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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Le choix de Hafida

A leur arrivée, la grande salle était archicomble, impossible de trouver une table. Ils ont dû attendre plus de quinze minutes avant qu’ils puissent enfin s’asseoir. La mine réjouie, Omar poussa un ouf de soulagement ; quant à son ami, il resta de marbre. Il avait sa tête des mauvais jours. 

Je t’invite à prendre un couscous royal dans ce nouveau restaurant spécialisé dans la cuisine traditionnelle, proposa Omar à son ami Fouad.
C’est sans montrer le moindre signe d’enthousiasme que l’invité accepte cette alléchante proposition.
Après s’être servi du couscous, Fouad se mit debout, saisit la soupière contenant la sauce et les légumes chauds et, à la surprise générale, la déversa sur la tête de son compagnon. Ce dernier poussa des hurlements de douleur. Toutes les personnes présentes restèrent médusées devant cet insolite spectacle. «L’arrosé» était grotesque avec des morceaux de carottes, de navets, de courgettes, de pois chiches sur la tête et sur les vêtements, le visage ruisselant du liquide rougeâtre. Le patron des lieux accourut et essaya, à l’aide de plusieurs serviettes, d’atténuer les brûlures superficielles de son client ridiculisé, puis s’adresse à l’agresseur :
- Cela ne va pas se passer comme ça, je vais appeler la police !
N’attachant aucune importance aux dires du responsable des lieux, Fouad se pencha sur sa victime apeurée et lui chuchota à l’oreille.
- Maintenant, sache pauvre idiot que Hafida ne s’intéresse qu’à ton argent et que l’arrosage que tu viens de subir, tu l’as bien mérité, après le coup de couteau que tu m’as planté dans le dos.
 Puis, jetant un regard méprisant à celui qu’il a toujours considéré comme un frère, il se rapprocha de lui et lui flanqua une gifle qui fit voltiger des gouttes de sauce tout autour de lui. Avant de quitter le restaurant, il lui annonce que leur amitié venait d’être définitivement enterrée.
Pour comprendre la rage qui l’a poussé à agir ainsi, il faut revenir quelques années en arrière. Omar et lui se sont connus durant la période où ils effectuaient leur service national dans la même caserne à Oran. C’est en apprenant que Omar est originaire de Béjaïa qu’il prit sa défense devant un pique-assiette qui s’est permis de voler la part de viande de son oueld l’bled sans que ce dernier réagisse. Le chapardeur avait l’habitude de terroriser les faibles et les fils à papa ; il a vite deviné que le jeune homme faisait partie de la deuxième catégorie. Fouad l’avertit :
- Tu lui remets ce que tu viens de lui piquer  sinon ce sont tes dents que tu avaleras à la place. Connaissant la réputation de dur à cuire de Fouad, le voleur s’exécuta.
À partir de ce jour-là, il prit Omar sous son aile et devinrent amis. Plus personne n’osait s’approcher de celui qui était sous la protection du coriace Fouad, il était non seulement son protecteur, mais aussi celui qui écoutait ses jérémiades.
- Mon père a le bras long, il aurait pu m’éviter cette corvée du service national.  Quand je lui ai proposé d’intervenir en ma faveur, tu sais ce qu’il m’a répondu ?
- Oui, je le sais, «je ne peux pas, il faut que tu t’aguerrisses, tu es trop fainéant et trop mou mon fils, l’armée fera de toi un homme responsable» ; tu m’as seriné cette rengaine des dizaines de fois, je l’ai apprise par cœur, lui répondit Fouad,  agacé.
 Le jour où  il a eu honte de lui, c’est lors d’une fausse alerte en pleine nuit. 
En entendant toutes les sirènes de la caserne hurler, les sergents vociférer, et en voyant ses camarades de dortoir s’habiller rapidement en se bousculant et se précipitant pour monter dans les camions qui les attendaient dehors, Omar questionna un appelé comme lui :
- C’est quoi tout ce boucan ?
- Normalement c’est le signal de départ à une confrontation. Avec qui, je ne le sais pas.
Se croyant malin et voulant trouver un subterfuge qui lui permettra de retourner au lit quand tout le monde sera parti, il cacha un de ses rangers derrière son placard et fit semblant de le chercher, c’est à coups de pied au derrière qu’un adjudant-chef le força à grimper dans un camion sous les éclats de rire des autres soldats qui ont remarqué qu’il avait une seule godasse.
Heureusement qu’il ne lui restait que trois mois à tenir avant d’être libéré et retrouver la vie civile. Son haut fait d’armes nocturne a vite fait le tour de la caserne. Il est devenu l’objet de toutes les moqueries. C’est grâce au soutien indéfectible de Fouad qu’il réussit à tenir le coup.
Leurs livrets militaires en poche, les deux appelés sont de retour à Béjaïa. Après avoir galéré,  Fouad finit par trouver un emploi comme agent de sécurité au sein d’une entreprise publique. Quant à Omar, pas de souci d’embauche ! Son père lui a confié la gérance d’un parc de vente de matériaux de construction ; et comme  sable, ciment, gravier, fer à béton, carrelage, tuile… s’écoulaient comme des petits pains,  le nouveau gestionnaire pouvait se permettre d’acheter tout ce qu’il désirait.
Ce qui n’était pas le cas de Fouad. Son salaire ne lui permettait aucune folie, mais il eut le bonheur de retrouver Hafida, celle que tous ses amis surnommaient l’Amazone. Une fille qui joue au foot avec des garçons sans aucun complexe, qui est toujours habillée comme eux, qui coupe ses cheveux toujours trop courts, et qui a le sens de la répartie. Il a toujours eu le béguin pour elle sans jamais le lui avouer. Il devinait qu’elle aussi éprouvait quelque chose pour lui, vu qu’ils étaient presque inséparables avant son départ pour Oran.
Fouad, se sentant un peu plus audacieux lors des retrouvailles, avoua enfin ses sentiments à celle qu’il rêvait d’avoir comme épouse, Hafida répondit à cette annonce en lui sautant dans les bras. Elle était ravie, elle a toujours su qu’il était l’homme de sa vie. Ils vécurent des instants magiques et inoubliables ensemble, cinéma, plage, excursions, balades en amoureux…
Le trouble-fête qui allait semer la zizanie entre eux c’était Omar. Un jour, alors qu’il passait devant un arrêt de bus, il vit son ami en compagnie d’une ravissante jeune femme. Il freina sec et leur fit signe de monter dans sa luxueuse voiture. Fouad accepta l’invitation en traînant avec lui Hafida.
Après les présentations, Omar proposa de les déposer où ils le souhaitent. A partir de cette date, il les invita partout où il se rendait. Il avait beau résister à ses pulsions, Hafida exerçait sur lui une attirance impossible à maîtriser. Pour ne pas éveiller les soupçons de Fouad sur ses intentions de la lui ravir, à chacune de leurs sorties, il venait toujours accompagné de sa secrétaire qu’il faisait passer pour sa fiancée.
La confiance de son ami acquise, il se proposait même de rendre des petits services à Hafida. Il la conduisait sur son lieu de commerce quand Fouad ne pouvait pas le faire, elle avait loué un petit local où elle vendait des accessoires pour téléphones portables et autres petites babioles. 
À chaque fois qu’il se trouvait seul avec elle, il lui proposait une aide financière afin qu’elle puisse développer son activité, s’acheter un véhicule pour lui éviter les bousculades dans les transports en commun et même l’acquisition d’un appartement pour qu’elle soit complètement autonome. Contrairement à Fouad, elle a très vite compris que Omar s’était entiché d’elle et qu’il essayait de la séduire en lui faisant miroiter toutes les opportunités qui s’offriraient à elle sur un plateau d’argent si elle le choisissait lui comme petit ami et, si affinités,  comme mari. C’était tentant, mais elle n’éprouvait aucun sentiment pour l’homme aux poches pleines. Mais d’un autre côté, vivre d’amour et d’eau fraîche n’était pas sa tasse de thé. Elle passait des nuits blanches, n’arrivait plus à trouver le sommeil, son cœur balançant entre la passion et la raison. 
C’est Fouad qui va l’aider à mettre fin à son dilemme et la décider à opter pour Omar. Le jour où elle lui suggéra  d’acheter une vieille voiture pour le travail et des sorties en amoureux, il repoussa la proposition d’un revers de main.
- Un vieux tacot va bouffer nos maigres économies en réparations, il passera plus de temps chez le garagiste que sur le bitume.
 elle insista longtemps sans le faire fléchir. Elle tenait à lui, mais il ne comprenait pas que c’était pour elle vital qu’il dise oui. C’est l’entêtement de Fouad qui fit basculer sa décision du côté de Omar.   
 Le lendemain matin, elle téléphona d’abord à Omar pour lui dire qu’elle acceptait son offre. Mais par honnêteté envers celui dont elle est vraiment amoureuse, elle appela aussi Fouad pour lui avouer qu’elle est ambitieuse et qu’elle ne voulait pas d’une vie misérable en devenant sa femme, et ce, malgré l’amour qu’elle éprouve toujours pour lui.
En entendant ces confidences qui lui déchirèrent le cœur, Fouad ne posa qu’une seule question.
- Puis-je connaître le nom de l’heureux élu ?
Elle ne pouvait pas lui mentir, il le saura tôt ou tard, pensa-t-elle.
- C’est ton ami Omar, balbutia-t-elle avant de raccrocher, honteuse de sa forfaiture.
Malheureusement pour Omar, c’est ce jour-là qu’il choisit pour inviter son ami à un couscous royal ; Hafida ne lui avait pas encore annoncé qu’elle avait tout raconté à Fouad, d’où la douche de sauce sur la tête du traître. 

 

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