairement une telle expédition punitive. La démarche à
la hussarde d’un Ould-Abbès n’aurait-elle pas dû lui valoir un rappel à
l’ordre de la part des structures du parti ? Il est vrai que la
succession de Saâdani, notoirement qualifiée de parachutage de nuit d’un
courtisan du palais, allait rapidement rafraîchir la contestation au
sein du FLN, jusqu’à en faire du comité central une instance fantôme
privée, depuis deux années, de sessions plénières ! C’est ce qui
explique que l’opération anti-Bouhadja n’a, en aucune façon, affecté la
stabilité de sa direction en l’absence justement de réunion organique
pour interpeller le maître d’œuvre de la conspiration de l’APN. A propos
de cette singularité dans la praxis, des spécialistes de la sociologie
des familles politiques considèrent ce genre d’inclination putschiste du
FLN comme sa marque de fabrique. Le qualifiant de courant majeur mais
néanmoins réfractaire à la culture du compromis, il ne ressent, par
conséquent, le besoin de rebondir qu’à l’approche des rendez- vous
déterminants. Est-ce le cas du président de l’Assemblée à qui l’on a
«promis» le bûcher afin de mettre sous pression l’ensemble du système en
vue du 5e mandat ? Difficile d’être affirmatif dans l’immédiat, du
moins, il est utile de souligner au passage que cette genèse revient à
dire que le sang bleu du militantisme de conviction est bien plus rare
dans ses rangs que la tare de l’affairisme tout autant que la propension
à échafauder des exclusions. C’est ainsi qu’il est courant d’entendre
parler, même dans les modestes kasmas, de lignes rouges lorsque certains
sympathisants, encore naïfs, osent critiquer d’archaïques dogmes. Et que
dire de l’atroce qualification d’un parti devenu «secte» ? « Il est la
maison de l’obéissance», avait, en son temps, décrété Boualem Benhamouda
pour justifier le limogeage de Mehri. C’est que l’on oublie souvent que
dans cette «maison», le fait d’emprunter les sentiers de la réflexion
autonome risque toujours de coûter le statut infamant de déviant ! De
cela rien n’a encore changé même sous la férule du faux pédagogue Ould-
Abbès qui continue à agiter les chiffons rouges au point de se fournir
aisément en «militants-baltaguis» disposés à faire le coup de poing
jusque dans l’hémicycle sanctuarisé du Parlement. En somme, ce qui vient
d’advenir au troisième homme de l’Etat n’est que la conséquence d’une
vieille doctrine que l’on affine selon les contextes. Comme quoi, la
seule constance reconnaissable au FLN de 2018 est son putschisme.
B. H.
B. H.