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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Mohand, le paysan

Certains hommes n’ont pas besoin d’accomplir des actes héroïques pour rester à jamais gravés dans la mémoire de ceux qui les ont connus. C’est le cas de Mohand Ou Douadi de Taddert Tamokrante, ce n’est ni un héros de la guerre de libération, ni un grand écrivain, ni un homme politique adulé, ni une tout autre célébrité connue et reconnue. C’est un simple paysan qui n’a jamais couru après une quelconque gloire ou reconnaissance populaire.
Et pourtant, tous ceux qui l’ont côtoyé parlent de lui comme de quelqu’un d’exceptionnel, un exemple à suivre. Il agissait selon ce que son cœur lui dictait sans jamais essayer d’épater ou d’impressionner, comme certains ambitieux avides de notoriété. Ce ne sont que les bonnes actions qu’il a semées un peu partout qui font de lui un homme hors du commun.
Douadi, le père de Mohand, a lui aussi été un bon et honnête chef de famille. Avant son repos éternel, il a pu marier ses quatre garçons et ses deux filles sans avoir à s’endetter, il est parti la conscience tranquille en sachant que son fils aîné, Mohand, à qui il a transmis tout son savoir et sa générosité, allait être digne de lui.
Le vieux paysan pouvait reposer en paix, ses enfants et leur mère,Taklit, étaient entre de bonnes mains. N’ayant pu supporter la disparation de son époux, la vieille femme tomba malade. Elle n’arrivait plus à se déplacer sans assistance et finit par perdre la vue. Elle pensait qu’elle n’en avait plus pour longtemps, mais elle se trompait. Mohand était aux petits soins avec elle. Malgré sa cécité, son terrible handicap, elle va très vite reprendre goût à la vie.
Pour la sortir de son invalidité et ses pensées moroses, le nouveau chef de famille fait d’elle sa confidente et sa conseillère attitrée, il ne prend aucune décision sans le consentement de celle qu’il considère comme étant le symbole de l’unité et de la bonne entente familiale. Douce, diplomate et aimée de tous, elle arrivait à mettre fin à tous les conflits qu’ils soient internes ou externes à la famille. Aucune vieille femme du douar n’a été aussi choyée qu’elle. Tous les soirs en rentrant et avant d’aller se coucher, Mohand lui faisait un compte rendu détaillé de sa journée et lui racontait ce qu’il avait envisagé pour le lendemain.
Quand il était invité à une fête de mariage, fiançailles, circoncision ou autres, il lui rapportait, bien enveloppé au fond de ses poches, un morceau de gâteau et de viande, sans lui avouer que c’était sa part.
Se sentant importante aux yeux de son fils, elle n’avait besoin d’aucun traitement, les paroles et la grande considération de Mohand suffisaient à la ragaillardir. Elle riait et réconfortait tout le monde par sa bonne humeur.
Elle était toujours entourée d’enfants à qui elle offrait des œufs, c’était les bonbons de l’époque. Pas un seul jour, pendant plus de vingt cinq ans, il ne montra la moindre lassitude ou ne rata un tête-à-tête avec celle qui l’avait mis au monde. Elle mourut dans ses bras, heureuse et comblée à plus de 90 ans. Sa mère n’était pas la seule à apprécier son amour et sa considération.
Les autres membres de la famille avaient droit à la même attention ; de plus, ils étaient tous contents de la manière dont il gérait l’héritage familial. Tout ce qui pouvait rapporter de l’argent, il l’entreprenait avec l’aide des siens : recherche de tiges d’osier et de liège en forêt et sur les parcelles leur appartenant, cueillette et ramassage de kharoub, d’olives de figues, culture de blé, d’orge, de petits pois, de pois chiches...
En ce qui concerne les fruits et légumes, c’est grâce à l’ingéniosité de Mohand qui, en découvrant par hasard un très mince filet d’eau qui coulait sur une petite colline qui fait partie de leur héritage, eut l’idée de construire un bassin pour récupérer ce précieux et inestimable liquide. Puis appelant à la rescousse tous les bras dont il pouvait disposer, il aménagea plusieurs plateaux les uns sous les autres et, en dessous de son réservoir d’eau, il planifia un génial système d’irrigation. Il planta poivrons, piments, tomates, oignons, citrouilles, courgettes et un à deux arbres fruitiers sur chaque plate-forme. La terre était tellement fertile qu’elle donnait tout en abondance.
Les trois quarts de la production étaient destinés à la vente. Il a eu aussi le génie de planter des vignes au pied de grands et robustes arbres bordant un petit ruisseau. Vers la fin de l’été, d’énormes grappes de raisin rouge de la taille d’une balle de ping-pong pendaient sous les branches. Il remplissait de gros paniers à chaque cueillette. Ce fruit s’ajoutait aux pêches, abricots, grenadiers, figues fraîches, figues de barbarie qui garnissaient toutes les tables de la famille.
Afin d’avoir une complète autosuffisance alimentaire, il a aménagé des enclos pour l’élevage de poules, coqs, lapins, moutons et chèvres pour les œufs et la viande, il a aussi pensé au lait, au beurre puisqu’à l’étable à côté des deux bœufs de labour il a réservé une place pour une belle vache laitière. L’écurie était occupée par un beau cheval blanc qui servait de moyen de transport pour les personnes et de deux robustes ânes pour le transport de marchandises, il n’a jamais maltraité une bête et gare à celui qui osera brutaliser un de ses animaux devant lui.
Tous les matins, il était le premier reveillé. Il rassemblait ses troupes et confiait à chacun sa tâche : ramener du fourage pour les bêtes, réparer des clôtures, irriguer des carrés de légumes et d’arbres, chercher du bois sec pour la cuisson et le chauffage. Les bonbonnes de gaz n’existaient pas à cette époque.
Impartial et ne voulant ni favoriser ni léser un membre de sa famille, tout le monde devait passer par les différents travaux des plus faciles au plus ardus, ses affectations sont respectées à la lettre et personne n’émettait la moindre objection. Sous la houlette de Mohand, on pouvait dire que la famille vivait dans une totale opulence, les indigents aussi bénéficiaient de la générosité de cet homme au grand cœur, sa porte restait toujours ouverte pour les accueillir.
Doté d’un savoir-faire incomparable, il ne refusait jamais de prêter assistance aux autres villageois. A chaque construction d’une nouvelle maison, c’était lui qu’on venait solliciter. Tel un architecte, il désignait le meilleur emplacement pour l’habitation et l’arbre qu’il faudra couper pour servir de poutre centrale à la toiture. Il prêtait ses bêtes pour le transport des pierres et autres matériaux, et retroussait ses manches afin d’ériger des murs d’une solidité à toute épreuve, et tout cela gratuitement.
Don transmis par sa mère, c’était à lui aussi qu’on faisait appel pour résoudre les conflits et calmer les esprits des plus belliqueux. Il ne quittait le village qu’une fois par semaine pour se rendre au souk d’Amizour, à une douzaine de kilomètres, pour des achats et discutait avec quelques-uns de ses connaissances. C’est sur son beau cheval qu’il faisait le trajet. Cavalier émérite, il ne passait pas inaperçu, des regards admiratifs suivaient sa chevauchée.
A 80 ans passés, il avait toujours bon pied bon œil et toute sa tête, les médecins et autres spécialistes n’ont jamais vu la couleur de son argent !
Le jour de son décès, tout le village était présent à son enterrement, les hommes voulaient avoir l’honneur de transporter son cercueil et les femmes sur le seuil de leurs portes suivaient la marche du cortège funèbre les larmes aux yeux. Il y avait aussi parmi l’immense foule des personnes qui l’on connu ou côtoyé, venues rendre un dernier hommage à ce paysan hors pair.

 

 

 

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