En commanditant une expédition punitive à l’encontre du président de
l’APN, Ould-Abbès a-t-il perdu le peu de prudence politique qu’exige sa
fonction ? En tout état de cause, le fait même de fixer comme objectif
de déboulonner du perchoir Saïd Bouhadja avec l’évidente intention de le
remplacer par une personnalité de son choix, c’est-à-dire influençable,
souligne parfaitement la gravité de son dérapage. En attendant d’être
rappelé à l’ordre à la fois par le Conseil constitutionnel et par ses
tuteurs du palais, ce courtisan excessif fait peu cas de l’immunité du
Parlement au seul prétexte que le président de l’Assemblée nationale est
issu de son parti et qu’il doit par conséquent, obtempérer aux exigences
émanant de sa seule famille politique. Non seulement l’argument avancé
rappelle le vulgaire putschisme qui, d’ailleurs demeure la marque de
fabrique de la maison FLN, mais encore, il transgresse les fondements
mêmes du principe de la séparation des pouvoirs, ou du moins ce qu’il en
reste formellement. A ce sujet, ne suffit-il pas de rappeler la
permanente circonspection des pouvoirs exécutifs qui avaient rarement eu
recours à la violence du limogeage, hormis dans trois circonstances
détestables. Encore que les trois exécutions politiques émanaient
clairement des oukases présidentiels comme cela fut le cas de Ferhat
Abbas sous Benbella puis de Bachir Boumaâza et Karim Younès par l’actuel
chef de l’Etat. Alors que le casus belli à l’origine de cette poussée de
fièvre agitant le FLN se résume à un différend administratif interne au
Parlement, l’on se demande, justement, pour quelle raison et dans quel
but un chef de parti s’immisce dans la résolution du conflit quand les
arbitrages existent et s’appellent le «Conseil d’Etat» ? N’ayant aucune
prérogative pour intervenir, Ould-Abbès ne peut se prévaloir du poids de
la représentativité du FLN pour laisser entendre que le Parlement est
dans certains contextes, l’annexe de son parti ! C’est de la sorte,
qu’il avait versé souvent dans la caricature dans son fonctionnement
aussi bien que dans ses relations orageuses avec les autres courants
politiques. Depuis Belkhadem, notamment missionné pour exclure les
architectes du congrès de la rénovation de 2002 jusqu’à Ould-Abbès,
après avoir connu les affres de la vulgarité de Saâdani, il est demeuré
tel qu’en lui-même, comme au temps où il fut baptisé «Parti-Etat». Ne
s’étant jamais bonifié malgré l’épreuve du temps, il est, à présent, en
train de sombrer dans l’indécente allégeance et la falsification des
diagnostics du pays. D’où, l’indicible peur de voir justement un
Parlement devenir un jour le censeur légitime du pouvoir. En effet,
l’APN tout autant que le Sénat ont-ils suscité une seule fois des
cauchemars à un quelconque gouvernement ? Il n’existe pas de traces d’un
seul débat ayant provoqué la démission d’un premier ministre et ce ne
sera certainement pas le 10e président de l’APN, ce Bouhadja devenu la
bête noire d’Ould-Abbès, qui fera exception. C’est dire que le prétendu
régime des assemblées, même la plus significative par ses votes, est à
son tour verrouillé par le système. Bouteflika qui n’a finalement fait
que perpétuer la vieille culture du césarisme, ne diffère guère de Ben
Bella, lequel, décida d’éjecter du perchoir Ferhat Abbas en septembre
1963 en installant à sa place Hadj Ben Alla. Quant à Boumediène qui,
après avoir gouverné 12 années sans institutions élues, il se taillera
un Parlement sur mesure et désigna Rabah Bitat comme la caution
historique de son novembrisme. Ainsi, l’illusoire ouverture vers un
pluralisme parlementaire que le bref pouvoir de Zeroual prétendait
accompagner et conforter, allait dramatiquement capoter dès la première
urne bourrée jusqu’à la gueule. Le truquage des urnes de 1997 qui se
solda par un raz-de-marée au profit d’un «rassemblement» de pacotille
annonça le désenchantement irriguant à ce jour l’abstentionnisme
électoral. Depuis, les velléités d’émancipation se firent rares. Par
conformisme contagieux émergea alors un drôle de parlementarisme disposé
à servir de simple chambre d’enregistrement. S’accommodant du peu
glorieux statut d’appendice légiférant, ce Parlement à deux « béquilles
» (les chambres), devint naturellement la caisse des allégeances. Il est
donc clairement admis qu’il n’y a jamais eu de véritable Parlement,
hormis celui de la lointaine séquence de 1963, quand il fallut élire une
constituante qui accoucherait de la première loi fondamentale de l’Etat.
Depuis, la totalité de nos dirigeants s’arrangeaient pour compromettre
et tenir en laisse les chambres légiférant qu’ils réduisirent en
chambres d’enregistrement. Au-delà de cette tare historique, l’on ne
peut cependant passer sous silence les profils douteux de nombreux de
nos députés. Ceux qui furent élevés au respectable statut d’élus de la
nation mais que l’on découvre dans les rôles de nervis agressant
moralement le 3e personnage de l’Etat au sein même de l’hémicycle afin
de le pousser à la démission ! Or, cela n’aurait pas été possible sans
l’injonction d’un chef de parti sponsorisant une démarche attentatoire à
tous les codes de bonne conduite en politique. Déplorable !
B. H.
B. H.