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Think tank : je pense, donc j’existe !

A l’issue d’une récente conférence sur la dynamique de développement durable à l’université Abdelhamid-Mehri-Constantine-2, les participants ont appelé à créer un think tank dédié à l’étude des mécanismes permettant à l’Algérie de s’y inscrire. Dans le même temps, le président de la République a procédé à un changement à la tête de la direction du Conseil national, économique, social et environnemental (CNESE), dans l’objectif plausible de revivifier cette institution nationale née au lendemain de l’Indépendance. Un «Conseil» qui est un cadre national de dialogue, de concertation et de proposition dans tous les domaines de la vie sociale, économique et environnementale, mais aussi une boîte à idées, un laboratoire d’évaluation et d’analyse prospective. Ces deux événements séparés mais concomitants éclairent sous un jour nouveau la problématique des think tanks en Algérie, domaine où notre pays accuse un retard aussi important qu’indéniable.
L’existence nécessaire et le rôle utile des think tanks ne sont plus à démontrer. Ils sont si importants dans les pays développés que certaines universités américaines dispensent des formations de suivi de leur développement dans le monde à l’instar de l’université de Pennsylvanie. Celle-ci réserve un département entier pour étudier ce phénomène via une formation intitulée «Think tanks and civil society program (TTCSP)». Un rapport ad hoc appelé «Global Go to Think-tanks Index (GGTTI)» est même édité annuellement pour éclairer l’évolution de ces aires de réflexion. Lorsque les boîtes à idées deviennent un objet d’études, c’est qu’elles sont devenues un phénomène politique en soi.
Il ressort donc du GGTTI de 2020 des statistiques significatives qui démontrent l’importance accrue de ces institutions dans les pays développés, et le retard des autres à suivre cette évolution. On y énumère 2 203 think tanks pour les seuls USA, capacité doublée depuis 1980. L’Europe quant à elle compte 2932, avec de grandes variations entre les pays. La Grande Bretagne arrive en tête avec 515 structures et la France 275. L’Asie possède 3 389 unités dont 1 413 pour la seule Chine, et 612 pour l’Inde.
L’espace arabo-africain, et à des niveaux variables, peine encore à prendre conscience de l’importance vitale de ces lieux de réflexion stratégique. Il en est ainsi de la zone Afrique du Nord-Moyen-Orient (MENA) où on dénombre 599 centres, dont 78 en Israël, 35 en Irak, 40 en Égypte, 29 au Maroc et 11 seulement en Algérie. En Afrique, c’est incontestablement l’Afrique du Sud qui est à la tête du peloton avec 102 think tanks, bien loin devant des pays d’un certain poids géostratégique, démographique et économique, comme l’Algérie, l’Égypte, le Nigeria et le Maroc. Le constat de carence est encore plus amer quand on observe que certains pays africains n’en possèdent aucun.
Faiblesse et déficit sont encore plus nets dans les pays francophones où la méfiance est de mise vis-à-vis des think tanks, en raison de pesanteurs historiques, des moyens humains et matériels qui font défaut, mais aussi des modestes objectifs et compétences affichés de ces institutions, et notamment de la faiblesse relative de leur réactivité face aux défis stratégiques, politiques, économiques, environnementaux, sociaux et culturels. Le manque de volonté politique et des moyens financiers conséquents n’aident pas aussi à la mise en œuvre de ce type d’organismes. La France elle-même, puissance économique et membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU, n’a lancé ses propres think tanks qu’assez tardivement par rapport aux autres pays occidentaux. Elle reste d’ailleurs bien loin derrière la Grande-Bretagne qui possède 16% des think tanks de la planète, contre 14% à l’Allemagne et seulement 2% pour la France.
Beaucoup de choses restent à accomplir par les pays arabes et africains pour se doter de ces fabriques d’idées indispensables pour tout type de gouvernance. Et il n’est jamais trop tard pour agir et bien faire. Pour sa part, l’Algérie devrait promouvoir activement ces think tanks en encourageant vivement ceux qui existent déjà, puis en créant d’autres dans tous les domaines d’activité, sur un large spectre englobant les institutions gouvernementales, les structures syndicales, les associations patronales, les organisations économiques et sociales, les universités et les partis politiques. Dans les domaines de la diplomatie et de la sécurité, notre pays devrait encourager la création de centres spécialisés ouverts sur notre environnement, notamment africain. C’est vital pour améliorer constamment nos connaissances sur nos partenaires proches et lointains, comme sur nos concurrents et nos adversaires, car il s’agit en l’occurrence de défendre en permanence la place de l’Algérie dans le monde. Pour les pouvoirs publics et nos politiques qui sont dans l’action, et font face à une réalité internationale complexe, mouvante et crisogène, s’appuyer sur un nombre important de think-tanks est un atout majeur pour bénéficier de solutions innovantes et construire des réseaux d’influence durables, viables, fiables et crédibles sur l’échiquier mondial. Il y va de notre intérêt national et du poids géostratégique de notre pays.
Certes l’Algérie ne possède, à ce jour, qu’une dizaine de think tanks de différents statuts, de taille et d’importance relatives, dont l’activité irrégulière est difficile à évaluer tant ces fondations, cercles, centres, instituts et autres forums de réflexion sont discrets et peu visibles sur les réseaux sociaux. La plupart n’ont pas d’existence sur Facebook et X, et lorsqu’ils y sont, les mises à jour de leurs activités sont rares et espacées dans le temps. Comme si tout se passait en vase clos et que leurs productions, quand elles existent, sont frappées du sceau de la confidentialité et réservées par conséquent à un public restreint de décideurs ou de privilégiés.
Mais il est quand même rassurant de constater que certaines de ces structures ont survécu aux féroces années du nihilisme terroriste islamiste, ensuite à l’ère du désarmement de l’État, de la longue léthargie de notre économie, de la dilapidation et du pillage des ressources nationales sous le pouvoir cacochyme du prédécesseur du Président Abdelmadjid Tebboune. Il est tout de même réconfortant de noter que ces think tanks activent encore, à divers niveaux de régularité et même sans visibilité sur les réseaux sociaux ou en y faisant acte de modeste présence. Il en est ainsi de think-tanks publics ou privés comme l’Institut national d’études et de stratégie globale (INESG), l’Institut diplomatique et de relations internationales (IDRI), le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (CARE), le Club Energy, le Centre de recherches en économie appliquée pour le développement (CREAD) et le Centre de recherches en anthropologie sociale et culturelle (CRASC d’Oran).
Il en va ceci dit de l’importance et de la valeur scientifique des think tanks comme il en va des performances des nations qui prennent part aux Jeux olympiques : l’essentiel n’est pas toujours de participer selon la célèbre formule du baron de Coubertin, fondateur de ces joutes sportives planétaires. Au-delà de son utilité pour éclairer la prise de décision publique ou privée, la valeur intellectuelle, académique et opérationnelle (think tank et do tank) de ces instruments de réflexion est fonction de plusieurs paramètres, dont la taille, le budget et la qualité de son expertise. De ce point de vue, ce qui existe en Algérie n’est pas encore en mesure d’être comparé à l’activité de réflexion stratégique en Afrique du Sud, en Égypte et au Maroc, pour ne citer que ces trois puissances africaines et arabes. La comparaison ne pourrait pas être établie non plus avec les think tanks dans le Golfe devenu le centre de gravité de l’analyse, la prévision et la prospective dans le monde arabe.
Dans la liste la plus récente des dix meilleurs think tanks dans le monde arabe, on retrouve le vieux Centre Al-Ahram des études politiques et stratégiques (Égypte) qui figure en première place, suivi du Centre Fayçal des recherches et études islamiques (Arabie saoudite). Dans ce Top 10 figurent également deux think tanks marocains bien cotés en Afrique, au Moyen-Orient et en Occident, à savoir l’Institut royal des études stratégiques et le Policy center for the new South de l’Office chérifien des phosphates. De même que le Centre d’études du Golfe et de la péninsule arabique (Koweït), le Centre Hidaya (Émirats) et le Centre égyptien des études économiques.
Cela étant dit, nous avons besoin désormais de nouvelles façons de penser. Par exemple, on ne peut plus isoler la politique de l'économie et la sécurité de la politique. Ce que nous montrent les think tanks américains, britanniques, allemands, voire certains leaders en la matière en Afrique et dans le monde arabe, c’est la densité et la permanence des relations qui unissent chercheurs, analystes et praticiens de l’action publique, de l’entreprise et de la société civile. Dans ces pays, le politique attache de l’importance à la chaîne qui conduit du chercheur à l’analyste puis au décideur. Le Président américain et le Premier ministre britannique sont entourés d’organes où activent en permanence des chercheurs et des analystes sur un certain nombre de zones et de thèmes.
Les décideurs, toutes natures confondues, veillent à la gestion des priorités en matière de recherche et d’analyse, et le think tanker étudie en universitaire, pense en politique et en économiste et parle en journaliste.
N. K.

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