Alors que la saison des vœux n’est pas encore close, comment faire
pour que l’an neuf soit enfin différent des précédents ? Celui-ci
commencera par un test de confiance auquel sera soumis le nouveau régime
malgré les improbables scores qui l’ont fait élire. Dans le cas
contraire, le pays doit-il parier sur la poursuite du fameux mouvement
social, seul recours susceptible d’imposer de réelles perspectives à
l’Etat et dont la plus importante consiste en sa refondation ?
C’est-à-dire, loin des stratégies basées sur des cautères que sont les
amendements constitutionnels lesquels n’ont modifié en définitive que ce
qui arrangeait les dirigeants en place. C’est pourquoi dans les deux cas
de figure rien n’est moins sûr et tous les scénarios avancés ne seraient
que suppositions mal fondées. Par contre, les idées qui ont de fortes
chances de constituer le véritable héritage à transférer de l’an «19»
seraient le style de la démarche du Hirak et la clarté de son programme
politique. En effet, au cours de leur longue marche, les insurgés du 22
février n’exigèrent rien d’autre que la réforme des procédures
légitimant le pouvoir. Or, certaines sirènes de la communication (El
Moudjahid du 2 janvier) sont déjà à l’œuvre en attribuant au nouveau
Président la thèse consensuelle des amendements susceptibles de
restaurer le fonctionnement de la loi fondamentale ! Une immense
tricherie qui plus d’une fois avait fait ses preuves en termes de
malveillance et dont le point d’orgue remonte au 12 novembre 2008. Car,
avec l’histoire des amendements successifs, nous avons la preuve que la
forfaiture avait été bel et bien au rendez-vous du vote au Parlement
ayant permis à Bouteflika de violer la Constitution sans discontinuer
jusqu’à sa destitution. C’est ainsi que les réfutations du passé se
transformèrent plus tard en «simples fautes politiques» afin de sauver
l’honneur d’un pouvoir manipulateur en toute circonstance. A ce jour, et
malgré l’émergence d’une véritable révolution sociale exigeant que l’on
dépasse le mode de modifications en leur substituant le remplacement
d’une loi par une nouvelle, le nouveau Président semble ne pas partager
l’idée d’une chirurgie de cet ordre. Celle qui mettra en opposition le
changement de politique d’un pouvoir à un autre et la manière de
considérer son exercice comme un continuum qui ne varie que selon les
circonstances. Or, sur ce qu’il estimera nécessaire d’accomplir
immédiatement, le Président Tebboune sera soit suivi par la frange de
l’opinion qui manifeste, soit contesté comme le furent les prédécesseurs
ayant géré l’intérim du pouvoir. Cela dit, tout devrait être tranché à
court terme afin de mettre fin à la complexité de ce dilemme historique.
Car donner naissance à une seconde République en remplacement de
l’ancienne n’a rien à voir avec l’accusation injuste de « putschisme »
comme certains cercles s’efforcent d’en faire un procès d’intention. De
même qu’il faut aussi rappeler que des probables funérailles d’une RADP
s’imposent d’elles-mêmes. En effet, historiquement, cette Constitution
ne fut-elle pas l’objet du viol originel commis au lendemain de la
libération du pays ? Celui qui confisqua aux Algériens leur citoyenneté
à peine acquise. N’hésitant pas à s’inscrire en faux contre les
recommandations des Congrès de la Soummam et de Tripoli, l’on taillera
des croupières aux propositions émises par la constituante de 1962 en
les remplaçant par d’autres règles ayant survécu à ce jour sous
différentes versions. Il y eut celle dont se dota Boumediène en 1976 et
qui ne fit que durcir l’arsenal despotique alors que Bendjedid ne se
débarrassa, en 1989, que de la référence idéologique du « parti-Etat ».
Enfin, Zeroual complétera l’habillage en 1996 par la création d’un
bicamérisme destiné à censurer toute majorité en formation. Pourtant,
ces quatre révisions, intervenues dans les moments forts du pays, n’ont
eu que peu d’effets qualitatifs sur les modalités de fonctionnement de
l’Etat. Au contraire, elles légitimèrent un peu plus les mêmes pratiques
qui allaient conforter le socle du système. Une aubaine pour le
bouteflikisme qui en fera un usage insensé dont celui de la permissivité
de l’enrichissement au nom d’un pseudo libéralisme économique. C’est
pourquoi, l’Algérie de 2020 ne doit plus réactiver la fausse solution
consistant en une cinquième révision de la loi fondamentale. Cette mise
en équation recuite que l’on envisage d’actualiser dans le contexte
présent a-t-elle encore un sens face à la clochardisation galopante du
pays réel ? C’est donc de rupture à la fois avec le cadre institutionnel
et avec la génération des dirigeants ayant prospéré sous le régime
précédent qu’il sera question. Ce qui voudra dire qu’il ne s’agira plus
de se dédouaner avec pour seul prétexte un programme politique rénové
mais d’oser le changement de l’ensemble de la société en commençant par
disqualifier les vieilles règles dont disposaient les pouvoirs ayant
précédé celui du Président Tebboune. Mais à quelle solution celui-ci s’y
résoudra-t-il ? Sans doute fera-t-il de cette question nodale l’alpha et
l’oméga de son mandat présidentiel.
B. H.
B. H.