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Rubrique Lettre de province

Le «Hirak» à l’épreuve du carême et des manœuvres politiques

Que vise au juste le binôme Gaïd Salah-Bensalah en décidant d’un commun accord d’imposer à l’insurrection citoyenne la «solution» d’une présidentielle ficelée dans la hâte alors qu’eux-mêmes déclaraient auparavant qu’ils étaient favorables à l’examen d’autres approches susceptibles de faire l’unanimité auprès de l’opinion ? Difficile donc de suivre leur cheminement politique d’autant plus qu’ils firent peu cas du principe de la consultation pour laquelle plusieurs personnalités étaient disposées à s’associer afin de donner leurs avis et, pourquoi pas, dégager un projet à la mesure de l’immense crise nationale. Rien de tout cela n’a semblé convenir aussi bien à l’intérimaire d’El-Mouradia qu’au puissant généralissime. Alors que l’hostilité du mouvement national est bel et bien perceptible à travers le rejet de ce bradage de rechange, l’un comme l’autre viennent de se succéder pour accréditer la même thèse sans faire l’effort de l’accompagner d’arguments clairs. Se contentant d’ailleurs de recourir aux incantations habituelles, ils se dédouaneront à travers une homélie prêchant «la sauvegarde de la patrie devenue une proie idéale» à de fantomatiques ennemis. 
C’est de la sorte précisément que les Tagarins allaient plaider ce genre d’«urgences» par le biais de leurs communiqués. Dans le même temps, le chef d’état-major changera de ton afin de diffuser une mise en garde et un acte d’accusation qualifiant les partisans de la transition de «comploteurs», ni plus ni moins ! Un qualificatif violent et inattendu mettant fin au sens de la mesure à travers lequel il s’adressait, auparavant, à l’opinion. Loin de consolider l’autorité acquise dans le rôle de « parrain de cette révolution », ne vient-il pas de jeter le trouble au sein de cette dernière, laquelle commence à nourrir des soupçons à son encontre ? Au moment où son faux alter ego qu’est Bensalah continue à subir le bruit des casseroles qu’il traîne depuis toujours, ce général-là semblait mieux nanti en termes de crédibilité. Du moins donnait-il l’impression de s’être amendé de ses connivences du passé dès l’instant où il décida de se mettre du côté de la barricade du peuple. Sans doute, expliquera-t-on, son revirement n’a été dicté que par le seul souci de prioriser la stabilité quitte à ce que celle-ci puisse valoir au pays la malheureuse infortune de renouer à nouveau avec les coutumes politiques du présent. Se souciant si peu de l’avenir, comme on le suppose, il ne pouvait que reléguer aux calendes grecques le mirage d’une seconde République dont rêvent, en marchant depuis douze semaines, des millions de compatriotes. Autrement dit, il laisse entendre que l’armée telle qu’elle est formatée actuellement, n’a pas pour mission d’inventer l’avenir mais de préserver, dans le meilleur des cas, le présent. Celui entre autres d’habiller politiquement les institutions et de faciliter techniquement la promotion aux postes de responsabilité. C’est ainsi qu’il désire mettre son autorité au service du formalisme constitutionnel. Ce qui, d’un certain point de vue, est tout à fait conforme au rôle du soldat républicain qu’il est. Et c’est à cause de cette équation oubliée que naquit l’actuel quiproquo qui risque d’éloigner du bras armé de la République, un peuple mature souhaitant réinventer un pays à la hauteur de ses ambitions. Autant admettre que ce n’était pas à un soldat qu’il fallait s’adresser pour forcer les portes de l’avenir mais à rester vigilant jusqu’à la date-butoir du 4 juillet quand enfin les urnes s’avéreront inutiles !
En attendant, comment faire pour habiter ce beau songe tout en jeûnant quatre semaines sans discontinuer ? A mi-chemin de l’épilogue du 4 juillet, ne faudra-t-il pas aux centaines de milliers d’insurgés de ruser avec les injonctions du Ramadhan et le devoir d’abstinence que la spiritualité exige ? Dure épreuve que l’on feint de respecter facilement alors qu’il n’en est rien. Car il n’est pas tout à fait vrai que chaque Ramadhan est accueilli avec la même ferveur qui lui est prêtée.
Terre accablée par le ressentiment à l’encontre de l’hypocrisie de l’Etat qui ne sut pas protéger la paisible spiritualité des ancêtres, n’a-t-on pas fini par cultiver un rapport ambigu avec la religion toutes les fois où celle-ci devient un prétexte politique ? Synthèse parfaite des outrances de la politique lorsqu’elle s’incruste dans la sphère privée, elle devient alors une insupportable loque morale. Accoucheuse de ce marais de piétisme grégaire ayant investi les mosquées, elle fut aussitôt assimilée à un refuge pour entretenir un stupide mimétisme au lieu de demeurer une retraite consacrée à la méditation. Bref, l’on « inventa » une religiosité sans foi réduite aux rites répétitifs qui, à leur tour, devinrent un exercice quasi-pavlovien sans support spirituel. Telle est la misère morale de la société qui sombra dans la clochardisation tant il est vrai que, d’une année à l’autre, le dénuement s’était accru au moment où les mosquées se multipliaient et que l’Etat fit du principe de la charité la philosophie de sa justice sociale. Un dévoiement mortifère du caractère méditatif de l’abstinence qui fut tout à fait désacralisé autour de la jeune génération : cette humanité fragile qui, au fin fond de ses troubles et ses frustrations, appréhende ce mois comme celui du calvaire.
Rideau donc sur la bienfaisance politico-religieuse mais gros plan sur la haute solitude de la misère. C’est précisément de cette injustice que les petites gens sont conscientes, elles qui ne s’abusent guère sur les motivations cachées que suscite la charité occasionnelle. Celle de la sollicitude tapageuse des Ramadhans de chaque année, laquelle révèle toujours l’odieuse théâtralité de l’entraide. Ce sont justement les accablés de la pauvreté qui se demandent pourquoi il existe des saisons de solidarité et de longs mois de famine. De la même manière, elles ne cessent de scruter avec l’inquiétude que l’on devine la ligne d’horizon de ce pays où grossit, au fil des ans, la cohorte des miséreux. 
Ce sont là, résumées, les angoisses des lendemains d’un Ramadhan quand la privation forcée impose son emprise à la place de l’abstinence sacrée dont les tartuffes en avaient fait  l’antichambre d’un paradis fantasmé. Sauf qu’en cet an de grâce 2019, la solidarité n’aura pas pour unique adresse les parvis des mosquées dès lors qu’il a été décidé de se donner rendez-vous tous les vendredis profanes afin de contester l’ordre infâme qui a fini par faire de la misère un paramètre économique.
B. H.

 

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