Quand de la clameur vous parviennent des «Madzidch dqiqa ya Bouteflika ! (Tu n’auras pas une minute de plus) ou encore «Klitou el bled ya essarraqine ! (Vous avez ruiné le pays espèce de voleurs), vous percevez la force du ressentiment qui accompagne la sentence. La patience ayant débordé des limites concevables, voire admissibles, le pays, dans un sursaut inspiré par une volonté de survivre à la maltraitance, siffle la fin de la partie. La plaisanterie a assez duré et c’est l’Algérie, d’est en ouest et du nord au sud, jusque-là impuissante à tenir tête à la sévérité d’une autorité sur le qui-vive, qui le crie au quotidien.
La rente et ses effets sur un clan qui a pris goût à l’aisance à laquelle donne droit la proximité avec le pouvoir . Les algériens se disent prêts à redistribuer les cartes. Ils ne veulent plus du personnel politique en exercice. Ni de ses sombres relais dans le monde des affaires, qui ont gagné en puissance ces 20 dernières années et en ont fait la démonstration de façon brutale. Un système toujours en alerte, prêt à étouffer tout signe de rébellion ou à sévir contre toute tentative de lui faire entendre raison. Trop confiant en son emprise sur le pays, il n’a pas vu venir la vague d’accusations. Agiter le bâton et peser injustement sur les rêves de toute une nation, il était prévisible que la rue finirait par lui crier son exaspération. Le voilà sommé furieusement de lâcher prise et de renoncer à ses privilèges, sans demander son reste. Je ne me serai jamais doutée que nos jeunes pourraient montrer à ce propos autant de détermination. Je serais Bouteflika, je m’épargnerais l’humiliation de trop car je n’en connais pas un qui soit en décalage avec ce que la rue renvoie au monde. Mon marchand de légumes m’avait demandé si les manifestants étaient déjà en place tout en m’assurant avec un sourire triomphant que, ce jour-là, la marche serait énorme.
«Mon fils est étudiant. Tous les soirs, il nous fait un résumé de la journée. Aujourd’hui, il marchera avec ses copains et moi avec les miens.» C’était vendredi matin. La marche a été, on le sait, somptueuse ! Combien en faudra-t-il encore ?
M. B.
