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«Papa, c’est moi qui passe le bac et c’est toi qui stresses !»

Jour de stress comme beaucoup ne trouvent que péniblement la force de supporter, le baccalauréat n’implique, évidemment, pas que le candidat lui-même. Tout son entourage se retrouve pris dans la spirale, comme l’illustraient, dans une certaine mesure, ces instantanés qui s’offraient au regard devant le portail d’entrée d’un des principaux lycées de Tizi-Ouzou où il y avait presque autant de candidats que de parents. Beaucoup parmi ceux-ci, visiblement, fournissaient un gros effort pour dissimuler leur anxiété.
C’est sans nul doute la même atmosphère qui régnait partout à travers les établissements retenus au chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou pour abriter la session 2018 du baccalauréat venue sceller une année scolaire plutôt mouvementée en raison des conflits sociaux qui l’ont émaillée notamment à Tizi-Ouzou où, faudrait-il le rappeler, un différend a empoisonné, plusieurs semaines durant, les relations administration-fonctionnaires, condamnant des milliers d’enfants à l’école buissonnière bien avant que l’autre mouvement, celui s’étant élargi à plusieurs wilayas, ne vienne jeter un trouble comme rarement sur l’issue de cette année scolaire. C’est que les stigmates de ces perturbations n’ont pas totalement disparu chez certains, et cela se comprend aisément. Comme c’est le cas de S. Amirouche, ce père de deux enfants dont l’aînée, Samou comme il l’appelle affectueusement et qui a fêté son 17e anniversaire il y a quelques semaines, est en appel depuis hier pour décrocher le droit de fréquenter les bancs de l’université. C’est qu’elle y compte bien, tellement elle a tout sacrifié pour cet objectif, à l’instar de son papa qui, depuis un certain temps, éprouve quelque mal à s’en sortir «à cause de la bêtise que j’ai commise en acceptant le départ volontaire de l’entreprise où j’avais le statut de cadre», explique Amirouche le diplômé du tout début des années 1990 de l’Université de Tizi-Ouzou qui a reporté tous ses espoirs sur ses deux enfants, notamment l’aînée, pour lesquels rien n’est aussi important que leur scolarité.
Hier donc, peu avant l’heure H, adossé au mur de l’immeuble faisant face au lycée, Amirouche ne lâche pas du regard sa fille qui, avant d’aller se fondre dans un groupe de copains et copines à quelques mètres du policier en faction à l’entrée de l’établissement, quelques minutes à peine avant l’ouverture du portail, lance en direction de son père : «Papa, c’est moi qui passe le bac et c’est toi qui stresses ?» De quoi détendre l’atmosphère, mais pas totalement chez le papa. «J’espère qu’elle ne va pas succomber à la panique», glisse celui-ci à la dame à côté de lui, la tata de Samou. Papa Amirouche qui acceptera après une petite hésitation de narrer toutes les péripéties qui ont émaillé cette année scolaire pas comme les autres pour lui comme pour beaucoup d’autres parents tant elle a été mouvementée. «Je pensais avoir vécu le pire il y a trois ans, lorsque ma Samou a passé son BEM, mais là c’est finalement beaucoup plus pesant», nous explique-t-il d’une voix soudainement serrée. La demoiselle était dans le bain de l’examen depuis une vingtaine de minutes maintenant, mais le stress du papa est toujours aussi visible. Et quand on le lui fait remarquer, il répond stoïquement que cette tension allait passer comme sont passés les durs moments de cette année, telles ces semaines chargées d’incertitudes, lorsqu’il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour que la tenue du bac soit remise en cause à cause des nombreuses semaines de grève «pour des raisons qui n’en valaient pas la peine».
Une période trouble qui s’est aggravée lorsque, se souvient-il, même les cours de soutien que suivait sa fille étaient remis en cause. «La chasse faite aux enseignants qui assuraient les cours de soutien, lorsque des personnes en civil accompagnées de policiers se sont présentées un samedi matin dans l’établissement où ma fille et ses amis se retrouvaient deux jours par semaine, ce moment on l’a mal vécu… Heureusement que l’ingéniosité dont ont fait preuve les enfants a permis de trouver des palliatifs pour au moins limiter le retard accusé», se rappelle Amirouche qui, au fil des minutes qui s’écoulaient, retrouvait son état «normal» pour ensuite se lancer dans sa propre critique de toute l’œuvre accomplie par le département de Nouria Benghabrit. «C’est vrai, je ne vous cache pas que cette année j’ai tout suivi dans l’actualité de l’éducation. J’ai apprécié ce qu’a fait la ministre mais parfois certaines décisions m’ont outré, lorsque la question a été plus politisée qu’autre chose», avoue notre ami Amirouche qui, apparemment, en a gros sur le cœur à propos de ce qu’il appelle «le système» au point d’avoir envisagé un départ au Canada dans les mois qui viennent. Les formalités qu’il a dû accomplir sont à un stade très avancé et il a convenu avec sa petite famille qu’ils ne partiront pas avant que Samou ait eu son bac. C’est dire donc combien l’examen qu’elle a entamé hier compte dans les projections de la famille, malheureusement comme de beaucoup d’autres à travers le pays, fatiguée de voir que cela ne change pas...
Az. Maktour

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