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Rubrique Lettre de province

Ben Badis : politicien méconnu et subtil négociateur

Disserter sur le «pourquoi et comment» Boumediène avait décidé d’instaurer une journée du Savoir au moment où l’école algérienne se voit condamnée à un huis clos à la suite de l’envahissement par ce fameux virus est un thème sûrement incongru en la circonstance. Par contre, ne suffit-il pas de changer de perspective à propos de la date du 16 avril pour être en conformité avec les usages édictés par le journalisme ? Ceux qui justement vont nous permettre de nous concentrer exclusivement sur la personnalité du légendaire imam au risque d’être coupable de commettre un «marronnier». Dans ce domaine-là, en effet, l’exercice journalistique ne manque pas d’intérêt en ce sens que la réactualisation d’un sujet est souvent susceptible de mieux éclairer les arguments de la précédente copie. Voilà pourquoi ce sera justement l’occasion de revisiter la trajectoire du fondateur de l’Association des oulémas. Et pour cause, aussi loin que l’on remonte dans son passé, l’on constate que malgré son legs à l’histoire du nationalisme, la vulgate des imams n’a pas cru édifiant de le portraiturer autrement que dans un rôle de prieur afin de mettre en exergue son érudition religieuse. Souvent vibrants et rarement mesurés, les hommages qui lui sont rendus étaient d’ailleurs excessifs pour prétendre tenir compte avec exactitude de l’étendue de son influence.
En marge de ses leçons magistrales relevant de l’exégèse coranique, Ben Badis était de surcroît très à l’aise dans l’espace profane qu’est la politique et notamment en ce qui concerne l’aspect relationnel qu’il entretenait avec les leaders des partis politiques dont Messali Hadj et Ferhat Abbas. Ses convictions firent de lui le plaideur le plus intransigeant concernant la question identitaire. Une résolution sans faille en dépit du fait que dans le contexte historique des années 1930, il était le seul à ne pas céder aux pressions de l’administration coloniale. C’est dire qu’en plus de sa stature religieuse, ses contributions politiques permirent au mouvement national de s’imposer à cette époque-là. Devenu l’alter ego des dirigeants du PPA et de l’Udma, il parvint à imposer les options des Oulémas en vue de la création d’un front.
En rappelant à grands traits le rôle qui fut le sien, l’on ne peut que regretter que les manuels d’histoire aient occulté son influence au prétexte que le récit du nationalisme algérien ne peut se ressourcer que dans les activités des partis politiques et jamais dans le mouvement associatif, à l’exemple de celui qu’avait animé cet imam. C’est pourquoi, de toutes les grandes figures de son époque, il sera le seul à subir les retombées de toutes les controverses. Celles qui allaient altérer profondément son image d’autant plus que le sectarisme islamiste contribuera à son tour à brouiller son itinéraire en lui attribuant, d’une manière fantaisiste, la paternité du déclenchement de la Révolution. C’est dire que la corporation des imams d’Algérie est inapte à vérifier la chronologie des faits. En clair, si la démarche «badissienne» a été souvent soumise à des pilonnages mettant en cause son absence lors du déclenchement de la lutte armée le 1er Novembre 1954, l’on ne comprend pas comment certains amalgames aient pu imputer cette trahison à «l’absent majuscule» qui, de son vivant, fut l’allié du PPA de Messali !
Cette union historique pour laquelle le président du PPA trouva immédiatement l’assentiment de Ben Badis prouve, si besoin est, qu’il était disposé à faire «du vrai nationalisme dans le sens propre du mot».(1) Une formule surchargée d’allusions positives et qui fit écrire à l’historien André Mandouze : «A ce moment-là, Ben Badis estima inévitable les divergences sur des points secondaires aussi bien que sur les méthodes à employer pour parvenir aux buts. Il considérait comme essentielles l’union sur les objectifs et les intentions. C’est-à-dire la conservation de l’islam, de la langue arabe et du caractère national de l’Algérie.»(2) Seul cet imam-là allait donner sa caution à l’union autour de la question nationale quand, au même moment (mars 1938), les dirigeants du congrès et les élus restaient encore prudents à l’égard de cette «provocation» anticoloniale ! Voilà qui atteste de l’intelligence politique d’un homme de foi que l’on avait statufié dans la stricte posture du «penseur de Rodin» alors qu’il fut surtout un subtil communicant auteur d’une douzaine de contributions journalistiques que ses contemporains considérèrent comme des textes d’anthologie auxquels ils se sont référés, comme l’avait fait Mostefa Lacheraf en 1970. Grâce à l’édition d’un texte arabe intitulé «Ben Badis entre le nationalisme algérien et la renaissance arabe», cet intellectuel est parvenu à restituer ce que l’Algérie souveraine doit à ce nationaliste sans colère ni impatience. En cela l’auteur de la thèse magistrale intitulée «Algérie nation et société» retracera l’itinéraire de cet éclaireur qui ne voulait pas être un dirigeant omniscient mais simplement un esprit qui sut transiter par le doute avant de se forger des certitudes. Et même si 80 années le séparent de son peuple, il reste tout de même les traces du calame d’un poète qui sanctifia son humilité. Ouvrons donc les guillemets au lyrique Malek Haddad évoquant la fusion de la ville natale et la conviction d’un homme de foi n’ayant jamais douté de la résurrection de sa patrie. «…Il est entré chez lui, chez lui dans nos cœurs, chez lui dans ces maisons aux portes basses, sous ces voûtes qui soutiennent une espérance incassable, sur ces places vivantes où le ciel devient clairière, dans l’échoppe feutrée, dans l’école murmurante, au fond des ruelles, au fond des cours, au fond de la permanence rassurante de cette ville en vigie sur la plaine… Il existe ici loin des gloires tapageuses et des célébrations surfaites.»
B. H. 

(1) Citation extraite du passage consacré au «PPA et l’union» de André Mandouze.
(2) Commentaire publié par le journal El Bassayer du 11 mars 1938.
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