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Les réseaux sociaux, ce monde parallèle

À l’ère du numérique, notre quotidien n’est plus le même. Nos rapports à l’autre ont changé radicalement. Notre vécu intime se trouve, lui aussi, chamboulé. La ligne rouge séparant autrefois vie privée et vie publique disparaît peu à peu chez la quasi-totalité des citoyens du monde. Désormais, il faut se montrer pour exister. Pour se valoriser. Pour faire société.
Cette tendance à l’exposition de soi nous pousse parfois vers l’excès. La preuve en est que, quand on est totalement absent des réseaux sociaux, on est considéré comme ringard, voire bizarre. De rares récalcitrants résistent encore à la machine numérique. Lorsqu’ils sont interrogés sur leur position, ils avancent des raisons différentes. Beaucoup s’abstiennent par convictions personnelles. Certains par méfiance envers les nouvelles technologies. Il reste une petite minorité qui se tient à l’écart de l’internet par manque de connaissances informatiques. 

La transformation 
Après une longue période passée à rêver de célébrité en feuilletant les journaux et les magazines, en regardant des émissions de téléréalité, des feuilletons ou des films de cinéma, les spectateurs deviennent des acteurs. Ils campent leurs propres rôles sur le web. Ici, ils postent des vidéos d’eux en train de voyager, de réaliser des exploits ou d’immortaliser des moments simples. Là, ils publient leurs portraits photographiques. La mode est lancée. Rien ne peut l’arrêter. Tout le monde montre à voir. Tout le monde cherche à voir. On est d’ailleurs passés, en l’espace de quelques années, comme le soulignent certains observateurs, de «je pense, donc je suis» à «je vois, je suis vu, donc je suis». 
La transformation est radicale. Notre rapport à l’image a connu un grand bouleversement. Notre ego y est, bien entendu, pour quelque chose. Selon certaines études, un individu consacre, en moyenne, plus de deux heures par jour aux réseaux sociaux. Il regarde ce que proposent les autres comme contenus. Il vérifie, en même temps, si ce qu’il vient de poster a été regardé, s’il a enregistré du succès. Il guette les «j’aime», les «j’adore» et autres notifications, comme s’il guettait une récompense pour obtenir une satisfaction de lui-même. Cette dépendance excessive du regard de l’autre ou de son avis affecte profondément notre construction psychique en tant qu’être humain. 
Elle augmente ou diminue, souvent de façon brutale, notre dose de dopamine, cette substance chimique que l’on nomme également «l’hormone du plaisir». Au-delà des événements naturels, le web influence donc, lui aussi, notre humeur. Il peut être source de bien-être ou de soucis et de dépression. 
Par ailleurs, si les réseaux sociaux se veulent un moyen de sociabilité, un outil accessible pour garder ses connaissances ou en créer de nouveaux contacts, ils poussent aussi à la concurrence. C’est l’un de leurs nombreux paradoxes. En effet, les personnalités déjà connues et reconnues y cherchent davantage de reconnaissance. Les personnes «lambda» cherchent à être connues et reconnues par des inconnus, qui, à leur tour, leur demandent aussi de la reconnaissance. 
Ainsi se développe ce que l’on pourrait appeler l’individualisme contemporain ou le narcissisme moderne. Les internautes s’engagent dans une multitude de relations fausses, puisque, par principe, le monde virtuel n’est pas réel. Cette fausseté déborde souvent sur leur vie personnelle, réelle celle-ci, et la déroute.

Leurs inconvénients
Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn, Snapchat, YouTube, Google+, Pinterest, WhatsApp, Viadeo, des réseaux sociaux, il en existe pour tous les goûts. Mais, avant d’y accéder et d’obtenir le droit de les utiliser, il faut d’abord s’inscrire. Décliner son identité. Fournir une photographie. Livrer ses centres d’intérêt. Préciser sa situation familiale, etc. L’internaute se crée, en quelques clics, une identité numérique. Le revers de la médaille, c’est que ces informations strictement personnelles se retrouvent soudain accessibles à tous. À notre insu, certains sites les monnayent contre des sommes faramineuses. 
Il faut savoir que les réseaux sociaux sont largement utilisés par les États comme outils de surveillance collective. Des employeurs peu scrupuleux les utilisent aussi, de plus en plus, pour scruter, avant entretien d’embauche, les profils des candidats à recruter, mais aussi pour espionner leurs salariés déjà en poste. Les grandes entreprises s’en servent également pour déterminer nos goûts et nous présenter des publicités ciblées. Vous tapez, par exemple, une fois le mot «chaussures», sur un moteur de recherche, pour vérifier son orthographe. Eh bien, tout de suite après, votre réseau social vous propose une multitude de chaussures à acheter. Votre écran devient une boutique en ligne. 
Les réseaux sociaux peuvent parfois transformer, en moins de rien, la vie des personnes fragiles psychologiquement en enfer. On y croise, en effet, beaucoup de propagande religieuse et politique. Des organisations terroristes dangereuses, comme Daesh, y recourent pour enrôler des djihadistes et promouvoir, auprès du grand public, leur doctrine fanatique. 
L’autre face cachée du web, c’est qu’il offre le confort de l’anonymat pour permettre à certains internautes d’exprimer leur agressivité, de proférer des insultes de tous genres et, pire, de commettre des actes criminels. De nombreuses personnes se suicident à cause d’un harcèlement subi sur le net. Régulièrement, la presse se fait l’écho de nouveaux drames. Le phénomène touche essentiellement les adolescents. Plus le temps passe, plus on leur découvre de nouvelles facettes à ces sites communautaires. De nos jours, ils sont tellement performants qu’ils permettent à des hommes politiques d’accéder facilement au pouvoir. On l’a vu avec l’élection du président américain Donald Trump. La société d’analyse de données Cambridge Analytica l’aurait aidé à gagner, en 2016, en collectant sur Facebook des informations personnelles de millions d’usagers. Et bien sûr, sans leur consentement. 
Le grand penseur Karl Marx comptait sur «l’intellect général» ou «la pensée dynamique universelle» pour renverser la donne et rétablir les équilibres sociaux. Il s’est trompé sur toute la ligne. Les algorithmes ont pris le dessus. Ils façonnent notre monde. 
Enfin, les réseaux sociaux ne poussent pas toujours à la sociabilité. Bien au contraire. Leur utilisation excessive favorise l’isolement. Beaucoup d’internautes ne possèdent plus que des amis virtuels. Ils passent le plus clair de leur temps cloîtrés chez eux à surfer sur internet. Ils se retrouvent ainsi dans la solitude, coupés des vrais échanges humains, plus constructifs. Il faut dire que les moyens de communications n’ont jamais été aussi performants dans tous les pays du monde, mais, au même temps, les relations humaines ne se sont jamais autant détériorées. Cet isolement devient source de souffrance invisible. On devrait en parler davantage. 
 
Leurs avantages
Des réseaux sociaux émanent donc le mal, mais aussi le bien, comme dans toute chose de la vie. Ils ressemblent parfois à des cours de récréation où l’on vient, pendant son temps libre, semer l’humour, partager ses coups de cœur, se détendre, découvrir et faire découvrir des connaissances. C’est aussi une nouvelle tribune d’expression et un nouvel espace de débat pour tous les citoyens. Sans distinction aucune. 
En Algérie, à titre d’exemple, l’agora du village ou le petit coin du quartier où l’on aime se rassembler entre hommes tendent à disparaître. 
Depuis quelques années, inutile de mettre le nez dehors pour retrouver ses voisins, pour échanger avec eux, des heures entières, autour de l’actualité ou sur les affaires communes du village ou de la cité. On peut maintenant le faire derrière son écran. Les lieux ont trouvé leur place dans l’immensité du monde virtuel. Des pages réservées à des villages se créent régulièrement. Des groupes dédiés à des cités urbaines s’y forment. Les femmes qui n’étaient pas admises autrefois dans ces espaces physiques trouvent leur place dans leur nouvelle forme virtuelle. Elles sont ou vont sur ces pages et ces groupes. Elles échangent avec les autres membres, femmes ou hommes. Elles proposent des projets, émettent des remarques, formulent leurs pensées, débattent des idées. Ce changement est nouveau pour notre société masculine. Il tend pourtant à devenir naturel aux yeux de tous. 
D’un autre côté, les réseaux sociaux incitent leurs utilisateurs à apprendre les langues pour être pleinement avec les autres, les comprendre et mieux se faire comprendre. C’est comme ça que ceux qui se débrouillent déjà un peu en écriture entreprennent d’améliorer leur orthographe et ceux qui ont quitté très tôt les bancs de l’école se motivent pour réapprendre à lire et à écrire. 
Partis avec un bagage linguistique constitué seulement de quelques mots, certains construisent maintenant des phrases complètes dans plusieurs langues, grâce à leur présence sur internet. D’autres arrivent à rédiger des paragraphes entiers, tout en continuant d’apprendre. Ils enrichissent leurs styles quotidiennement. Ils lisent. S’instruisent. Ils cherchent à s’informer. Une nouvelle forme de journalisme a d’ailleurs émergé avec le développement des sites communautaires : c’est le journalisme citoyen. Au péril de leurs vies parfois, des personnes engagées et dévouées à leurs causes proposent aux internautes des informations gratuites et de qualité. 
Fait nouveau également, le web vient s’ajouter aux canaux traditionnels pour nous faire découvrir des écrivains de notre temps ou oubliés, des poètes, des plasticiens, des comédiens, des scientifiques et autres créateurs talentueux. 
Les réseaux sociaux sont, par ailleurs, devenus un nouveau terrain où démarrent, souvent avec succès, de nombreuses actions de solidarité, mais aussi des mobilisations citoyennes. En 2011, ils ont joué un rôle capital dans ce que la presse mondiale a appelé «les révolutions arabes». Ils ont donc, dans un passé récent, fait tomber des régimes autoritaires. De nos jours, ils font trembler certains gouvernements, qui, en représailles, cherchent à les contrôler, à les censurer. Les réseaux sociaux transforment, en somme, de façon radicale, autant les individus que nos sociétés. Dans le bon comme dans le mauvais sens. Qu’en sera-t-il de cette transformation ? Cessera-t-elle de s’opérer ou, au contraire, va-t-elle s’accentuer ? L’avenir nous le dira.  
M. A.

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