Placeholder

Rubrique Point_Virgule

Faire de Djamaâ El Djazaïr un pôle de lumières spirituelles !

Après avoir étrenné en octobre 2020, à titre symbolique, sa gigantesque salle de prière, le Président Abdelmadjid Tebboune a inauguré dimanche, à titre officiel, l’ensemble de Djamaâ El Djazaïr, imposante œuvre architecturale et religieuse face à l’immensité méditerranéenne, à l’est de la capitale. Dans une démarche ordonnée, il avait signé en mai 2022 des décrets exécutifs portant création, fonctionnement et statuts des diverses structures rattachées à cette nouvelle et distinguée institution du rite malékite en Algérie. Précisément, le Conseil scientifique, l'École nationale supérieure des sciences islamiques (Maison du Coran), le Centre de recherche en sciences religieuses et dialogue des civilisations, la bibliothèque et le Musée de la civilisation islamique en Algérie.
En mars 2022, le chef de l’État avait déjà nommé une éminence religieuse algérienne comme recteur de Djamaâ El Djazaïr, avec rang de ministre, en la personne de l’honorable Mohamed Ma’moun Al Kacimi Al Hocéini, membre du Conseil supérieur islamique (CSI, autorité religieuse suprême du pays), cheikh de la zaouïa d’El Hamel (pôle d’enseignement coranique régional, affilié à la grande confrérie Rahmania), ancien directeur de l’orientation cultuelle au ministère des Affaires religieuses et auteur de plusieurs ouvrages d’exégèse coranique et d’autres dédiés à l’éducation, l’économie et la finance en rapport avec l’Islam.
À chacune de ces trois étapes franchies par le chef de l’Etat, l’idée en filigrane est de faire émerger un pôle des lumières de la foi éclairée, selon l’orthodoxie malékite. Qui plus est dans une partie de la capitale qui a pris à l’indépendance le nom de Mohammadia, en référence allégorique au Prophète de l’Islam (SWS) et en lieu et place du nom de Lavigerie, de sinistre mémoire coloniale et à fondement prosélytique catholique. Avec, précision utile, le nom générique de Djamaâ El Djazaïr, c’est-à-dire la Grande Mosquée d’Algérie, à ne pas confondre avec la spécifique Grande Mosquée d’Alger, «Djamaâ Lékbir», située à l’ouest de la ville et construite sur une assise hammadide par l’Almoravide Youssef Ibn Tachfin en 1097, et dont le minaret datant de 1324 fut érigé par le sultan zianide de Tlemcen, Abû Tashfin Ibn Abu Hammou Moussa al-Awwal.
Ceci dit, ce qui était au départ un rêve de grandeur islamique, voire une chimère architecturale sur une des cinq failles sismiques algéroises de la tectonique active du nord du pays, est devenu, avec un certain retard, une réalité impressionnante sous forme d’un groupement architectural hors normes : en fait, une majestueuse nef religieuse en bordure de Méditerranée. Sa position face à la splendide baie d'Alger n'est cependant pas sans rappeler la Grande Mosquée de Casablanca, projet similaire mais de moindre taille, et qui est cependant un trône architectural qui en impose, lui aussi, face à l'ampleur océane.
Comparaison n'est toutefois pas raison, mais le parallèle sonne quand même comme un aveu implicite d'existence d'un certain complexe spirituel caché, notamment chez le concepteur de l’idée, le Président Abdelaziz Bouteflika lui-même : le «complexe al-Qarawiyine», en référence à l'université de même nom au Maroc. Ou bien encore un «syndrome de la Zitouna» tunisienne. Dans un cas comme dans l'autre, ces deux ensembles du malékisme maghrébin rappelaient quand même l'absence criante d'un espace analogue dans le Maghreb central, l’ancienne appellation de ce qu'est aujourd'hui l'Algérie.
Mais, soulignons-le tout de même, l'actuel chef de l'État, qui a lancé et supervisé les travaux pharaoniques de Djamaâ El Djazaïr serait, à l’instar de son prédécesseur, profondément imprégné de l'idée de doter son pays d'un grand centre de rayonnement religieux à l'image des Qarawiyine de Fès, de la Zitouna de Tunis ou même d'al-Azhar du Caire. En termes de vision, al-Qarawiyine fut pour le Président Abdelaziz Bouteflika le périgée religieux, et la Zitouna, peut-être même al-Azhar, le point d'apogée spirituel. C'est vraisemblablement un peu de tout cela, mais pas tout à fait ça, que lui et son successeur ont voulu voir émerger à Mohammadia, quel qu'en soit le coût financier !
On n’est certes pas encore au stade de possession d’une institution aussi prestigieuse, car en termes de rayonnement religieux, il y a encore loin de la coupe aux lèvres, question de temps, de production de contenus et de formation de générations entières de diffuseurs de lumières spirituelles ! Car si on pouvait combler un énorme manque en matière d'architecture, on ne pourrait pas, en revanche, rattraper d'un seul coup un important retard historique par rapport à des institutions érigées respectivement en 704, 877 et 970 apr.-JC. La signature par le Président Abdelmadjid Tebboune des décrets cités plus haut semble exprimer en revanche une forte volonté personnelle de faire de Djamaâ El Djazaïr quelque chose de la Zitouna, d’El Qarawiyine ou d’Al-Azhar en Algérie, ou encore de tout cela à la fois et qui serait quand même différent, spécifique, c’est-à-dire algérien, soulignons-le encore une fois !
L’œuvre architecturale et religieuse représentée par Djamaâ El Djazaïr, en attendant l’émergence de ce futur grand centre de la spiritualité islamique et de l’exégèse coranique en Algérie, ce sont les chiffres de l’exception et des records propres à un monument polyvalent. La mosquée est notamment la plus grande d’Afrique et la troisième plus imposante au monde après Masdjid El Haram (La Mecque) et Masdjid El Nabawi (Médine). Elle dispose, entre autres particularités, du plus haut minaret au monde (265 mètres) et d’une extraordinaire salle de prière de 20 000 m2 pouvant accueillir jusqu’à 120 000 fidèles.
Elle possède globalement un nombre frappant de dépendances cultuelles, culturelles, artistiques, pédagogiques et de confort d’accueil, et se distingue aussi par le nombre tout aussi spectaculaire des livres de sa vaste bibliothèque. Tout en se singularisant encore par le chiffre astronomique de colonnes octogonales dressées dans la grande salle de prière, sans oublier les six kilomètres d’écritures calligraphiques, dont certaines ont été gravées sur du marbre et de la pierre décorant la salle de prière ainsi que les différents autres espaces de la nouvelle haute institution du «juste milieu» malékite.
Après tout, qu’importe ces chiffres qui sont aujourd’hui ceux de la grandiloquence architecturale, car l’objectif initial n’a jamais été d’inscrire Djamaâ El Djazaïr dans le Guinness Book des records ! Il est tout simplement attendu que ces chiffres, qui sont parfois l’expression d’un «wantoutrisme» religieux chez les plus enthousiastes parmi les élites du pays, soient demain, et tout simplement, ceux de l’élévation religieuse et de la hauteur spirituelle. Amen !
Et qu’importe d’autre part le coût jugé faramineux de ce mégaprojet. Certes, l'œuvre a coûté beaucoup, mais la majesté architecturale, le sublime religieux et le rayonnement spirituel qui en est espéré, n'ont finalement pas de prix. On peut même imaginer le chef de l'Etat nous dire du haut des 265 mètres de son minaret : qu'importe finalement l'argent, c'est la hauteur de vue et la grandeur spirituelle qui comptent et qui subsistent pour l’Algérie. Alors, selon la hauteur de vue de chacun, on peut y voir en effet un peu de folie des grandeurs. De même que du gaspillage au moment où le pays avait besoin du moindre dollar pour tant d’autres choses. Ou bien, à l'inverse, y voir, comme le président de la République, une manière de s'élever encore plus haut d'un point de vue spirituel dans un pays qui n'a pas eu souvent l'occasion de le faire au cours de son histoire tourmentée.
Mais qu'on se le dise une fois pour toutes, Allah est Grand, Djamaâ El Djazaïr et l’Algérie aussi !
N. K.

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder