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Lettre au peuple algérien

Photo : Samir Sid
Photo : Samir Sid

 

Par Ali Benflis
Grand peuple algérien,
Nous nous apprêtons à célébrer le soixante-cinquième anniversaire de la Révolution de Novembre qui a fait la grandeur et la gloire de notre pays. A cette occasion, j’ai tenu à m’adresser aux Algériennes et aux Algériens pour les féliciter, pour nous incliner, ensemble, à la mémoire des martyrs de la Nation qui sont tombés pour qu’elle se relève et qui ont payé de leur vie le prix de sa liberté et de la réappropriation de la maîtrise de sa destinée et pour renouveler notre considération et notre reconnaissance méritées à nos vaillants Moudjahidine.
Aujourd’hui plus que jamais auparavant, la grande Révolution de Novembre nous impose un cap, des repères et une source d’inspiration inépuisable. C’est dans son message et dans ses enseignements qu’il nous est toujours possible de retrouver la force et le génie de protéger et de défendre l’Etat national qu’elle nous a légué comme notre patrimoine commun le plus inestimable.
En effet, notre pays vit une crise politique, économique et sociale d’une exceptionnelle gravité. Cette crise n’est pas de nature ordinaire. Elle n’est pas la résultante de dysfonctionnements ponctuels aisément réparables. Elle n’est pas une crise cyclique comme il peut en survenir régulièrement dans la vie des Nations qui n’est pas toujours une vie insouciante et paisible.
Cette crise est la crise d’un système politique dans son ensemble. C’est la crise d’une certaine conception du pouvoir et de son exercice. C’est la crise d’un régime politique dont le sens et la finalité ont été dénaturés. C’est la crise d’une certaine forme de gouvernance demeurée engoncée dans des archaïsmes de toutes sortes.
L’on ne peut indéfiniment et impunément tenir la citoyenneté pour quantité négligeable, balayer la souveraineté populaire d’un revers de main, bafouer les droits et les libertés et prétendre bâtir une République citoyenne et un Etat de droit.
L’on ne peut indéfiniment et impunément s’affubler de fausses légitimités et de fausses allégeances et prétendre bâtir un ordre démocratique dont l’on ne retiendrait que les formes trompeuses et dont l’on oublierait, par commodité, le fond particulièrement exigeant.
L’on ne peut indéfiniment et impunément entretenir des visions et des cultures passéistes du pouvoir et prétendre aspirer à la modernité politique, économique et sociale.
L’on ne peut indéfiniment et impunément laisser s’organiser l’étouffement de la liberté d’initiative et de l’esprit d’entreprenariat, l’essor du clientélisme économique, la course à l’enrichissement illicite et l’expansion de la grande criminalité politique, économique et financière et prétendre bâtir une économie productive, compétitive et innovante.
L’on ne peut indéfiniment et impunément dévaloriser le travail, disqualifier l’effort, battre en brèche l’égalité des chances, creuser les inégalités et prétendre construire une société harmonieuse, juste et solidaire où chacun a le droit à une vie digne et décente.
La grave crise que vit notre pays n’a pas été inattendue ou soudaine. Elle n’a pris personne par surprise car elle venait de loin. Elle a couvé et gagné en ampleur deux décennies durant avant de se dévoiler à nos yeux dans toutes ses dimensions attristantes et choquantes.
Nous devons nous avouer à nous-mêmes que l’héritage est bien lourd. Nous nous devons de regarder la réalité en face et avoir le courage de reconnaître qu’elle est difficile. Mais c’est dans l’épreuve que se révèlent les femmes et les hommes au caractère trempé. C’est dans l’adversité que s’exprime, avec le plus de force, le génie des grands peuples et c’est par des défis renouvelés et toujours relevés que se construisent les Nations les plus grandes.
Avec le temps des crises vient toujours le temps du devoir à accomplir et des responsabilités à assumer. Chacun d’entre nous est alors seul face à ses convictions et à sa conscience. Et en ces instants décisifs, seuls comptent ce que les convictions imposent et ce que la conscience dicte.
C’est donc en parfait accord avec mes convictions et en totale harmonie avec ma conscience que j’ai longuement mûri puis pris la décision de prendre part à la prochaine élection présidentielle. Mes convictions et ma conscience sont ce qu’elles sont, je n’en ai pas de rechange. Ce sont elles qui m’ont fait tel que je suis et tel que je n’ai jamais cessé d’être : un patriote pour lequel rien ne compte plus que le service de son pays, que les responsabilités les plus exigeantes n’effraient pas et auprès duquel l’appel du devoir ne peut rester sans écho. Mon parcours témoigne abondamment de ce que je ne suis ni un homme de clan, ni un homme de système ni un homme de pouvoir. J’ai le sens de l’intérêt général chevillé au corps. Je tiens le service de l’Etat pour la valeur la plus noble. Et le pouvoir n’a de sens pour moi que mis au service d’une vision et d’un projet pour notre pays et d’une mission à accomplir à la satisfaction de notre peuple. Cette terre sacrée mérite tant de tous ses enfants quoi qu’ils pensent et où qu’ils se situent. Je suis l’un des siens et c’est à elle, et à elle seule, que vont ma fidélité, ma loyauté et mon allégeance, sans conditions et sans restrictions.
En décidant de participer à la prochaine élection présidentielle, seuls deux constats ont compté pour moi et ce sont eux qui ont prévalu sur tout le reste : le constat de ce que notre pays était entré dans la zone de tous les dangers et qu’il fallait l’en sortir au plus tôt ; et le constat de ce que notre pays était pris dans un engrenage périlleux qu’il fallait impérativement arrêter quoi qu’il en coûte en efforts et en sacrifices.
Ces deux constats sont incontestables et ils ont suffi à emporter ma décision car je considère que notre peuple ne possède rien de plus précieux que l’Etat national qu’il faut préserver, protéger et défendre.
L’élection présidentielle ne se tient pas dans les conditions idéales que notre peuple était en droit d’attendre. Mais elles peuvent être acceptables dès lors qu’elles s’astreignent à assurer l’intégrité, la régularité, la transparence et l’impartialité de ce scrutin. J’ai l’intime conviction que ce qui a été concédé pour permettre son déroulement ne l’aura pas été en vain et qu’il n’entame en rien leur aptitude à constituer le point de départ véritable du changement et du renouveau dont notre pays a besoin et que notre peuple attend.
L’état préoccupant de notre pays n’autorise ni hésitation ni atermoiement. L’heure n’est ni au calcul, ni à la tactique, ni à la manœuvre. Il n’y a pas de devoir plus grand et de responsabilité plus lourde que ceux de répondre à l’appel de l’Etat national en péril.
Ma candidature à l’élection présidentielle est une réponse à cet appel aux côtés de nos compatriotes qui se retrouvent autour du projet de modernisation politique, économique et sociale de notre pays.
La prochaine élection présidentielle n’est pas une fin en soi. Elle a une raison d’être, c’est celle d’extraire le pays de la zone de dangers ; elle a un sens, le sens de l’Histoire, celui de permettre à notre pays de mettre le cap sur la République citoyenne et l’Etat de
droit ; elle a une finalité et c’est celle de bâtir un Etat moderne, puissant et prospère en harmonie avec son environnement et avec son temps.
Les élections présidentielles ne sont que le début d’un parcours long et ardu. Il y a un nouveau modèle politique, un nouveau modèle économique et un nouveau modèle social à inventer et à bâtir. Les attentes de notre peuple sont impatientes et pressantes. Le pays a accusé trop de retards et accumulé trop de reculs pour se permettre de différer, une fois encore, l’indispensable œuvre de transformation et de changement.
J’irai donc à la rencontre de nos concitoyennes et de nos concitoyens avec un programme d’urgence nationale car il existe dans le pays une urgence politique, une urgence économique et une urgence sociale dont il importe d’assurer la prise en charge et le traitement sans plus tarder. Ce programme d’urgence nationale porte sur un changement global ayant pour but la modernisation politique, économique et sociale du pays.
Ce programme d’urgence nationale je le conçois en droite ligne des revendications justes et légitimes de la révolution démocratique pacifique bâties autour de la République citoyenne et de l’Etat de droit.
Ce programme d’urgence nationale, je le conçois aussi, comme une course contre la montre qu’il nous faut impérativement remporter en remettant au plus tôt l’Etat national en ordre de marche avec des institutions légitimes du sommet à la base, en contenant l’effondrement économique, en enrayant la régression sociale et en mobilisant notre peuple autour d’un projet national dans lequel, il pourra, enfin, voir une traduction fidèle de ses ambitions, de ses aspirations et de ses espoirs.
Ce programme d’urgence nationale, je le conçois, enfin, comme un ensemble de priorités absolues, politiques, économiques et sociales sur lesquelles nous aurons à nous concerter et à nous entendre et autour desquelles nous aurons à réussir la mobilisation la plus large tant elles seront exigeantes en efforts et en sacrifices équitablement partagés.
L’Histoire nous enseigne que lorsque sonne l’heure des changements déterminants pour leur avenir, les grandes nations savent unir les rangs, dépasser les clivages et se rassembler autour d’un projet national d’où elles tireraient les ressorts de leur marche en avant. Il n’y a pas de grand changement sans grand rassemblement.
Le programme d’urgence nationale que je soumets à nos compatriotes n’est pas l’affaire d’un seul homme, quelle que soit sa légitimité. Il n’est pas l’affaire d’un seul parti, quelle que soit l’envergure de sa base politique et sociale. Il n’est même pas l’affaire d’une seule majorité politique, quel que soit son poids dans l’échiquier politique national. Ce sont les grands peuples eux-mêmes qui conduisent les grands changements.
C’est à ce défi-là que le peuple algérien est aujourd’hui confronté. La portée de mon programme d’urgence nationale n’est pas de parer au plus pressé. Ce programme n’offre pas seulement une voie de sortie de crise mais vise plus haut et plus loin. C’est un projet national qui ouvre des perspectives d’avenir à notre pays et lui propose de nouvelles ambitions rassembleuses.
Avoir l’insigne honneur et l’incomparable privilège de servir son peuple se mérite. J’irai donc à la rencontre de notre peuple pour mériter cet honneur et ce privilège et gagner sa confiance. De ma main, je lui délivrerai deux messages. Un message de franchise que me dicte le devoir de vérité quant à la situation difficile que vit notre pays ; et un message d’espoir en notre résilience collective et en notre capacité à relever les défis les plus grands dès lors que nous nous mettons en position de leur faire face, rassemblés, déterminés et unis.
Un grand moment de l’Histoire de notre pays est en train de s’écrire. C’est à nous qu’il revient, désormais, de lui dicter ce qu’elle retiendra de nous.
A. B.

 

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