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Rubrique Le Soirmagazine

Enquête-Témoignages L’été des envahisseurs

Posséder une maison pieds dans l’eau ou une piscine chez soi, quel bonheur en été ! En principe. Mais dans la réalité, ce n’est pas toujours le cas à cause des débarquements impromptus de la famille qui s’invite chez vous sans prévenir. Entre juin et septembre, votre maison devient alors une sorte de  «Club Med». Une bonne adresse pour passer les vacances à l’œil. Finalement, avoir un bout de piscine ou de plage n’est-il pas un cadeau empoisonné ? Témoignages.

Kader, 51 ans
«J’ai failli accrocher une enseigne ‘’Hôtel 4 étoiles’’ à ma maison de Tigzirt, en bord de mer. Toute la famille débarquait en juillet et août. Epuisés d’offrir le gîte  et le couvert à des gens de passage, tous les jours, ma femme et moi avons crié  basta. Les belles- sœurs, les cousins, les beaux-frères des cousins, les amis des uns et des autres... Les arrivages n’en finissaient plus. Pendant le reste de l’année, personne ne se souvenait de notre existence. Mais dès que l’été pointait le bout du nez, le ‘‘Club Med’’ ouvrait ses portes. Tout le monde venait passer les vacances chez nous, sans nous demander notre avis. Les détails : le sable rapporté dans les pieds, les trombes d’eau partout, le désordre dans la maison, les cris des enfants... Un vrai bazar. Le hic c’est que, par politesse, nous n’osions pas dire non. Ce manège a duré plusieurs années. Puis, ma femme et moi avons pris une grande décision : celle de louer notre maison pendant l’été. Désormais, nous récupérons nos clefs en septembre. Les journées sont encore ensoleillées et nous en profitons tranquillement sans subir ‘‘les envahisseurs’’!» 

Lamia, 45 ans
«Posséder une piscine chez soi est un inconvénient. Une grosse corvée doublée d’une énorme responsabilité. Dans une société comme la nôtre où le savoir-vivre fait défaut, il est quasiment impossible de profiter d’un tel privilège sans assister à des débarquements. Le pire c’est lorsque des membres de votre  propre famille vous déposent leurs enfants et partent vaquer à leurs occupations. Une lourde responsabilité lorsqu’on on sait qu’un accident est vite arrivé. J’ai failli en subir les conséquences. Neveux, nièces et petits voisins s’ébrouaient dans le bassin dans une incroyable cacophonie cet après-midi-là. En compagnie de  ma sœur, je les regardais barboter dans l’eau. Le téléphone a sonné et j’ai dû  quitter mon poste de ‘’vigile’’ pendant quelques instants. 
C’est à ce moment-là que mon petit neveu, âgé de 4 ans, qui était sagement assis au bord de la piscine, s’est jeté à l’eau. 
Occupés à leurs jeux, les autres n’ont rien remarqué. Je suis arrivée in extremis. Son corps était inerte et son visage de couleur bleue.  Heureusement, il y eut plus de peur que de mal. 
Une minute de plus et il se serait certainement noyé. Mais ce jour-là a signé la fin des baignades des enfants chez moi. Je suis traumatisée à vie. Je ne reçois plus personne sauf si c’est pour prendre un café.»

Fatima, 61 ans
«Notre cabanon est envahi de monde tout l’été. Mes enfants viennent avec leurs enfants et leurs amis, mais pas seulement. Des membres de ma famille par alliance squattent les lieux aussi. Ils me disent qu’ils étouffent chez eux et qu’ils ne trouvent pas une bonne plage où aller. Je n’ose   pas leur dire que cela trouble ma quiétude. Si au moins ces débarquements  étaient limités au week-end, ce serait demi-mal. Des convois arrivent tous les jours. Il faut aménager des lits, organiser les repas... Les gens ne mettent pas toujours la main à la poche pour participer aux dépenses. D’autres se croient carrément à l’hôtel. Ils ne lavent même pas leur assiette. A cause des liens familiaux, je n’ose pas mettre le holà à ces dépassements. Mes filles me font la morale. Elles disent que j’ouvre ma porte à n’importe qui. L’hospitalité fait partie de mon éducation. J’attends des autres de comprendre par eux-mêmes et de  ne pas abuser de la situation, mais je ne vois que des comportements déplacés et égoïstes. Je pense même parfois à vendre ce cabanon pour avoir la paix une bonne fois pour toutes. Cependant je ne veux pas priver mes petits-enfants de ces moments de bonheur, alors je me dis ‘‘maâliche’’ !»
Subir l’invasion estivale semble être le lot de tous ceux qui ont le privilège de posséder une villa avec piscine ou d’être en bord de mer. Des havres de paix qui se transforment neuf fois sur dix en auberge espagnole par manque de savoir-vivre. «L’enfer, c’est les autres», disait, à juste titre, Jean-Paul Sartre. 

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