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Rubrique Anniversaire

Un lourd tribut payé durant la décennie noire Les martyrs du Soir

Quatre martyrs, c’est le lourd tribut payé par Le Soir d’Algérie durant la première décade de son existence. La disparition tragique de Yasmina Drici, Allaoua Aït Mebarek, Mohamed Dorban et Djamel Derraza avait profondément marqué leurs familles respectives, l’ensemble de leurs collègues et amis du journal, ainsi que toute la corporation. Ravagé par une très forte charge d’explosis, Le Soir d’Algérie avait, au bout de deux semaines seulement, renoué le contact avec ses lecteurs, grâce à un extraordinaire mouvement de solidarité de la part de confrères, d’amis, d’institutions  publiques et privées et de simples citoyens. Le collectif du journal avait tenu, en effet, et en dépit de la douleur intense et les plaies encore ouvertes, à se remettre à l’ouvrage pour que Le Soir retrouve sa place et que le serment fait à ses martyrs soit respecté. Le combat pour la démocratie, la liberté d’expression, le progrès et la modernité doit être poursuivi.
Le journal avait tout perdu, plus de siège, plus de bureaux, plus de mobilier et les moyens techniques étaient grandement endommagés.
Deux années avant, Yasmina Drici, correctrice émérite, était sauvagement assassinée par la horde de barbares. Elle était la première femme victime de la corporation. Kidnappée, la veille, son corps a été retrouvé le lendemain à Rouiba près d’Alger avec une profonde entaille sur la gorge. Sa mort atroce avait choqué l’opinion publique. En ce mois du souvenir, l’on se doit de rappeler la sacralité du sacrifice de ces héros de la profession, Yasmina, Allaoua, Mohamed et Djamel, et entretenir leur mémoire auprès des nouvelles générations de journalistes.
B. B.

Yasmina Drici
Assassinée le 12 juillet 1994

Elle habitait Rouiba et venait chaque jour, tôt le matin, pour accomplir sa tâche de correctrice au Soir d’Algérie.
Elle n’avait que trente ans, une taille frêle et adorait son pays et les deux métiers qu’elle exerçait, la presse et l’enseignement de la langue française. Son courage, sa bonté et ses capacités intellectuelles et professionnelles resteront, sans aucun doute, un exemple pour les femmes et les hommes de la corporation.
En dépit des nombreuses possibilités qui lui étaient offertes, à l’époque, pour vivre sous des cieux plus cléments, Yasmina avait refusé de partir, plus encore, après un séjour prolongé en Europe, elle avait préféré rentrer au pays, alors qu’elle se sentait menacée depuis plusieurs mois. Quatre jours seulement après son retour au pays, elle est enlevée puis assassinée avec une lâcheté et une barbarie rarement égalées. Elle était la première femme de la corporation à subir la haine des terroristes.

Allaoua Aït Mebarek
Mort lors de l’attentat du 11 février 1996

Directeur de la rédaction, il avait fait du journalisme un sacerdoce, voire même sa raison d’être. Disponible, souriant et de grandes qualités morales, il avait le don de dédramatiser les situations les plus complexes et de rétablir rapidement la sérénité.
Le journal était presque son unique univers, puisque le défunt n’était pas marié. Ainsi, il se consacrait entièrement à son travail. Homme de culture, féru d’histoire, de littérature et de musique, militant de la première heure de la cause berbère, il aimait toucher à toutes les rubriques du journal.
Il affectionnait par-dessus tout, le Sud et ses grands espaces, où il partait se régénérer et méditer. La bombe des hordes intégristes du 11 février 1990 le surprit d’ailleurs dans son coin favori dans la salle de rédaction, celui des télescripteurs où il venait s’informer sur la situation en Algérie et dans le monde.

Mohamed Dorbane
Mort lors de l’attentat du 11 février 1996

Journaliste chroniqueur de grand talent, Mohamed avait rejoint l’équipe du Soir quelques mois seulement avant le drame. Il avait déjà la solide réputation d’une plume incisive et caustique qui a longtemps sévi à Algérie Actualités. Sa discrétion et sa timidité ne l’empêchaient pas de perpétuer cette image dans les colonnes du Soir avec son «Bloc-notes».
Un espace quotidien dans lequel il aimait titiller, non sans humour, tout ce qui lui passait sous la plume, télé, journaux, pub…
Il partait chaque jour à la pêche des coquilles les plus insolites, pour lesquelles il décernait avec générosité des kalbelouz bien dégoulinants de miel. Nul n’échappait à sa perspicacité, sa grande culture et sa maîtrise de la langue française, ni ses propres collègues, ni les confrères, ni les responsables à tous les niveaux.
En plus d’une plume caustique, Mohamed était aussi un dessinateur talentueux. Il était marié et père de deux enfants.

Djamel Derraza
Mort lors de l’attentat du 11 février 1996

Il faisait partie des compétences extérieures qui apportaient un complément au travail effectué par la rédaction, et qu’on appelle dans le jargon professionnel, les collaborateurs ou pigistes. Djamel Derraza s’occupait de la page détente du journal qu’il animait avec talent et passion. Sa page était suivie par beaucoup de lecteurs et il veillait à sa bonne qualité. La raison pour laquelle il venait une fois par semaine, pour, d’un côté, alimenter le frigo et, d’un autre, faire le suivi du montage de sa page pour éviter les éventuelles erreurs.
Discret, effacé, Djamel était un cruciverbiste accompli et un mordu des jeux d’échecs et autres sports cérébraux. Il avait le souci du détail bien fait et appréhendait les remarques de ses collègues à chacun de ses passages.
Mais, il ignorait qu’en cette funeste journée du 11 février 1996, il avait rendez-vous avec la mort.

Des unes et des évènements
Année 1999

Innocentés après 46 mois de prison
Habituellement, et dès le crépuscule, l’imposant portail métallique de la prison de Annaba se ferme pour ne plus s’ouvrir jusqu’au lendemain.
Mercredi soir (8 décembre 1999), vers 22h30, il a été exceptionnellement ouvert pour laisser passer Chettih Messaoud et ses neuf coaccusés qui venaient d’être innocentés par le tribunal criminel de Annaba 12 jours après l’ouverture de leur procès et 46 mois d’incarcération. Quarante minutes auparavant, les cinq membres de la cour avaient, en effet, répondu par non aux 74 questions sur la culpabilité des accusés et, par conséquent, décidé de leur acquittement pur et simple.
Le tout, au milieu d’un tonnerre d’applaudissements et de youyous, par lesquels l’assistance tenait à manifester sa joie.
Accolades, embrassades, larmes de joie, youyous… jamais la grande salle d’audience du tribunal n’a dû connaître une telle ambiance.
Une liesse digne des grandes fêtes populaires où avocats, journalistes, simples badauds et même policiers, se désintéressant des rappels à l’ordre du juge, tenaient à se féliciter mutuellement.

 

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