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Rubrique Contribution

OCTOBRE 1988-OCTOBRE 2018 Trente ans déjà et le débat continue

Par Amar Benamrouche

De nombreux écrits et témoignages, parfois contradictoires voire polémiques ont tenté d’expliquer les événements qui ont eu lieu, en Algérie, le 5 octobre 1988. Ici, une récapitulation des principales thèses en présence.
Du côté des acteurs
- Pour Khaled Nezzar, général major à la retraite, ancien ministre de la Défense (1990- 1993), «Il ne s’agissait que de contestations publiques fomentées en prévisions du congrès du F.L.N, dans l’espoir de conforter certaines tendances au pouvoir. La manifestation échappant à ses artisans ne manquera pas d’être chevauchée par toute une cohorte de forces de toutes obédiences » (Devoir et vérité. El- Watan, 15 mai 1996).
- Un autre général à la retraite, Rachid Benyellès, haut responsable responsable militaire au moment des faits, attribue les événements d’octobre 1988 à l’ex-parti communiste (le P.A.G.S) qui, «profitant de la dégradation de la situation sociale», aurait appelé à des grèves sectorielles (zone industrielle de Rouiba…) et à une grève générale pour le 5 octobre 1988.
Pour lui, le P.A.G.S voulait passer à l’action afin d’obtenir l’annulation des dispositions de l’article 120 des statuts du FLN (en 1982, le FLN introduit explicitement dans ses statuts organiques un article, le 120e qui stipule que les postes de responsabilité au sein de ses organisations satellites — syndicats, organisations des femmes, des jeunes… — sont réservés aux seuls militants de ce parti. En réalité, ils visaient principalement les communistes qui détenaient de solides positions dans les syndicats et les organisations de masse) dispositions qui, aux yeux des responsables du P.A.G.S, les auraient empêchés d’accéder aux postes de commande les plus sensibles. (Les événements d’octobre 1988. La Tribune, 28 mai 1996)
- L’assertion de Rachid Benyellès a donné lieu à une longue réplique de l’un des principaux responsables du PAGS, devenu successivement responsable de Ettahadi, et du Mouvement démocratique et social (M.D.S), formations politiques issues du parti communiste. En substance, Hachemi Cherif (décédé en 2005) considère que «si on ne peut réduire le mouvement d’octobre à des intrigues, il n’est pas juste non plus de sous-estimer le rôle des intrigues, et plus clairement, des luttes internes au pouvoir dans le déclenchement de ses évènements » Il inscrit ceux-ci dans le sillage des grèves d’usine, des manifestations et grèves des jeunes et des lycéens, et d’une manière plus générale des manifestations populaires pour exiger de meilleures conditions de vie qui ont jalonné les années 1980. D’après lui ,la répression et les arrestations qui ont suivi les évènements ont privé ce mouvement social d’une direction politique potentielle. En procédant à ces arrestations, le pouvoir de Chadli Bendjedid a permis «l’intrusion des islamistes sur la scène politique » en leur donnant la possibilité de devenir les porte-paroles d’un mouvement de contestation qu’ils n’avaient jamais initié, soutient-il. (Autopsie d’une contribution de Rachid Benyellès ; La Tribune, 18 juin 1996).
D’autres observateurs ont abordé la question
- Le journaliste et essayiste Abed Charef (Octobre. Alger : Editions Laphomic, 1990) soutient la thèse selon laquelle les événements d’octobre sont le résultat d’un conflit entre des clans au niveau du pouvoir. L’auteur décrit une situation conflictuelle aiguë dans le monde du travail à la veille des manifestations ; situation sur laquelle se serait appuyé l’un de ces clans, dans une perspective de manipulation.
- Pour le sociologue Lyès Boukra, octobre fut la résultante d’une convergence entre un conflit non tranché au sommet de l’Etat et de ses appareils et un sentiment de ras-le-bol, de mécontentement généralisé à la base (Entretien avec Mohamed Zaoui, dans : Algérie : des voix dans la tourmente. Paris : Le Temps des cerises, 1998).
- Un autre sociologue (M’hamed Boukhobza, assassiné en 1993), situe ces événements comme résultats d’une crise née de la chute des prix des hydrocarbures survenue deux années auparavant ; et ayant mis le pouvoir face à des problèmes multiples, d’investissements, de création d’emplois, et de satisfaction des besoins sociaux. Cette crise, n’étant pas apparente dans un premier temps, s’est trouvée, en ce moment là, une issue pour s’exprimer (Entretien avec Mohamed Zaoui, in : Des voix dans la tourmente). Dans cet entretien, l’auteur reprend, en la synthétisant, l’analyse qu’il a développée dans un ouvrage paru en 1991(Octobre 88. Evolution ou rupture ? Alger : Ed. Bouchène, 1991) dans lequel outre l’explication des causes économiques qui ont présidé aux événements, il situe ceux-ci dans la longue durée, comme résultats de la «relation ambigüe entre la société et l’Etat».
- Dans une étude sur les mouvements sociaux et leur relation au politique, nous avons situé-à l’instar d’autres analysesles manifestations d’octobre 1988 comme résultats des manifestations populaires de type régional qui ont caractérisé la décennie 1980 (la Kabylie en 1980, l’Oranie en 1982, le Constantinois y compris Sétif en 1986). Ces manifestations régionales ont constitué les vagues de fond, préludes à la grande manifestation nationale. Des corrélations ont été faites entre les niveaux des grèves sectorielles (grèves d’usines) et les manifestations de rue : les grèves d’usines atteignent cette année là (1988) leur niveau le plus élevé depuis 1962. Tout s’est passé comme si ces manifestations, relançaient les grèves à caractère économique en leur donnant un nouveau souffle dans un contexte, ne l’oublions pas, de gestion serrée » de la force de travail (le nombre de grèves d’usine passe de 648 en 1987 à 1933 en 1988).A leur tour, les conflits de travail «débordaient» l’usine, faisant de la rue un véritable exutoire. Ainsi et avec octobre 1988, nous avons assisté alors «à une sorte de décloisonnement entre les différents espaces sociaux, à un phénomène de ‘’désectorisation’’ propre aux situations de crise politique» (Amar Benamrouche, Grèves et conflits politiques en Algérie, Paris : Editions Karthala, 2000).
- Dans un ouvrage paru en 2012 (La démocratie en Algérie. Réforme ou révolution ? Alger : Apic/Lazhari Labter /Editions, 2012), Hocine Belalloufi soutient que l’explosion d’octobre 1988 est le résultat d’une convergence objective entre les luttes populaires et la présence au sein du régime d’ un courant libéral plus connu sous l’appellation de «groupe des réformateurs de la présidence » ; favorable au multipartisme, au pluralisme syndical et d’une manière plus générale aux libertés démocratiques.  
Ce courant libéral se serait opposé à un courant bureaucratique partisan du statu quo .La thèse de l’auteur peut être résumée dans l’assertion suivante : «Les luttes populaires et la crise du régime constituent (…) deux phénomènes autonomes-mais pas indépendants- qui convergèrent durant toute la décennie quatre-vingt avant de fusionner le 5 octobre pour provoquer une explosion politique historique qui débouchera sur l’ouverture d’une transition démocratique». Dans ce contexte, peut-on parler de manipulation ou d’instrumentalisation ? L’auteur reste prudent : «S’étant avéré incapables de s’emparer du FLN pour en faire l’instrument politique de la libéralisation économique, les libéraux devaient impérativement contourner ce parti pour se structurer et asseoir leur propre base sociale. Fallait-il pour cela en passer par la rue ? En l’absence d’enquête sérieuse et du fait de la non-ouverture des archives officielles, il s’avère difficile de l’affirmer avec certitude».
A. B.

 

 

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