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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Meriem la sacrifiée

Meriem a connu son mari la nuit de noces. Amar, lui aussi, voyait ce soir-là sa femme pour la première fois. Il a chargé ses parents de lui trouver une épouse, refusant toute rencontre ou  contact avec la femme qui allait partager sa vie  avant le mariage, de peur d’être rejeté. Meriem, quant à elle, n’était pas très enthousiaste quant au choix de cet étrange prétendant. 
Elle fit donc part de ses réticences à Saïda, sa mère, qui balaya les craintes de sa fille d’un revers de la main.
- Ton père l’a vu, cela devrait te suffire, si ce jeune homme avait une quelconque tare, il ne l’aurait pas accepté comme gendre. Ton futur mari est un peu timide, c’est tout. Estime-toi heureuse de trouver quelqu’un à vingt-huit ans. Chez nous, en Kabylie, tu es déjà considérée comme une vieille fille.
- Selon tes dires, cet inconnu qui souhaite que je devienne sa femme est âgé de trente-quatre ans, il est donc plus vieux que moi.
- Lui, c’est un homme mon enfant, il peut trouver une épouse même à quatre-vingts ans.
Ce que Saïda a passé sous silence et qu’elle ne pouvait avouer à sa fille chose impossible à imaginer, c’est que la raison pour laquelle son père, Slimane, a accepté aussi facilement les exigences de Amar, c’est uniquement pour ne pas déplaire et fâcher le géniteur du futur marié qui est son partenaire attitré au jeu de dominos. Il ne voulait en aucun cas perdre un coéquipier aussi précieux. A eux deux ils forment un duo imbattable. Il s’est donc arrogé le droit de décider à la place de Meriem. Elle n’avait pas son mot à dire. C’est lui le chef de famille, avait-il décrété.
  Slimane était addict au jeu de  dominos.  Un jour qu’ils affrontaient un duo de leur niveau, il prononça une phrase à un de ses adversaires qui venait de commettre une bourde, et qui allait rester dans les annales.
- Moi, j’aurais préféré qu’on m’annonce le décès de ma fille Meriem que de perdre en ayant encore dans la main le double six en fin de partie.
Meriem, tout en sachant que son père abusait de son autorité en lui imposant d’épouser un homme qu’elle n’a jamais vu,  accepta de se soumettre au diktat de Slimane. Elle avait une confiance aveugle en son père. Elle donna son accord du bout des lèvres. C’est le jour du mariage qu’eut lieu l’insolite et incroyable rencontre.            En soulevant le voile qui couvrait le visage de Meriem, Amar est resté  sans voix devant l’éblouissante beauté de la jeune femme assise sur le bord du lit. Jamais il n’aura de mots assez forts pour remercier celle ou celui qui a mis la main sur cette perle rare. Lorsque celle qui lui faisait face osa enfin lever les yeux, c’est l’inverse qui s’est produit. 
Une déception non dissimulée se lisait dans son regard. Les traits disgracieux de Amar ne lui inspiraient qu’une chose, prendre ses jambes à son cou et quitter les lieux. Mais elle savait que c’était trop tard et qu’elle devait accepter son sort. Le divorce n’était pas envisageable dans sa famille, c’est une abomination qu’il faut éviter à tout prix.
Elle s’est donc résolue à supporter un conjoint colérique, jaloux et radin. Jamais de cadeaux, de mots gentils ou la moindre considération. Ce qui la faisait le plus souffrir c’était son égoïsme. Bien que ce soit elle qui préparait à manger, il fallait qu’elle attende qu’il soit repu pour espérer se mettre quelque choses sous la dent. Et comme il mangeait comme un ogre, elle se contentait souvent des restes.
Pour couronner le tout, monsieur a toujours une vilaine bosse qui déforme sa lèvre inférieure à cause de l’énorme quantité de tabac à chiquer qui dissimule à moitié  les rares chicots noirâtres et pourris qui garnissent encore l’intérieur de sa  bouche dégageant ainsi une haleine fétide. Après plus de trois ans de vie commune point de bébé ; et pour cause, Amar qui exerce le métier de soudeur à l’arc et qui, par bravade contre son chef d’équipe, ne porte jamais sa tenue de protection comme le font l’ensemble de ses collègues, les rayons nocifs dégagés par ses postes de soudure ont fini par le rendre stérile, une autre souffrance à surmonter et à accepter par Meriem.
À chaque fois qu’elle rendait visite à ses parents, elle racontait tous ses supplices à sa mère, mais cette dernière essayait à chaque fois de lui remonter le moral en lui disant que c’est le mektoub. Mais un jour, croyant sa fille  assez loin pour l’entendre, elle jeta à la face de son mari.
- C’est ta faute, vieux fou !  Le jeu de  dominos t’a complètement détraqué le cerveau, sinon tu n’aurais jamais cédé aux exigences de l’affreux Amar et tu ne m’aurais pas obligée à mentir à Meriem. Tu as préféré sacrifier ta fille pour garder l’amitié d’un partenaire de jeu.
- Tais-toi femme ! Tu n’as pas été difficile à convaincre, toi aussi tu voulais te débarrasser d’elle à cause de son âge.
Meriem qui a entendu toute la  conversation crut que le ciel venait de lui tomber sur la tête. Elle s’interdisait de comprendre le sens des phrases prononcées par ses parents.  «Ce n’est pas possible», essayait-elle de se rassurer, mais la sinistre réalité s’imposait d’elle-même. Toute sa vie gâchée à cause d’un stupide jeu de dominos. Elle aurait préféré rester dans l’ignorance que d’apprendre cette impensable trahison. Cette cruelle vérité la rendit folle de rage. 
Telle une furie, elle entra dans la chambre de ses parents sans frapper.
- Vous ne méritez pas le respect que je vous dois, jamais je ne vous pardonnerai d’avoir comploté derrière mon dos pour me  livrer  poings et pieds liés à un inconnu laid et autoritaire.
Saïda et Slimane, tête baissée, n’osèrent pas répondre. Après avoir déversé tout son dégoût, Meriem quitta la chambre en claquant la porte, puis elle téléphona à son jeune frère afin qu’il la conduise chez elle. Quand il la déposa, elle lui demanda de revenir le lendemain avec son fourgon, à dix heures, au moment où Amar est encore au travail, sans lui expliquer pourquoi. Elle n’avait plus confiance en personne. Avec son mari elle se conduisit comme si de rien n’était ce soir-là. Le lendemain, dès qu’il sortit de la maison, elle rassembla toutes ses affaires, ses documents personnels et attendit son frère. Comme convenu, ce dernier arriva à l’heure. Le déménagement s’est fait vite et elle retourna chez ses parents qui demeurèrent muets. À dix-sept heures, quand Amar rentra chez lui, ce fut la consternation. Toutes les affaires de sa femme avaient disparu et tout était sens dessus dessous. «Que s’est-il passé durant mon absence ?» se demanda-t-il.
Il se rendit illico presto chez ses beaux-parents pour s’enquérir des raisons de la fugue de son épouse ; malheureusement pour lui, c’est Meriem en personne qui lui ouvrit la porte. Elle ne l’invita même pas à rentrer. L’heure des règlements de compte avait sonné, et c’est sur le seuil de la porte qu’elle vomit  toute la répugnance qu’elle éprouvait pour lui.
- Retourne dans ta tanière y cacher ta face cauchemardesque ; si je t’avais vu   avant le mariage, jamais je n’aurais accepté de devenir ta femme !  C’est moi qui demande le divorce pour maltraitance.
Quelques jours plus tard, Mokrane est venu plaider la cause de son fils auprès de son ami Slimane, mais devant la froideur et le ton sec de son coéquipier, il comprit qu’il était inutile d’insister et que leur partenariat au jeu de dominos était bel et bien enterré. 
D’ailleurs, Slimane déserta définitivement les cafés où se déroulaient les mémorables parties. 
Il avait honte d’avoir trahi la confiance de celle qui le chérissait, et qui a juré de ne plus jamais lui adresser la parole alors qu’il était au crépuscule de sa vie.

 

 

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