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Rubrique Ici mieux que là-bas

Je l'appelle kahlouche mais je ne suis pas raciste !

Le racisme ? Il est partout, toujours et à des degrés divers d’actualité. Seulement, ça dépend de la façon dont les sociétés le reçoivent et le traitent. Dans une époque dominée par les Trump aux USA avec toute leur influence, par les Viktor Orban en Hongrie, les Salvini en Italie, les Le Pen et autres Zemmour en France, et j’en passe, il n’est pas étonnant que le racisme retrouve un second souffle.
Lorsqu’en France, Robert Faurisson, l’historien d’extrême-droite raciste et révisionniste, meurt et est enterré – ça ne s’invente pas— à Vichy, il peut reposer en paix, il nous a laissé ses émules. A preuve, la mésaventure qui est arrivée à son corps défendant à notre ami, l'écrivain Akli Tadjer.
Dans un établissement secondaire de Haute-Somme, en France, des élèves de classe de 1re ont refusé de lire son roman, Le Porteur de cartable, recommandé par leur professeur, sous prétexte que l’auteur n’était pas... français et que le texte comportait des mots en arabe. L’un des élèves a poussé le ridicule jusqu’à refuser de lire à haute voix un extrait pour ne pas avoir à prononcer le nom Messaoud. Mis au courant par l’enseignante outrée par l’attitude illégale(1) de ces élèves, l’auteur, Akli Tadjer, pourtant rodé aux débats en milieu scolaire, a résumé son sentiment par ces mots : «Merci Zemmour !»
Mais nous, Nord-Africains, on peut avoir la schizophrénie d’être victimes en Europe et bourreaux chez nous. On a, bien entendu, raison de nous plaindre et de nous battre contre les discriminations que nous subissons en Europe du fait de nos origines et de notre histoire. Mais nous avons aussi le devoir de reconnaître que des actes racistes sont commis chez nous.
Pire encore. En Europe, au moins, il existe un arsenal juridique destiné à réprimer ces atteintes à la Charte universelle des droits de l’Homme. Chez nous, rien de tel. En Afrique du Nord, et peut-être en particulier en Algérie, un fonds de racisme singulièrement anti-Noirs, tapi dans les recoins les plus obscurs de notre inconscient collectif, s’est ostensiblement et scandaleusement exprimé à la faveur de la crise des réfugiés qui a suivi les Printemps dits arabes, et en particulier l’implosion de la Libye par Sarkozy et l’étrange «daeshisation» du Mali. L’Etat, qui aurait dû arbitrer en faveur des droits humains, donc des réfugiés, a souvent, par la voix d’hommes du pouvoir, exacerbé le racisme ordinaire latent d’une partie des Algériens.
Quelques faits. La condamnation du racisme par le code pénal algérien (art. 298 bis) ne semble pas faire obstacle à des prises de position pour le moins transgressives de la part des officiels algériens. Ahmed Ouyahia, actuel Premier ministre, soutenait en 2017 la pertinence du mur érigé par Donald Trump pour contenir les flux migratoires mexicains. 
Quand les consciences progressistes du monde entier dénonçaient cette politique des murs, l’un des plus hauts responsables d’un pays que son histoire a façonné en gisement migratoire, l’Algérie, exaltait au contraire cette politique de l’exclusion.
Plus explicite encore, Ahmed Ouyahia déclarait que les étrangers en situation irrégulière étaient «une source de crimes, de drogue et de plusieurs autres fléaux». Il désignait, bien entendu, les migrants subsahariens. Une députée, célèbre pour son tonitruant racisme anti-Kabyle, Naïma Salhi, pour ne pas la nommer, renchérit plusieurs octaves au-dessus, en déclarant que les migrants «ramènent avec eux des maladies et de la sorcellerie».
Quand ce type de propos est tenu à un si haut niveau de l’Etat ou de la représentation nationale, il ne faut pas s’étonner que des campagnes anti-réfugiés laissent libre cours à un déchaînement de haine.
Petit souvenir personnel. L’année dernière sur Facebook, j’essayai d’appeler à la raison. Recevoir les réfugiés avec le même humanisme qu’avaient mis nos voisins marocains et tunisiens à accueillir les Algériens durant la guerre de Libération me paraissait faire preuve d’un minimum de solidarité de la part d’un peuple ayant souffert du déracinement et même du racisme. Eh bien, je me suis fait traiter de tous les noms ! 
Encore une fois, notre voisine de l’Est, la Tunisie, prend de l’avance sur les pays d’Afrique du Nord concernant ce type de question sociétale. Après la loi pionnière sur l’égalité homme-femme devant l’héritage, le Parlement tunisien a le courage de mettre sur la table la question du racisme.
Le 9 octobre 2018, après deux années de débats parlementaires, une loi criminalisant la ségrégation raciale a été adoptée par l’Assemblée des représentants du peuple. Score : 125 voix pour, 5 abstentions et une voix contre.
Parmi ceux qui ont refusé de voter cette loi, il y a, incompréhensiblement, Yassine Ayari, un ancien blogueur de «La Révolution du jasmin».
La loi prise par la Tunisie assure aux victimes de racisme non seulement un cadre de protection légal et une assistance psychologique, mais aussi une indemnisation compensatoire.
Et du coup, l’agression verbale courante dans tous les pays d’Afrique du Nord, qui consiste à dévaloriser une personne en raison de la couleur de sa peau en la fustigeant de «kahlouche», que l’on lance comme si ça allait de soi, peut désormais en Tunisie avoir des conséquences pénales.(2)
A. M.

1) Depuis 1972, la loi Pleven punit, en France, la discrimination raciale. En 1990, la loi Gayssot a renforcé cette législation.
2) Un mois à un an de prison et/ou amende de 500 à 1 000 dinars pour propos racistes visant à dénigrer ou humilier une personne. Peine doublée si la victime est un enfant, une personne en état de faiblesse ou un réfugié. Un an à 3 ans d'incarcération et/ou amende de 1 000 à 3 000 dinars pour l'agresseur qui contribue à répandre un discours haineux ou qui fait l'éloge de pratiques raciales.

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