Partira ? Partira pas ? Jamais les projets de vacances d’été n’ont été aussi ballottés. Certains hésitent. D’autres y ont déjà renoncé, convaincus qu’en s’éloignant, même pour quelques jours, ils allaient trahir leur combat mené depuis le 22 février au tout début du Hirak. Témoignages.
Les vacances sont rattrapables, pensent-ils, alors que l’écriture de l’histoire n’attend pas. Pour d’autres, la situation politique n’est pas propice à des vacances détendues et sereines. Ils préfèrent attendre et voir. A l’inverse, certains n’ont rien déprogrammé.
Abdelmoumen, 43 ans
«C’est tout réfléchi. Ni moi ni ma femme n’irons en vacances avant que la situation du pays ne devienne stable. Notre engagement pour le mouvement populaire est indéfectible. Nous participons aux marches pacifiques du vendredi depuis le début du Hirak. A l’automne ou à l’hiver nous organiserons certainement un voyage à l’étranger, mais pas pour cet été. Nous restons mobilisés. C’est pour la bonne cause. Nous priver de vacances ne va pas nous tuer ! Rater l’occasion de construire une nouvelle république débarrassée de l’ancien régime est une priorité.»
Sabri, 21 ans
«Je suis étudiant en technologie et suis sur le terrain avec mes camarades depuis le début du Hirak. Tous les mardis et vendredis nous battons le pavé. Je ne compte pas prendre de vacances cet été, mais faire quand même des petites virées à la plage quand il n’y a pas de marches. L’heure est trop importante pour céder le terrain en plein élan. Il faut juste penser aux moudjahidine qui ont libéré notre pays. Ils ont souffert de la faim, de la soif, du froid et de la canicule. Il est indécent, à mes yeux, de parler de vacances lorsque l’avenir de notre pays est en jeu. Qu’est-ce que des vacances annulées ou reportées à côté d’un combat pour changer le système et créer une autre république avec plus de démocratie et de justice sociale ? J’ai à peine 21 ans, des vacances j’en aurai. Pour l’instant, il faut d’abord changer l’Algérie.»
Feriel, 45 ans
«Je soutiens les marches populaires. J’y participe avec toute ma famille, mais j’ai besoin d’une coupure d’au moins quelques jours pour revenir en force. Je compte aller passer une dizaine de jours de vacances en juillet sur la côte de Béjaïa avec mon mari et les enfants. L’idée, c’est de profiter de la mer en semaine et participer à la marche du vendredi à Béjaïa. Ainsi, je n’aurai pas déserté les rangs de la mobilisation, tout en effectuant un ‘break’ salvateur qui me permettra d’entamer la rentrée dans de bonnes conditions.»
Manel, 37 ans
«C’est la première fois qu’on me refuse le visa Schengen. Je pensais aller passer quelques jours en Espagne cet été, mais c’est très bien ainsi. Pas de visa, pas de vacances donc. Je passerai mes vacances avec les marcheurs jusqu’à l’application des articles 7 et 8. Je pense que l’été 2019 algérien ne ressemblera à aucun autre été. Il ne faut surtout pas déserter la rue sous prétexte que c’est l’été, que le soleil cogne et que l’appel de la plage est plus fort. Ne soyons pas égoïstes. Il faut libérer l’Algérie. Elle nous appelle. Elle a besoin de nous !»
Nacim, 54 ans
«J’ai prévu de passer quelques jours en Tunisie en famille cet été. J’avoue qu’en dépit du Hirak, j’ai décidé de ne pas déroger à mes habitudes. Néanmoins, je resterai accroché aux informations pour voir l’évolution de la situation. Je serai de tout cœur avec les manifestants. Je les quitterai juste pour quelques jours et je rejoindrai à nouveau le terrain de la contestation.»
Dans cette situation exceptionnelle de crise politique que traverse notre pays, beaucoup d’Algériens ont décidé de reporter leurs vacances d’été le temps de voir comment la situation va évoluer. La mobilisation a pris le dessus sur les envies de farniente et les vendredis de contestation promettent d’être chauds!
