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Nettoyer au Kärcher les écuries du foot algérien !

Deux faits récents et majeurs dans le monde surréaliste du football algérien viennent rappeler à quel point il est nécessaire et vital de réformer, en profondeur, le football algérien. Réforme d’autant plus indispensable que le phénomène foot est devenu un facteur importantissime dans la préservation de la paix sociale et dans la confection du bonheur national. Cette nécessaire rénovation passe d’abord par un formidable nettoyage des écuries d’Augias de notre foot, et à l’aide d’un implacable Karchër !
Ces deux faits, c’est, d’abord, les révélations au sujet de l’abracadabrantesque et mirobolant contrat du sélectionneur de l’équipe nationale Djamal Belmadi. Un salaire figurant dans le top douze des sélectionneurs les mieux payés au monde durant le Mondial-2022, et en même temps plus gros salaire des entraîneurs présents dans l’actuelle CAN en Côte d’Ivoire. Ensuite, l’information selon laquelle l’Inspection générale des finances (IGF), qui a épluché les comptes de la FAF, aurait livré ses conclusions au ministre des Finances, lequel les aurait transmises au Premier ministre qui aurait lui-même saisi le parquet pour enquête judiciaire.
Ces deux faits concomitants braquent donc leur lumière crue sur les écuries d’Augias du foot algérien, et notamment sur les travées glauques de la fédération en charge de sa gestion, indépendamment des bilans sportifs et de gestion, à nuancer et à différencier, bien entendu, des présidents successifs, notamment depuis le début des années 2000.
Pour mémoire mythologique, le nettoyage des écuries d'Augias, roi d'Elide, est le 5ème des douze travaux d'Hercule, fils de Zeus. Elles n'avaient pas été nettoyées depuis 30 ans. La tâche d'Hercule fut donc de les récurer à fond, ce qu'il fit en une journée, en détournant les eaux des fleuves Alphée et Pénée vers ces étables lourdement encombrées de déjections.
Dans les temps modernes, la sphère footballistique algérienne n'a pas été réformée depuis 1977, depuis 47 ans donc ! Soit un peu plus que la durée durant laquelle les écuries d'Augias ont été engorgées par les bouses et les crottes d'équidés et d'ovins pansus et systématiquement gavés. Depuis cette réforme du sport en général et du football en particulier, les étables du foot algérien se sont particulièrement encombrées, et notamment depuis l’avènement du pseudo-professionnalisme qui s’apparente davantage à un amateurisme faisant de la médiocrité, de l’impéritie, de la gabegie et de la corruption ses marques de fabrique typiquement algériennes.
On connaît les problèmes endémiques, de tout ordre, du football algérien. On connaît ses problèmes structurels, l'inexistence de modèles économiques dignes de ce nom, son organisation archaïque et artisanale dans le meilleur des cas, son absence de système de formation à de relatives exceptions près, son arbitrage de faible niveau général et ses stades d'un autre âge, dont les nouveaux stades à Oran, Alger et Tizi Ouzou sont l’arbre qui cache la forêt de ces arènes antédiluviennes qui essaiment à travers le pays. On connaît aussi la médiocrité structurelle et l’anachronisme managérial de notre football. De même que ses circuits de financement souvent opaques et parfois mafieux.
Même les clubs sous perfusion abondante de l’argent public, et qui sont huit au total, ne sont pas des modèles du genre en matière de gestion rigoureuse des deniers publics. A des degrés divers, ces clubs phares du championnat de D1 souffrent de l’absence de modèles économiques, de projet ambitieux de transformation en entreprises économiques et de spectacles performantes. De même qu’ils ne disposent pas de système managérial de réelle qualité et fondé sur des profils dotés des références académiques et professionnelles nécessaires. Certaines entreprises publiques, propriétaires à des niveaux divers et parfois assez différenciés, de ces Sociétés sportives par actions (SSPA), ont installé des équipes de management en rupture, il est vrai, avec la gestion médiocre et de souk de village du passé. Mais en réalité, seul le groupe Serport a confié la gestion de son club à un duo de gestionnaires combinant grande expérience managériale en Algérie et à l’étranger, parcours académique de haut niveau et passion incontestable pour le foot et le club.
Derrière la richesse, dans tous les sens du terme, mais à relativiser en termes de performance, de l'EN de Belmadi, le football algérien est indigent, à tous les points de vue. Et c’est défoncer une porte largement ouverte que de le souligner. L’opulence de la sélection nationale, sous la houlette de Belmadi, est paradoxalement une corne d’abondance trompeuse, dans la mesure où elle n’est pas le reflet assez fidèle du football national, mais est plutôt la vitrine luxueuse de championnats étrangers de premier plan.
Son modèle économique, en fait l’absence de modèle économique, est globalement dérégulé, engagé qu’il est dans une inquiétante et dangereuse spirale spéculative, accentuée par de l'argent rarement traçable, et parfois rare. Il faudrait donc, et ce n'est pas la moindre des missions de l’État, aider, dans une première phase, les clubs à se débarrasser de leur lourd endettement fiscal et parafiscal, sans compter d’autres types de dettes. Encourager après, et fortement, le développement économique des clubs, et édifier des stades aux normes internationales dans toutes les grandes villes du pays. D’autre part, créer nécessairement de l'animation économique et culturelle autour de ces structures modernes conçues comme des espaces de convivialité, des aires culturelles et de socialisation, et surtout des outils économiques générateurs de revenus réguliers. Et surtout pas de les confier à des offices publics de gestion qui n’ont formé à aucun des métiers spécialisés nécessaires à la gestion rigoureuse et moderne de ces enceintes complexes.
Par-dessus tout, la popularité et l’attractivité du foot doivent être placées au centre des préoccupations permanentes de cohésion sociale. Le foot est une pratique et un spectacle de masse adossé à de véritables entreprises économiques, rappel nécessaire. C’est pour cela que les pouvoirs publics doivent faire du nettoyage de ces écuries d’Augias un chantier national prioritaire. Sa profonde réforme constituera par conséquent un investissement éminemment politique. Plus que jamais, le foot doit être débarrassé de sa faune de parasites et de profiteurs de tout acabit, et surtout de sa camarilla de dirigeants sportivement incompétents, techniquement médiocres et, en revanche, très performants dans le domaine de la vénalité, et parfois dispendieux, voire gabegiques, quand il s’agit de la gestion du camembert de l’argent public.
La puissance publique doit elle-même mettre en œuvre cette réforme profonde du football. Une réforme progressiste et progressive de sa gouvernance. Sur la base d'un processus déterminé, ordonné, apaisé et consensuel. En somme, mobiliser toutes les énergies et favoriser les synergies entre foot professionnel et foot amateur, en faveur d'une véritable révolution professionnelle du ballon qui doit tourner rond et tout le temps.
N. K.

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