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Rubrique Le Soirmagazine

Eclairage Deuil périnatal, mettre des mots sur une douleur

Accoucher d'un bébé décédé ou qui va mourir, c'est aussi reconnaître cet enfant, la maternité et la parentalité qui lui est associée. Qu’est-ce qu’un deuil périnatal ? Comment aborder le sujet avec les parents ? Comment les aider à surmonter cette difficile étape ? Pour répondre à ces questions, Soirmagazine vous propose, dans ce numéro, un éclairage sur ce sujet méconnu mais qui touche des milliers de couples.

Donner la vie ! Cette phrase résume à elle seule tout l’espoir qu’a la maman en apprenant qu’elle est enceinte. Et pourtant, ce même propos prend un sens funeste pour d’autres parents. C’est lorsqu’il s’agit d’un mort-né. Ce décès est une épreuve dure et est l'une des plus éprouvantes à l'échelle des émotions humaines. En ce sens que donner la vie s'associe immédiatement à la mort et remet en cause le sentiment de vie et de protection, impliqué dans le processus de maternité. C’est ce qui a amené les psychologues à prendre en considération cette douleur pour les aider à surmonter et à vivre en paix avec ce décès.

Comprendre son deuil
Le mot périnatal désigne tout ce qui entoure la naissance, il concerne les décès d'enfants pendant la grossesse ou pendant la naissance ou encore durant les premiers mois de vie de l'enfant. La définition concernant le deuil périnatal n'est pas figée ; cependant, la limite de cette appellation va jusqu'à la première année de vie de l'enfant. Bénédicte Mouton, psychologue, explique : «Le deuil périnatal peut survenir à divers moments : pendant la grossesse ou l'accouchement, et jusqu'à une semaine après l'accouchement ; la notion recouvre des réalités qui sont assez différentes. 
Perdre un enfant pendant la grossesse, suite par exemple à l'annonce d'un diagnostic médical, et le perdre pendant l'accouchement ou dans les premiers jours de vie, sont des vécus très différents. Même s'ils ont quand même en commun de mettre les parents dans des situations de grands écarts émotionnels. On se situe entre la vie et la mort, et il s'agit souvent d'une perte non anticipée. C'est un remous émotionnel qui va aller toucher des émotions de tristesse, liées à la perte de la grossesse, d'un fœtus ou d'un enfant. Mais c'est également la perte d'une identité pour le couple, qui ne sont, dès lors, plus futurs parents, ou du soutien que l'on pouvait obtenir autour du projet qui était en train de se construire. Si bien entendu la tristesse domine, la colère est également présente.»

Le nécessaire accompagnement 
Céline Bidon-Lemesle, psychologue clinicienne, thérapeute familiale, formatrice, note que «pour certaines femmes, non seulement la grossesse est interrompue mais leur ventre est vécu symboliquement tel un tombeau. Pour d'autres, la grossesse préservait le fœtus, alors que la naissance signe la fin de la vie, ce qui implique une situation psychique insupportable de compte à rebours morbide.» 
Aussi, cette psychologue clinicienne relève que «face à une telle épreuve, il est primordial d'être accompagné(s), et de mettre en place un certain nombre de rituels tant d'un point de vue administratif, matériel que symbolique. 
- Il est régulièrement proposé aux parents de voir leur bébé défunt ou bien d'avoir des photos qu'ils pourront regarder ultérieurement.
- Le bébé est généralement drapé d'un tissu ou d'un petit vêtement (que les parents peuvent donner aux soignants) puis ils peuvent se recueillir le temps nécessaire auprès de lui.
- Des empreintes, des photos, le bracelet de naissance, les vêtements sont restitués... afin qu'une ébauche de roman familial puisse se constituer et donner à la famille les preuves tangibles de la naissance de ce petit, laissant de lui quelques souvenirs.
Puis vient le moment sidérant des démarches administratives et matérielles. Tel un son assourdissant, les parents témoignent de leur difficulté à réagir face aux demandes qui leur  sont formulées, relatives aux suites à donner vis-à-vis du corps de leur enfant (prénom, formulaires à remplir, inscription dans le livret de famille, enterrement...), tant de questions auxquelles il est impossible de se préparer.
Et pourtant, ce sont bel et bien ces démarches qui permettront dans un second temps d'ouvrir au long et douloureux processus de deuil. Celui-là même qui bénéficiera autant à la famille qu'au prochain bébé à venir. Ce bébé défunt, laissant une trace officielle et affective, aura pu être ainsi reconnu dans son identité propre, laissant alors une place neuve à de nouvelles maternités, évitant dans le même temps au futur bébé de vivre dans son ombre mortifère.»

Le rôle de l’entourage
Les psychologues sont unanimes à dire que l’accompagnement de l’entourage est important même s’il est difficile de trouver les mots ou d’avoir peur de faire du mal en évoquant les bébés décédés. Des phrases comme : «je pense à toi et je pense au bébé», «ce que tu dois ressentir est indescriptible, mais on est là, quand tu auras de nouveau envie de nous parler, on sera là. Donne-nous des nouvelles» sont importantes et permettent d’avancer. Contrairement à d’autres propos, comme l’explique  Bénédicte Mouton, psychologue : «Certains membres de la famille ou amis disent aux personnes touchées par ce deuil qu'ils ‘‘en auront d'autres’’. Effectivement, il y en aura peut-être d’ ‘‘autres’’, mais ce sera justement ‘‘un autre’’, un ‘’différent', qui ne remplacera jamais ce lien qu'ils avaient peut-être noué, l'avenir qu'ils avaient projeté avec cet enfant-là, qui était là mais qui n'est plus. Les autres seront d'autres enfants.»

La grossesse d’après
Parfois, la douleur du deuil est diminuée à la grossesse suivante et, pour d'autres, elle réveille ce deuil périnatal antérieur. C’est ce qu’explique Céline Bidon-Lemesle, psychologue clinicienne, thérapeute familiale, formatrice : «Lorsque l'attachement affectif au fœtus peut s'en trouver atténué durant la grossesse suivante, c'est probablement au vu de prévenir une trop grande souffrance en cas de nouveau décès. Cette distance affective et ce moindre investissement signeraient alors la recherche d'une protection. Le temps de la grossesse est un temps d'élaboration psychique. Avant de se préoccuper exclusivement du bébé, la future mère passe par une phase identitaire forte. Elle se concentre sur elle, son histoire passée, elle fait en quelque sorte, le bilan. Et c'est une fois cette analyse terminée qu'elle peut se consacrer pleinement aux besoins du tout petit, se ressentant dans une  ‘‘bulle’’. Dans ce contexte, la grossesse suivante peut soutenir cette dynamique psychique et lui permettre de trouver sa finalité, sa résolution. Ce qui n'a pu se dérouler trouve enfin une continuité et finalité avec cette nouvelle grossesse. 
La femme se sent alors pleinement capable d'enfanter et d'assoir sa posture de mère vis-à-vis de son bébé. Elle se sent enfin légitime. Aussi, vouloir un autre enfant est corrélé au désir de se sentir mère et de combler ce qui est venu à manquer.»  Et de conclure : «Se laisser un temps de latence entre les deux grossesses peut être aussi l'occasion de donner du sens à ce trauma, de composer autour, de créer, de lui consacrer un temps pour qu'il laisse une trace.»  

 

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