Elle presse le pas, se tortille en furetant du regard son entourage pour s’assurer qu’aucun œil indiscret ne la regarde et cherche de ses yeux des toilettes pour soulager sa vessie. Rien ! Dans ces grandes artères de la capitale aux mille magasins, cafés, restaurants, serrés les uns contre les autres, pas l’ombre d’une vespasienne. Aïcha se mordille les lèvres, son visage vire au blanc. Elle n’en peut plus. Elle rentre dans un café, bafouille et demande dans une voix à peine audible les toilettes. D’un ton sec, on lui répond : «Elles sont fermées.»
Elle sort presque en pleurs, et à grandes enjambées, continue, tente sa chance dans un restaurant cette fois. Elle se voit rabrouée manu militari. Elle sent que sa vessie va exploser et qu’elle ne peut plus se retenir. A présent elle court, puis se rappelle qu’à l’entrée de la bouche du métro il y a des toilettes publiques. Elle ne sait pas si elle va arriver à temps. Mais elle ne désespère pas. Elle arrive enfin !
Mais que voit-elle ? Les toilettes des femmes sont fermées. Seules celles des hommes sont libres. «Monsieur Pipi» la regarde. Elle est au bord des larmes. Elle est à un doigt de se mouiller. Il a pitié d’elle. Un homme arrive. Il lui remet une pièce de 20 DA. Il l’arrête et demande à Aïcha de rentrer devant les yeux hagards de l’homme qui reste sans voix. «Allez-y madame, ne vous en faites pas, je surveille.»
Dehors, une chaîne se forme déjà. Les mâles s’impatientent. Ils font les cent pas. Certains s’énervent, rouspètent… Et voilà Aïcha qui sort soulagée, souriante devant des regards ahuris qui la scrutent comme une bête curieuse. Indifférente à ceux qui la dévisagent comme si elle venait d’une autre planète, elle remerciera son bienfaiteur qui vient de la sauver !