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Rubrique Ce monde qui bouge

Banalisation, enlisement et risque de conflit généralisé

À la recherche d’une sortie d’enlisement à Ghaza, Tel-Aviv a assassiné Saleh al-Arouri à Beyrouth et non à Ghaza, alors que jusque-là Netanyahou justifiait sa guerre de destruction de l’enclave de Ghaza et de sa population par l’élimination du Hamas et ses dirigeants à Ghaza même. Et ce, au risque d’entraîner le Liban mais aussi la Syrie dans un conflit généralisé après l’exécution en territoire syrien d’un haut gradé iranien, le général Razi Moussavi.
Le moment choisi pour ce type d’opération extra-judiciaire ne tient pas du hasard. En fait, jouissant d’une impunité assurée, les va-t-en guerre israéliens comptent mettre à profit la banalisation par les médias occidentaux de la guerre contre le peuple palestinien. En effet, depuis quelque temps, Ghaza et plus généralement les Palestiniens, auxquels ces mêmes médias accordaient déjà peu de place, en comparaison avec la couverture largement favorable aux thèses israéliennes, étaient en train de disparaître des radars de l’actualité. Bien plus, ces médias n’hésitaient pas, en dépit du coût humain élevé subi par les Palestiniens, à mettre en doute le nombre de victimes palestiniennes.
Comme beaucoup, je pensais naïvement qu’il en allait être autrement à la veille de 2024 ! Par exemple que ces médias, qui se targuent de professionnalisme, allaient enfin donner plus de visibilité aux Palestiniens et montrer à voir comment ils ont vécu le dernier jour de l’année 2023 sous les bombes. Mais non, comme moi, les dizaines de millions de lecteurs et téléspectateurs anglo-saxons et européens ont eu droit à des reportages nous assénant que les Israéliens n’avaient pas le cœur à fêter la fin de l’année 2023 !
Pas plus qu’ils n’ont expliqué à leurs auditeurs télévisuels pourquoi Benyamin Netanyahou, selon qui cette guerre est «d'une moralité sans équivalent», n’a même pas cherché à décréter au nom de cette «moralité» une trêve, ne serait-ce que de quelques heures, à l’occasion de cette fin d’année. Mais non, son armée a continué à tuer impunément sans faire de distinction dans des zones où c’est justement sur son ordre que des centaines de milliers de Palestiniens sont allés trouver refuge.
Quant aux soutiens occidentaux de Tel-Aviv, complices de ces crimes de guerre, mais qui se sont dit «choqués» par les dernières frappes russes sur l’Ukraine et par la «stratégie de la terreur» de Vladimir Poutine, c’est silence radio dès lors qu’il s’agit de Netanyahou. Et pourtant, selon Philippe Lazzarini, haut fonctionnaire de l’ONU, «le nombre d’enfants et de femmes tués en 40 jours à Ghaza dépasse le bilan des victimes parmi les civils en Ukraine» en deux ans ! Que faut-il de plus à ces dirigeants occidentaux, qui convoquent à tout bout de champ le droit international quand il s’agit de la Russie, mais qui s’assoient dessus quand il s’agit d’Israël ?
Quant à la Cisjordanie où des colons épaulés par l’armée d’occupation se livrent à des pogroms, le téléspectateur occidental lambda a droit à des reportages, genre Western à la John Ford, montrant des familles de colons armés vivant sous la «menace perpétuelle» (dixit une grande chaîne d’info) de leurs voisins palestiniens, sans que ces médias prennent la peine — ou si peu — d’expliquer que ces colons vivent sur des terres prises de force aux paysans palestiniens !
Plus encore, est-ce trop demander à ces médias de qualifier la situation en Cisjordanie et à Ghaza de conflit colonial et non d’une «guerre entre le Hamas et Israël», comme si le Hamas était un État ? Autre sujet qui fâche, le droit à l’autodétermination du peuple palestinien est rarement mentionné. Certes, le droit des Palestiniens à un État est mentionné mais sans que les vraies raisons, qui font que depuis la signature des accords d’Oslo cet État palestinien n’a pas vu le jour, soient explicitées par ces chaînes quand elles ne renvoient pas dos à dos l’agresseur et l’agressé, l’occupant israélien et le colonisé palestinien.
Quant aux dirigeants israéliens et occidentaux que ces chaînes invitent sur leurs plateaux, il est rare qu’ils soient interpellés sur le droit des Palestiniens en tant que nation à disposer d’eux-mêmes. Et ce, alors même que la question nationale est le vrai enjeu de ce qui n’est rien d’autre qu’un conflit colonial ayant pour théâtre Ghaza et la Cisjordanie. Et qu’il ne sert à rien de s’efforcer de maquiller le fait national palestinien en conflit religieux – Islam/judaïsme – ou en «choc des civilisations».
À jeudi
H. Z.

À Meziane Ferhani et à Khemaïs Chemari, progressiste tunisien, qui viennent de nous quitter.

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