En regardant la vidéo, je buvais les paroles de cette femme qui racontait, avec une douceur exquise, un sourire qui ne quittait pas ses lèvres, l’histoire de sa vie. Une enfant adoptée à l’âge de deux ans par des parents qu’elle décrivait comme des anges.
«Ils n’avaient pas le compte en banque de Bill Gates, ils étaient humbles, loin des projecteurs, discrets, ils avaient une maison modeste, mais chaleureuse pour accueillir 12 enfants de plusieurs nationalités, les élever, les aimer comme leurs propres enfants. On ne manquait de rien. Il y avait mon frère André qui était arrivé d’un pays subsaharien le visage brûlé ; il avait perdu la vue. Dans la rue, tout le monde fuyait, on lui disait souvent d’ôter son masque. Il y avait aussi ma petite sœur Julie. Elle est arrivée chez nous a cinq ans, elle était toute violence, elle griffait, frappait, mordait tous ceux qui l’approchaient. Elle avait vécu avec une mère violente qui la battait parce qu’elle ne répondait pas lorsqu’elle l’appelait. Elle n’avait pas remarqué qu’en fait elle était sourde. Elle a tout simplement fini par l’abandonner.
Le jour où André est rentré à la maison, Julie avait peur de lui, de son visage, mais petit à petit, en découvrant qu’il ne voyait pas, elle le prit par la main et lui fit visiter notre demeure. Et puis un jour il y a eu Christophe, deux ans, qui n’avait ni bras ni jambes et qui paraissait un bébé de six mois. Ce jour-là mes parents avait une fois de plus sauter le pas, pris le risque, sachant que cela allait être dur pour eux, pour tout le monde. Maman nous a réunis et nous a demandé de réfléchir avant de lui donner notre accord sur son adoption, car ce sera dur pour nous. Que nous devions tous nous en occuper car Christophe aurait besoin de notre aide tous les jours.
On a dit oui. Et il est devenu champion de tir à la carabine. Mes parents que beaucoup prenaient pour des fous nous ont ainsi appris que, dans la vie, il faut prendre des risques, sauter le pas. Je l’ai fait en abandonnant mon métier, car j’ai compris que des gens exceptionnels comme mes parents existaient de par le monde, qu’il fallait les trouver, les faire connaître. Que ces gens-là étaient heureux dans leur folie car ils donnaient du bonheur aux autres.»
