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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie El Wahch venge ses congénères

Boualem, de petite taille, maigre et peu courageux, n’a jamais su se défendre contre les enfants de son âge, à l’école comme au quartier. Il était très vite devenu leur souffre-douleur, il a appris à raser les murs et à se tenir loin des attroupements pour ne pas être la cible des quolibets et des humiliations de ceux qui s’acharnent à le ridiculiser.
En classe, il redoutait de sortir en récréation où on l’attendait pour lui voler   son sandwich et le racketter.  Il se laissait dépouiller sans réagir ou se plaindre auprès des surveillants ou de ses parents de crainte de représailles de la part de ses détrousseurs. Cela dura toute sa scolarité, d’où son surnom de «Faâcha», qui voulait dire mauviette dans le langage des jeunes de l’époque.
Ne pouvant supporter plus longtemps le calvaire qu’il vivait, et pour s’extirper de l’emprise de ses bourreaux, il décida d’arrêter ses études dès la fin de son cycle primaire. Ni les supplications de sa mère ni les menaces et punitions de son père ne réussirent à lui faire changer d’avis. Il a pu tenir tête à ses géniteurs qu’il savait beaucoup plus cléments que tous ceux qui le harcelaient dès qu’il mettait le nez dehors.
«Ah ! si j’étais un peu plus costaud et plus courageux, je leur ferais voir...» Hélas, son physique presque rachitique et la trouille qui lui tordait les entrailles dès qu’il se retrouvait face à un adversaire qui le toisait méchamment sont des handicaps impossibles à surmonter.
Un jour, en assistant à un combat de béliers à quelques jours de l’Aïd-El-Adha, il eut l’idée d’avoir un allié capable de le venger. Il supplia son père, qui n’avait pas encore acheté de mouton, d’en choisir un ayant les plus grandes et les plus impressionnantes cornes.
Le papa accéda à la demande de son fils. Boualem pouvait ainsi pérorer avec sa belle bête. Les moutons aux petites cornes des autres enfants ne faisaient pas le poids devant celui de Faâcha. Il prenait enfin sa revanche. Aucun de ses détracteurs n’osait défier son ami à quatre pattes.
Il y a eu quelques combats, et le bélier de Boualem sortait presque toujours vainqueur après uniquement deux ou trois puissantes charges, les ovins battus pliaient pattes ou refusaient carrément de poursuivre la confrontation en tournant honteusement le dos à leur adversaire. C’est le cœur en liesse que Faâcha rentrait chaque soir à la maison accompagné de son héros et nouvel ami de compagnie.
Son père a bien sûr essayé de lui expliquer qu’il ne fallait pas jouer à ce jeu, car une bête blessée n’est pas hallal pour le sacrifice de l’Aïd. Mais rongé par la vengeance et assoiffé de gloire, Faâcha n’en faisait qu’à sa tête, il baladait son «compagnon»  à travers tous les quartiers de la ville, et acceptait tous les duels qu’on proposait à la pauvre bête consentante et obéissante à son petit maître.
Le jour de l’Aïd, Boualem pleura des larmes de crocodile, il ne voulait pas que l’on touche à celui qui lui a rendu sa fierté et un peu de courage, même si c’était pour un laps de temps très court. Mais après l’inéluctable sacrifice, il décida de bouder la viande de celui qu’il n’a cessé de persécuter, et ce, jusqu'à sa majorité. Une fois marié et père de famille, il est devenu l’un des plus grands organisateurs de combats de béliers. Il n’hésitait pas à débourser des sommes inimaginables pour l’acquisition de bêtes fortes et agressives. Plus question de mettre à mort un champion qui pouvait lui apporter des sommes colossales lors des paris entre  amateurs de ces joutes violentes et meurtrières.
Quand un de ses béliers gagnaient un combat et lui procurait un beau pactole, il était choyé, soigné et très bien nourri ;  mais si par malheur il est battu, c’est sans aucun état d’âme qu’il l’envoyait à l’abattoir. Il était clair qu’il n’affectionnait pas particulièrement les animaux, ce qui l’intéressait ce sont les gains qu’ils lui rapportaient et ce sentiment de puissance qu’il en tirait quand un de ses béliers remportait une victoire. Il lui arrivait souvent d’attribuer un pseudo glorieux et prestigieux, comme Antar, Feraoun, Hercule… à son «valeureux combattant».
Plusieurs pauvres bêtes y ont laissé la vie pour satisfaire les  pulsions criminelles de Faâcha. Pour se donner bonne conscience, monsieur se prosternait devant Dieu et s’exhibait toujours souriant à la mosquée. L’imam, ayant entendu par l’intermédiaire de quelques fidèles les supplices qu’il faisait subir à d’innocentes bêtes, s’approcha un jour de lui :
- Mon fils, l’argent que tu récoltes en faisant souffrir des créatures de Dieu est un péché. 
 Faâcha répliqua méchamment :
- Dans la nature, tous les animaux se battent entre eux ! Ils ne m’ont pas attendu pour cela.
- Sache qu’ils ne se défient que pour désigner le mâle dominant qui doit assurer la survie de l’espèce et non pour le plaisir et les gains comme tu le fais mon fils. Ces malheureuses bêtes ont toutes une âme et les tortures que tu leur fais subir risquent un jour de te porter malheur.
Pensant que ce n’était que des paroles d’un vieux radoteur, et faisant fi de ses avertissements, Boualem continua à dresser et conditionner ses béliers pour qu’ils deviennent de véritables machines à tuer.
Il n’était pas le seul éleveur de mâles dominants, ses rivaux aussi avaient de redoutables combattants à quatre pattes, et les champions de Faâcha finissaient toujours par trouver plus fort qu’eux,  jusqu’au jour où il a entendu parler  d’El Wahch, un bélier aux mensurations et cornes imposantes qui n’a encore jamais perdu un seul combat. Il fit le voyage de  Béjaïa  à Annaba où se trouvait la bête de ses rêves. Il s’est fait conduire chez le propriétaire du fameux guerrier et lui proposa d’emblée la faramineuse somme de cinquante millions de centimes pour l’acquisition de son champion. L’éleveur le lui céda sans trop tergiverser, car il savait qu’il l’avait chargé à maintes reprises, donc trop dangereux à garder chez lui,  il avait peur pour ses enfants. Le vendeur, un homme honnête, avait averti Boualem de la dangerosité de sa bête.  «Je vais l’attacher avec une grosse chaîne en fer dans l’écurie», avait répondu l’acheteur. 
C’est en pérorant qu’il fit son retour dans son fief. «A moi les millions des paris !» s’était-il dit.
Effectivement, durant un mois, El Wahch terrassa tous ses adversaires, à la grande satisfaction de Faâcha, qui commençait à se remplir les poches.
Mais un jour en allant le chercher pour un autre combat, il trouva le bélier détaché, il avait réussi en tirant de toutes ses forces sur la chaîne qui le retenait à déterrer le piquet enfoncé au sol où était fixée son attache.
En voyant son tortionnaire devant lui, El Wahch lui fonça dessus, la charge fut fulgurante. Ses énormes cornes percutèrent avec une impressionnante violence le bas ventre de Faâcha qui poussa d’horribles cris de douleur. Les personnes venues assister au combat se ruèrent à l’intérieur de l’écurie pour lui porter secours.
 Ils se retrouvèrent à leur tour face à la bête furieuse ; du statut de spectateurs, ils devinrent les adversaires directs du bélier. 
Ce fut un vrai carnage. Plusieurs en porteront les stigmates sur les fesses et autres partis du corps pendant de nombreuses semaines. Il a fallu plusieurs  hommes et de heures pour maîtriser l’animal déchaîné.
Le plus touché c’était Faâcha, il fut conduit à l’hôpital en urgence, le diagnostic ne tarda pas à tomber, les parties génitales sont écrabouillées. 
On lui expliqua qu’il venait de subir une grave castration et que plus jamais il ne pourra  procréer.
Son hospitalisation dura plusieurs jours. Sur son lit, les jambes élevées et écartées, les visiteurs se retenaient pour ne pas éclater de rire. Quand on lui demandait  où il avait mal et ce qu’il lui était arrivé, il rougissait et bafouillait. Il lui était impossible de répondre. Il avait honte.
 A sa sortie d’hôpital, il jura de ne plus jamais s’approcher d’une bête à cornes.

 

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